Alors que la COP27 de Charm El-Cheikh vient de s’achever, Décideurs propose deux lectures des leçons à tirer de cette grand-messe climatique.

GOOD COP

Une avancée historique. C’est ainsi que certains observateurs ont qualifié l’issue de cette COP27. La source d’un tel enthousiasme  ? La création, pour la première fois, d’un fonds pour les "pertes et dommages", afin de venir en aide aux pays du Sud particulièrement vulnérables aux effets du réchauffement climatique. Plusieurs pays se sont déjà engagés à mobiliser une enveloppe de 350 millions de dollars. D’autres engagements devraient suivre. Une mesure de justice, attendue de longue date, qui fait dire à Mohamed Adow, directeur exécutif de l’ONG Power Shift Africa que "La COP27 a fait ce qu’aucune autre COP n’avait réalisé. Cette question n’était même pas l’ordre du jour au début des négociations et aujourd’hui, nous entrons dans l’histoire. Cela montre que le processus des Nations unies peut donner des résultats et que le monde peut reconnaître le sort des personnes vulnérables". Un comité composé de pays du Sud et du Nord travaillera à rendre ce dispositif opérationnel dès la COP28. "Un pas en avant trop court pour les habitants de la planète", regrette toutefois Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne.

Si la COP se veut une entreprise rationnelle, nous devons soit repenser en profondeur son concept… soit revoir nos attentes à la baisse

La vérité est ailleurs

À part ça ? Rien ou presque. Pour trouver un embryon d’engagement nouveau sur la transition énergétique et le renoncement aux énergies fossiles, il fallait se rendre au G20, quelques jours plus tôt en Indonésie. Les pays les plus riches du monde, représentant 80% des émissions mondiales, s’y étaient engagés à poursuivre leurs efforts pour réduire le recours au charbon, tout en réaffirmant le vœu, chaque jour un peu plus pieux, de maintenir le réchauffement à 1,5 degré. De quoi, comme à chaque COP, soulever l’incapacité intrinsèque du processus onusien de parvenir à un texte ambitieux et juridiquement contraignant ? Peut-être qu’il faut nous faut arrêter d’attendre de chaque COP une forme de Grand soir climatique. Peut-être que la solution viendra d’actions collectives plus restreintes, à l’échelle de pays, de continents, ou de petits groupes de nations qui voudront avancer plus vite sur certains dossiers, à l’image du "nouveau pacte financier" qu’Emmanuel Macron souhaite construire avec les pays les plus vulnérables et qui donnera lieu à un Sommet en juin 2023, coorganisé avec la Première ministre de la Barbade. Peut-être qu’il faut attendre le vrai changement décisif du monde économique, de la finance, des entreprises, des consommateurs, des mouvements citoyens. Ça fait beaucoup de "peut-être". Mais leur somme d’incertitudes vaut plus que la croyance naïve en une COP décisive. Moment privilégié de discussion, les COP permettent de mettre tous les pays du monde autour d’une même table. Elles donnent lieu à un momentum politique, économique et social bienvenu. Elles permettent de scander chaque année l’urgence de la situation et de mettre en lumière l’inanité de la réponse que nous y apportons. Elles sont une méthode, pas une solution.

"La folie, c’est de refaire toujours la même chose et d’espérer des résultats différents", aurait dit Albert Einstein. Si la COP se veut une entreprise rationnelle, nous devons soit repenser en profondeur son concept… soit revoir nos attentes à la baisse.

BAD COP

Une fois encore, la COP s’est révélée être le théâtre du conditionnel, la tribune de l’hypothétique et il a été question "d’appeler à", de "prévoir de" et de "tendre vers", sans qu’aucun engagement ferme ne soit réellement pris.

Pertes et dommages

Malgré leur retard dans la lutte à celui qui pollue le plus que semblent se livrer les différents continents, les pays les plus pauvres demeurent en première ligne pour ce qui concerne les effets du dérèglement climatique. Alors que l'Occident se montre toujours plus exigeant du point de vue de l'écologie, les ressources attribuées peinent à habiller cette ambition. Le Président français a multiplié les annonces, ce qui relève désormais du passe-temps, estimant qu’"il y a aujourd’hui une confiance qui s’effrite entre le Nord et le Sud". Il a été question d’un fonds "pertes et préjudices" d’aide aux pays les plus touchés par les impacts du réchauffement climatique, fonds dépendant des recommandations d’un "comité de transition" ainsi que de la création d'un nouveau groupe de travail pour proposer "des financements innovants pour le climat" et d’un nouveau rendez-vous pré-COP28. Si les conséquences du dérèglement climatique ont bien été prises en compte, la COP27 n’en a pas traité les fondements.

L’inconvénient majeur des mots c’est qu’ils n’éteignent pas les feux, pas plus qu’ils ne contrarient les inondations

Pertes et profits

L’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5° degré d’ici à 2030 est confirmé, mais les engagements actuels, à supposer qu’ils soient tenus, n’autorisent pas une telle ambition. "L'humanité a le choix : coopérer ou périr. Il s'agit soit d'un pacte de solidarité climatique, soit d'un pacte de suicide collectif" a affirmé Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, en début de COP. La seconde proposition semble avoir été privilégiée : avec 636 représentants, les lobbies des énergies fossiles étaient bien représentés avec une hausse de leur mobilisation de l’ordre de 25 % par rapport à la COP26. Alors que l’on pourrait y voir un scandale, cette mobilisation constitue surtout l’illustration d’une inquiétude généralisée, balayée par la souris dont a accouché la conférence. Coca-Cola, champion du monde de la pollution plastique et sponsor officiel de tout, a accompagné financièrement l’événement, à une semaine de la Coupe du Monde au Qatar que le géant américain sponsorise également.

La COP27 a donc, comme ses prédécesseurs, donné l’occasion à tout un chacun de réaffirmer son engagement pour le climat. Si celui-ci manifeste, année après année, COP après COP, sa profonde insensibilité aux discours, nos dirigeants ne semblent pas résignés à proposer autre chose pour le moment. L’inconvénient majeur des mots c’est qu’ils n’éteignent pas les feux, pas plus qu’ils ne contrarient les inondations.    

Antoine Morlighem et Alban Castres

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