Annoncé en mai dernier, InfraVia Capital Partners lance un fonds dédié aux métaux critiques d’un montant cible de 2 milliards d'euros avec le soutien de l’Etat. La société de gestion, positionnée historiquement sur l’investissement dans les infrastructures, s'engage vers une nouvelle thématique. À quelques mois du premier closing, Laëtitia Feraud, COO et cofondatrice d’Infravia Capital Partners, revient sur le rôle clé des métaux comme le lithium, le cobalt, le nickel mais également les terres rares ou le cuivre dans la transition énergétique et les enjeux de souveraineté qui en découlent.

Décideurs. Dans la dernière ligne droite de la constitution du fonds pouvez-vous faire le point ?   

Laëtitia Feraud. Ce fonds suscite beaucoup d’intérêt de la part de tout l’écosystème, des investisseurs jusqu’aux industriels. Notre démarche, le rôle de l’État, la stratégie du fonds et le traitement du sujet de RSE et ESG dans le secteur des métaux critiques éveillent la curiosité de tous. Nous maintenons le cap et sommes en ligne avec l’objectif d’un premier closing début 2024.

Comment expliquez-vous que ce projet suscite autant d’intérêt ?

C’est une idée originale. Il n’y a pas d’autre fonds non étatique de cette taille dédié aux métaux critiques dans le monde. Il faut aussi souligner la rapidité avec laquelle le projet a vu le jour. La volonté politique de l’inscrire à l’agenda dans le cadre du plan France 2030, le pragmatisme déployé pour sa mise en œuvre sont impressionnants. Les problématiques actuelles liées au secteur de l’énergie, les questions de souveraineté qui ont émergé ces dernières années et le contexte de transition environnementale nourrissent la curiosité de tous. Nous avons, nous-mêmes, développé la conviction que ce projet est passionnant et revêt une dimension stratégique !

"En tant que société de gestion, nous sommes à l’intersection entre un besoin massif d’investissement et celui d’investisseurs à la recherche de diversification et de rentabilité"

À ce titre, quel est le rôle d’une société de gestion en matière d’indépendance énergétique ?

Après avoir monté InfraVia il y a un peu moins de vingt ans, et engagé une diversification dans la tech et l’immobilier, nous reprenons notre bâton de pèlerin pour faire de la pédagogie sur une nouvelle thématique d’investissement, cette fois-ci sur les métaux critiques. En tant que société de gestion, nous sommes à l’intersection entre un besoin massif d’investissement et celui d’investisseurs à la recherche de diversification et de rentabilité. Cette nouvelle classe d’actifs est attractive en raison de son rôle clé dans la transition énergétique et du couple risque/rendement positif que nous anticipons. D’autre part, mettre l’épargne au bénéfice de la souveraineté nationale et de la transition énergétique s’inscrit dans une logique sociétale vertueuse. L’investissement est la seule solution pour garantir et diversifier l’approvisionnement en métaux critiques et augmenter les volumes d’extraction et de traitement. 

"Il faut sortir de l’image de Germinal quand on pense à la mine."

L’extraction de métaux soulève des questions environnementales, comment les conciliez-vous avec les objectifs ESG du nouveau fonds ?

Nous avons structuré le FMC de manière à atteindre une complémentarité entre les objectifs stratégiques et financiers et les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance. Il faut sortir de l’image de Germinal quand on pense à la mine. L’univers minier a fait beaucoup de progrès en termes d’ESG ces dernières années et notre travail sera aussi d’identifier les moyens d’améliorer la chaîne de valeur, de l’évaluation initiale au suivi actif des investissements. Notre stratégie est de permettre la transition énergétique, or sans métal, il n’y a pas de transition énergétique. Aujourd’hui, il n’y a pas d’autre choix que de faire de l’extraction, du raffinage et de développer la filière du recyclage. Il est indispensable de le faire avec les bons critères ESG pour agir dans le sens de la transition énergétique.

L’Europe n’est pas le continent le plus riche en métaux critiques, comment garantir leur approvisionnement tout en maintenant une indépendance ?

Dans un objectif de plus d’autonomie stratégique européenne, le potentiel minier de l’Europe fait évidemment partie de notre horizon d’investissement mais nous allons également explorer nombre d’opportunités en dehors des frontières européennes, en s’assurant que des standards ESG y soient respectés. C’est une stratégie globale, il est nécessaire dans un premier temps de travailler sur l’extraction du lithium, du cobalt et du nickel là où se trouvent les métaux c’est-à-dire en Afrique, en Amérique du Sud, au Canada ou en Australie ; nous ne pouvons pas faire fi de la géographie du sous-sol. L’idée est d’investir ensuite, progressivement, dans des capacités de raffinage et de transformation et de développer la filière du recyclage en Europe.

"Une quinzaine de personnes géreront à terme ce fonds, avec des profils financiers, mais aussi des experts en géologie, en chimie"

Comment les projets d’investissement sont-ils structurés ?

Nous avons vocation à entrer dans des projets de façon minoritaire, aux côtés d’industriels de premier plan, en injectant, certes, de l’argent, mais également en sécurisant le métal extrait pour les acteurs de l’industrie française et européenne. C’est un fonds sur 25 ans. Il a vocation à investir dans des actifs ayant une forte visibilité en termes de revenus et de rendements parce qu’ils répondent à des besoins essentiels et de long terme. Nous n’arriverons pas dans des phases trop early stage, notamment dans des projets où la production dépend de l’obtention de permis d’extraction ou d’autres autorisations. À date, nous construisons un portefeuille cible de projets qui doivent permettre, à terme, d’être sur des niveaux de rentabilités cohérents avec le profil de risque des actifs.

Comment votre équipe d’investissement s’organise-t-elle pour gérer la spécificité du secteur?

La plateforme commune InfraVia supporte nos diverses équipes d’investissement, et notamment l’équipe pluridisciplinaire dédiée au FMC que nous sommes en train de constituer. Une quinzaine de personnes géreront à terme ce fonds, avec des profils financiers, mais aussi des experts en géologie, en chimie et une personne dédiée à l’évaluation environnementale et sociale des actifs. La dimension durable et soutenable des investissements en dépend. Par exemple, la question de l’utilisation de l’eau dans l’extraction des métaux est cruciale : comment la traiter ? Comment réduire son utilisation ? Ce sont des sujets spécifiques, techniques, il est nécessaire d’intégrer cette composante au sein de l’équipe.

 

Céline Toni

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