Da un contexte où le reclassement groupe fait l’objet d’une attention particulière du législateur(1), l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 janvier 2010 retient que l’employeur, au sein d’un groupe de sociétés, est seul débiteur de l’obligation de reclasser les salariés et d’

Dans un contexte où le reclassement groupe fait l’objet d’une attention particulière du législateur(1), l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 janvier 2010 retient que l’employeur, au sein d’un groupe de sociétés, est seul débiteur de l’obligation de reclasser les salariés et d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi.


En cas de licenciement pour motif économique, les recherches de reclassement doivent s’opérer au sein de l’entreprise ou des « entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient »(2).
La chambre sociale de la Cour de cassation a précisé le périmètre de cette recherche, lorsque l’entreprise appartient à un groupe. Depuis un arrêt du 5 avril 1995
(3),  l’employeur se doit de procéder à des recherches de reclassement « à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. »


Si, depuis ces jurisprudences(4), le périmètre de la recherche de reclassement est connu, la Cour de cassation n’avait pas eu l’occasion d’identifier le débiteur de cette obligation. L’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 janvier 2010, n°08-15.776, tranche cette question.
Les faits de l’espèce étaient les suivants : la société Péronne Industrie, qui appartient au Groupe Unichips International, cédait, en 2002, un portefeuille de marques à une autre société du Groupe, la société San Carlo Gruppo Alimentare (San Carlo). En 2005, la société Péronne Industrie était placée en liquidation judiciaire. Le plan de sauvegarde de l’emploi initié par le liquidateur étant jugé insuffisant
(5), celui-ci engageait une action à l’encontre de plusieurs sociétés du groupe, dont la société San Carlo, afin de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre du plan.

Dans le même temps, les salariés licenciés de la société Péronne Industrie, dans le cadre d’une action engagée à l’encontre de la société San Carlo, obtenaient du juge de l’exécution la saisie conservatoire de la marque Flodor. Par un arrêt en date du 10 avril 2008, la cour d’appel de Paris, confirmant le jugement, relève que « chacune des sociétés du groupe, même établie à l’étranger, apparaît ainsi tenue de mobiliser ses moyens et ses propres possibilités de reclassement sur demande du liquidateur ». La cour d’appel en conclut que « la sanction de la non fourniture des moyens adéquats et de l’absence de réponse aux exigences légales a, à l’évidence, causé aux salariés qui ont ainsi dû être licenciés, un préjudice. »

La chambre sociale de la Cour de cassation, au visa des articles L.1233-61 et L.1233-4 du Code du travail, casse l’arrêt de la cour d’appel de Paris et rappelle que le seul débiteur de l’obligation de reclassement est l’employeur à l’exclusion des autres sociétés du groupe, et ce, nonobstant l’absence de coopération de celles-ci.

Il ressort de cet arrêt qu’il convient de distinguer le périmètre de la recherche de reclassement, qui peut s’étendre à d’autres sociétés du groupe, éventuellement localisées à l’étranger, du débiteur de cette obligation qui ne peut être que l’employeur.
Ce principe, énoncé par l’arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2010, est conforme aux dispositions de l’article L.1233-61 du Code du travail, lequel dispose que le plan de sauvegarde de l’emploi, qui doit intégrer un plan de reclassement, est établi par « l’employeur ».
Il est également cohérent avec la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle considère que le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l’employeur méconnaît son obligation de reclassement
(6). Retenir, comme l’avaient fait les juges du fond, que chaque société du groupe est débitrice d’une obligation de reclassement aurait eu pour effet de créer, au profit des salariés, un droit à réparation, distinct des dommages et intérêts qu’ils sont susceptibles d’obtenir auprès de leur employeur pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation écarte cette hypothèse en indiquant qu’ « une société relevant du même groupe […] ne répond pas, à leur égard [des salariés] des conséquences d’une insuffisance des mesures de reclassement prévues dans un plan de sauvegarde de l’emploi ».
Il en ressort qu’une société du groupe, si elle n’est pas l’employeur, ne peut engager sa responsabilité pour un licenciement dont elle n’est pas à l’origine, même si, par son inertie, elle a pu priver un salarié de sa possibilité d’être reclassé.
Il s’ensuit, d’une part, que la recherche de reclassement repose exclusivement sur l’employeur, même si cette recherche transcende le périmètre de son entreprise et, d’autre part, que l’employeur assume, seul, les conséquences d’une éventuelle carence dans son obligation de reclassement ou d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi
(7).

L’arrêt du 13 janvier 2010 a donc le mérite de clarifier la question de l’obligation de reclassement groupe qui persiste pourtant à soulever un nombre important de questions pratiques.


UNE INTERVENTION DESORMAIS NECESSAIRE DU LEGISLATEUR

Faisant suite à un rapport
(8) rédigé par monsieur Philippe Folliot, député, une proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 30 juin 2009.
Aux termes de ce projet, l’article L.1233-4 du Code du travail serait complété par l’exigence d’un reclassement « assorti d’une rémunération équivalente ».
Un nouvel article L.1233-4-1 du Code du travail autoriserait, par ailleurs, l’entreprise, lorsqu’elle appartient à un groupe implanté hors du territoire national, à demander au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire. Le salarié devrait alors manifester son accord, et ses éventuelles restrictions, pour recevoir de telles offres dans un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l’employeur. L’absence de réponse du salarié serait alors assimilée à un refus.

Cette méthodologie, bannie par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mars 2009
(9) permettrait à l’employeur de cibler plus efficacement le périmètre géographique de ses recherches de reclassement. Cette initiative parlementaire, pour laquelle, malheureusement, aucune suite n’a été donnée depuis maintenant six mois, doit être louée pour autant qu’elle soit étendue à l’ensemble des hypothèses de reclassement, comme à l’occasion des procédures pour inaptitude.
Cette proposition de loi reste, pour autant, incomplète en ce qu’elle n’appréhende pas l’ensemble des questions pratiques soulevées par l’obligation de reclassement groupe : création d’une période de reclassement, délai de réflexion sur les propositions de reclassement, possibilité de proposer le même poste à plusieurs salariés et critères de choix, …

Une question aussi essentielle que l’obligation de reclassement, en ce qu’elle est un élément incontournable de l’appréciation de la pertinence d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou la cause réelle et sérieuse d’un licenciement, mérite, aujourd’hui, plus que les seuls développements de l’article L.1233-4 du Code du travail.

Avril 2010

1 Proposition de loi visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement
2 Art. L 1233-4 du Code du travail
3 Cass. soc. 5 avril 1995, n°93-42.690
4 Cass. soc. 7 octobre 1998, n°96-42.812
5 Cour d’appel d’Amiens du 27 septembre 2005
6 Cass. soc. 7 avril 2004, n° 01-44.191
7 Cass. soc. 15 février 2006, 04-43.282
8 Rapport de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, n°1729
9 Cass. soc. 4 mars 2009, n° 07-42.38

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