Traditionnellement associé à la vente directe, le MLM n’a pas manqué de s’étendre au domaine de la transaction immobilière dans le cadre du renouveau de la profession d’agent immobilier au cours des vingt dernières années. Dans le domaine de la transaction immobilière, le MLM offre un formidable levier de croissance pour les acteurs de la profession soucieux de se développer, qu’il s’agisse de réseaux de mandataires, d’agences ayant des market centers ou d’agences immobilières plus classiques dès lors qu’elles ont recours à des négociateurs et plus particulièrement à des agents commerciaux.

Historiquement pratiqué dans les réseaux de VDI de la vente directe, le MLM / vente multiniveau a également touché le secteur de la transaction immobilière au cours des dernières années. En effet, parallèlement à la digitalisation du métier d’agent immobilier, une autre des tendances majeures de ces dernières années dans le secteur de la transaction immobilière a été le développement des réseaux de mandataires qui n’ont cessé de gagner des parts de marché au fil des années.

Toutefois, l’une des caractéristiques de ces réseaux de mandataires est l’importance du nombre de mandataires devant les rejoindre pour couvrir le territoire national, voire s’étendre à l’étranger dans un second temps, l’objectif étant d’industrialiser le métier d’agent immobilier et de jouer sur le nombre pour générer du chiffre d’affaires. Or, l’une des difficultés récurrentes pour les agences immobilières et réseaux de mandataires qui veulent grossir est de trouver des négociateurs (et tant qu’à faire, des bons…).

L’objectif étant d’industrialiser le métier d’agent immobilier et de jouer sur le nombre pour générer du chiffre d’affaires. 

Relevons d’ailleurs ici que ce problème n’est pas propre au métier de l’immobilier mais concerne également le secteur de la vente directe et ce, avec une acuité toute particulière en ce moment (cf. Les Échos 1er juin 2023, "La vente directe cherche 300 000 personnes pour surmonter sa crise") après une digitalisation de la vente directe qui, loin s’en faut, ne s’est pas révélé être la panacée.

Le MLM contribue donc à résoudre pour partie ce problème et présente d’autres avantages. Il convient toutefois d’être prudent pour le mettre en place. En effet, le MLM en immobilier ou vente multiniveau présente des avantages certains. Il n’est pas sans risques non plus…

Le MLM appliqué à l’immobilier

Le MLM est connu sous diverses appellations : Multi Level Marketing, marketing de réseau, vente à paliers multiples, vente multiniveau, système de parrainage, etc. Concrètement, comment cela se traduit-il en immobilier ? Un agent immobilier peut (doit ?) être amené à faire appel à des négociateurs pour se développer. Ces négociateurs peuvent être indépendants (agents commerciaux) ou salariés (VRP en immobilier).

Ces négociateurs, quel que soit leur statut, vont bien souvent être amenés à jouer un rôle d’ambassadeur de l’agence auprès de leur famille, leurs amis, connaissances, qui, pour certains d’entre eux, décideront à leur tour de devenir collaborateur de l’agence. Les collaborateurs peuvent donc devenir un instrument de recrutement important pour les agences immobilières. En soi, cela n’est pas fondamentalement nouveau. Toutefois, afin de les remercier / inciter à promouvoir leur agence, certaines agences vont verser une prime à leurs collaborateurs ayant parrainé une personne (le "filleul"), qui deviendra à son tour collaborateur de l’agence.

Ces filleuls pourront à leur tour parrainer de nouveaux négociateurs, etc. D’où les différents niveaux et les lignées. Certains réseaux autorisent jusqu’à 5 niveaux de profondeur, voire plus. Si l’agent immobilier le souhaite, il sera également possible d’aller plus loin : en rémunérant le parrain sur le chiffre d’affaires généré par ses filleuls, voire, dans certains cas, sur le chiffre d’affaires généré par les filleuls de ses filleuls, etc. Tout comme dans la vente directe, la possibilité pour les parrains de "céder" leurs lignées peut également être envisagée. Bien évidemment, sous des conditions strictes sachant notamment que les lignées peuvent être imbriquées les unes dans les autres par définition ; le filleul de l’un pouvant être le parrain d’un autre et réciproquement. Une telle possibilité est de nature à contribuer à inciter les négociateurs à recruter activement. En contrepartie de cette gratification, l’agence immobilière demandera souvent au parrain de partager son expérience et son savoir-faire avec ses filleuls. En définitive, le MLM est donc intéressant tant pour l’agent immobilier que pour les négociateurs.

Pour l’agent immobilier, le MLM constitue un instrument puissant pour augmenter ses effectifs rapidement. Pour le mandataire, la formule peut être attractive financièrement et intéressante professionnellement dans la mesure où la constitution d’une lignée va l’amener à faire évoluer sa pratique vers le management d’équipe. Tout en veillant, bien évidemment à conserver une production propre (en d’autres termes, à continuer d’entrer et sortir des mandats).

Un réseau déclinable à l’infini

Les modalités pratiques du MLM pourront par ailleurs être déclinées quasiment à l’infini. Notamment en ce qui concerne la profondeur autorisée du réseau (nombre de niveaux), les modalités et taux de commissionnement du parrain, le rôle du parrain dans la formation et plus généralement dans l’accompagnement de ses filleuls. Certains réseaux proposent ainsi à leurs mandataires des équipes de recrutement pour les aider à trouver des filleuls et constituer leurs lignées. D’autres proposent des coachs personnels pour soulager les mandataires en ce qui concerne la formation de leurs filleuls, etc.

Le MLM constitue une piste très intéressante à explorer dans le cadre d’une recherche permanente de croissance

 Toutefois, attention à trois écueils :
- le risque de mettre en place un système de vente pyramidale ;
- le respect de l’indépendance des négociateurs indépendants ;
- le risque de perte d’effectifs du fait de la cession de lignées.
En premier lieu, il convient en effet d’être très prudent dans la rédaction des clauses de parrainage, la frontière entre vente pyramidale / vente multiniveau pouvant être ténue. Inutile de rappeler ici que la vente pyramidale est interdite.

Il ne faudra pas non plus tomber sous le coup de l’infraction pénale d’escroquerie. Pour mémoire, rappelons que l’escroquerie, définie à l’article 313-1 du Code pénal, est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

De surcroît, si les missions confiées aux parrains sont mal définies, pas bien encadrées, l’on ne peut exclure le risque de créer un lien de subordination entre agence / parrain / filleul, donc de requalification du contrat d’agent commercial en contrat de travail avec toutes les conséquences juridiques et financières que cela peut impliquer.

Enfin, d’un point de vue plus économique que juridique, même si la "cession de lignée" n’est pas sans poser aussi des problèmes juridiques et en particulier des questions de qualification (y a-t-il véritablement cession ? peut-on parler de fonds ?, etc.), la cession de lignée pourra avoir des conséquences financières importantes pour le mandant en cas de départ d’équipes entières de négociateurs à la concurrence comme cela est parfois le cas en matière de vente directe.

En définitive, le MLM constitue donc une piste très intéressante à explorer dans le cadre d’une recherche permanente de croissance, ce que bon nombre de réseaux de mandataires n’ont pas manqué d’ailleurs de faire déjà.

Toutefois, attention à la façon de mettre en place ce MLM et à la rédaction des clauses de parrainage dans les contrats des négociateurs. Idem pour les questions de cession de lignée ou de changement de parrain. Et ce, sans oublier que la quantité ne remplace pas toujours la qualité !

SUR LES AUTEURS
Jean-Charles Foussat, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles et Vincent Antraygues, avocat au barreau de Paris sont spécialisés en droit des intermédiaires de commerce et au premier chef en droit de l’agent commercial. Combinant cette expertise en droit de l’agent commercial avec une pratique de la loi Hoguet depuis plus de vingt ans, Jean-Charles Foussat et Vincent Antraygues interviennent en particulier dans le cadre de la création et la réorganisation de réseaux d’agents commerciaux/mandataires en immobilier en combinant droit de l’agent commercial en immobilier, loi Hoguet et techniques de la vente directe tel que le MLM notamment. Ils accompagnent leurs clients agents immobiliers aussi bien en les conseillant qu’en les défendant en cas de contentieux.

Personnes citées

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail

GUIDE ET CLASSEMENTS

> Guide 2023