Le développement de l’usage des traitements est un enjeu croissant de santé publique, dans nombre d’aires thérapeutiques. Dans les maladies rares, l’accès des patients à l’innovation est de plus en plus complexe. Pour les patients atteints de maladies chroniques et cardiovasculaires, le respect des prescriptions est critique pour éviter les complications. Dans la vaccination, la transition de programmes pédiatriques bien rodés vers la vaccination au cours de la vie soulève de nouveaux défis. CVA a investigué les facteurs clefs de succès dans les pays performants.

L’intégration d’une innovation thérapeutique dans la pratique clinique de routine prend en moyenne 17 ans1. Cette inertie dans la mise en œuvre de nouveautés thérapeutiques peut retarder l’amélioration de l’état de santé des patients et celle du système de santé. Les recherches de CVA dans les pays surperformant le développement de l’usage dans certaines aires thérapeutiques ont néanmoins permis d’identifier qu’une bonne combinaison d’ingrédients se traduisait par un décollage majeur et rapide de l’usage, en l’espace de quelques années seulement. Bien que la recette reste spécifique à chaque pays compte tenu des spécificités intrinsèques des systèmes de santés nationaux, les ingrédients identifiés sont une source d’inspiration pour élaborer la recette susceptible de permettre le décollage de l’usage, via l’action coordonnée des autorités de santé, des groupes de patients, des sociétés scientifiques et de l’écosystème de santé en général. 

Responsabilité, imputabilité des autorités de santé et force du programme 

L’attention des autorités de santé est un prérequis indispensable à l’usage des traitements tant sur le plan budgétaire que managérial, afin d’apporter au programme cible le niveau de visibilité requis. Les programmes de lutte contre le VIH et l’hépatite C en Afrique du Sud sont exemplaires au niveau international, mais le même pays a des niveaux de couverture vaccinale contre la Covid-19 en deçà des standards internationaux. La différence ? Le niveau d’attention et de priorité. Les programmes priorisés bénéficient d’une plus importante sensibilisation, d’objectifs clairs, fixés et mesurés régulièrement aux niveaux national, régional et hospitalier et d’un investissement financier adéquat. 

Accès facilité pour le patient 

La complexité du parcours patient est une contre-incitation à un usage du traitement au niveau attendu. Tant par le parcours patient physique (par exemple, l’éloignement du lieu de dispensation ou de traitement), administratif (par exemple, la difficulté d’avoir accès à un rendez-vous) ou financier (par exemple, l’absence de tiers payant). À l’inverse, la simplification du parcours patient a un effet immédiat sur le taux d’usage : à ce titre, la France travaille sur l’amélioration du parcours de soins du patient diabétique, dans le cadre du plan Ma Santé 2022. Des actions simples sont à mettre en œuvre tout au long du parcours : connaissance du traitement et de la recommandation, rappel du traitement au patient, facilité d’accès au rendez-vous, proximité du lieu de travail ou du domicile, facilité ­d’administration et enfin limitation des barrières financières. 

Responsabilité, imputabilité et mobilisation des professionnels de santé

En tant que prescripteurs directs ou indirects, les professionnels de santé sont un maillon essentiel dans le développement de l’usage. La simplification du parcours du professionnel de santé, sa ­sensibilisation et son incitation à une mise en œuvre efficace du programme sont des ingrédients clefs de la réussite d’un programme. Le programme national de vaccination contre la grippe au Royaume-Uni en est une illustration : incitations financières liées aux frais d’administration et à l’atteinte d’un taux de couverture vaccinale fixé par les autorités, visibilité du statut vaccinal des patients, facilité de l’achat des doses, et sensibilisation importante par les autorités et les associations de professionnels de santé. La part des professionnels de santé vaccinés est, à ce titre, un excellent indicateur de la propension de ces derniers à recommander à leur patient la vaccination. 

Sensibilisation et connaissance du fardeau de la maladie 

Afin de permettre la mobilisation des moyens cités plus haut, la sensibilisation et la connaissance du fardeau de la maladie sont un facteur clef. Il passe d’abord par une mise à plat de ce fardeau, un système de surveillance structuré et robuste, avec une collecte de données médicales et économiques et une dissémination appropriée. Le suivi épidémiologique et d’usage est indispensable à la prise de conscience de l’écosystème de santé, et au pilotage du programme. 

Confiance dans les bénéfices du traitement 

La confiance dans les bénéfices du traitement, de l’efficacité à la sûreté, revêt également une importance majeure dans l’usage, comme l’illustre l’exemple de la vaccination contre la Covid-19. Une population incertaine des effets secondaires ou du bénéfice de la vaccination est réticente à se faire vacciner. Ainsi les taux de couverture vaccinale dans les territoires d’outre-mer, en comparaison avec la France métropolitaine, présente des niveaux radicalement différents. Les tactiques sont variées et passent par exemple par une communication proactive des bénéfices, mais aussi par le fait de désamorcer les fausses informations afin d’améliorer la confiance globale du public envers le programme et envers les autorités de santé. 

En conclusion, le niveau d’usage d’un traitement n’est pas une fatalité. La bonne combinaison d’ingrédients se traduit par un impact rapide et important sur l’usage. Un acteur qui souhaite s’atteler à cette tâche aura besoin de développer une approche collaborative entre l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème de santé. 

Les recettes sont éminemment locales et nécessitent une compréhension fine et structurée de l’environnement local et spécifique à l’aire thérapeutique. La bonne recette et donc le développement de l’usage sont un levier efficace de l’amélioration de l’efficacité programmatique et de la ­stratégie de santé publique. 

AUTEUR. Olivier Vitoux

Note de bas de page : 
1 Morris et al. “The answer is 17 years, what is the question : understanding time lags in translational research” Journal of the Royal Society of Medicine. 

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