Directeur des affaires juridiques et délégué à la protection des données personnelles (DPO) de Radio France, Jean-Michel Orion, également membre du comité de direction depuis le 1er juin 2021, dispose d’une grande expérience des secteurs des médias, de la propriété intellectuelle, du numérique et de la data. Il revient sur les transformations induites par les enjeux du numérique.

Décideurs. Quel est votre parcours et quelles sont les spécificités de ce nouveau défi pour vous ?

Jean-Michel Orion. Je suis diplômé d’un DEA de droit communautaire et européen de l’université Panthéon-Sorbonne et d’un DEA de droit privé des universités de Poitiers et d’Edimbourg. Après mon Capa, j’ai débuté ma carrière d’avocat en 1995 au sein de différents cabinets, avant de rejoindre France 2 en 1996 en tant que juriste d’entreprise. J’ai ensuite été nommé directeur juridique adjoint du groupe France Télévisions en 2005.

Huit ans plus tard, en 2013, j’ai décidé de revenir vers le métier d’avocat en tant qu’associé au sein du cabinet Koan Law Firm. Puis en 2021, j’ai cofondé le cabinet AdaStone spécialisé dans le secteur des médias, du numérique et de la data avant d’accepter la même année ce nouveau défi dans la radio, un média que je ne connaissais pas mais qui m’intéressait beaucoup. La radio est confrontée aujourd’hui à un développement numérique intense comme l’atteste les podcasts, une diversification et une transformation importantes.

"La radio est passée d’un média de flux continu à un média de stock avec des contenus qui peuvent être exploités et réexploités"

Par ailleurs et contrairement à la télévision qui est un média très réglementé, qu’il s’agisse de la directive Télévision sans Frontières et de la loi de 1986 relative à la liberté de communication notamment, la radio n’est soumise à aucune réglementation spécifique. Mais actuellement, le secteur de l’audio, dont l’enjeu majeur est le numérique, est en pleine structuration juridique.

Autre spécificité de la radio et de Radio France en particulier : au-delà d’être un diffuseur, nous sommes aussi producteur propriétaire des contenus produits, ce qui n’est pas le cas à la télévision. Au fil des années, la radio est ainsi passée d’un média de flux continu à un média de stock avec des contenus qui peuvent être exploités et réexploités.

Quelle est votre feuille de route ?

Face à toutes les transformations induites par le numérique qui, plus que jamais, mettent le droit au cœur des enjeux stratégiques de Radio France, la direction juridique que je pilote a pour mission principale d’accompagner l’ensemble des directions, antennes et formations musicales sur toutes les questions juridiques. Il faut désormais adapter les contrats des différents acteurs aux nouveaux usages et libérer les droits.

Parmi ces intervenants, nous avons des producteurs d’émissions, des musiciens [Radio France compte deux orchestres : l’Orchestre National de France et l'Orchestre Philharmonique de Radio France, Ndlr], des comédiens ou encore des responsables de labels avec qui nous négocions.

"Nous devons nous diversifier en proposant des contenus à d’autres protagonistes moyennant une rémunération"

L’autre chantier de réflexion en cours au sein de Radio France est d’envisager comment se diversifier en proposant des contenus à d’autres protagonistes moyennant une rémunération. Ce sont des sujets nouveaux et complexes pour une radio publique telle que Radio France, alors que les collaborateurs sont très attachés à la notion de service public et de gratuité. Mais dans un monde qui change avec la suppression de la redevance audiovisuelle prévue en 2023, nous devons muscler nos ressources propres et donc nous diversifier.

Avez-vous des exemples de diversification déjà mis en place ?

En mars 2021, Radio France a lancé, en partenariat avec le groupe Bayard et la Caisse des Dépôts, une enceinte connectée pour les enfants baptisée "Merlin", et commercialisée en septembre dernier. Ce beau produit fabriqué en France s’adresse aux enfants de 3 à 10 ans et contient des contenus issus à la fois de Bayard jeunesse et de Radio France. Cet exemple de diversification a du sens pour tout le monde. Pour identifier et piloter ces nouveaux projets, la direction de la diversification et du développement, dirigée par Cécilia Ragueneau, contribue au développement et au rayonnement des contenus sur le digital.

Quels sont les apports de vos expériences d’avocat pour mener à bien cette nouvelle mission ?

Je pense que c’est mon métier de juriste d’entreprise qui m’a le plus apporté lorsque je suis redevenu avocat et non l’inverse. Bien que talentueux et sachant s’adapter, beaucoup d’avocats ne connaissent généralement pas très bien le monde de l’entreprise et ses problématiques et ne répondent pas toujours aux besoins pratiques.

La maîtrise de la matière contentieuse est un plus évidemment. Nous gérons différentes typologies de contentieux dans les deux pôles de la direction juridique : contenu et édition – droit de la presse, propriété intellectuelle, partenariats, accords collectifs, entre autres – et le pôle Affaires générales – du corporate à la commande publique en passant par la publicité, l’immobilier, notamment. Au total, l’équipe compte dix juristes et une personne en charge des données personnelles.

Où en êtes-vous justement en matière de données personnelles et de conformité RGPD ?

Nous poursuivons notre travail de sensibilisation, de mise en compliance et menons des études d’impact sur des sujets récurrents. Depuis deux ans, une véritable culture de la donnée personnelle s’est développée en interne et les opérationnels ont désormais de nouveaux réflexes, notamment dans le cadre de projets numériques. Ils viennent nous consulter pour identifier et border les risques.

Quels sont vos chantiers prioritaires ?

Le 4 avril dernier, nous avons lancé une offre commune sur le numérique de proximité avec France Télévision au travers d’un GIE. Baptisée « ICI » par France Bleu et France 3, cette nouvelle application mobile propose le meilleur de la vie locale.

Propos recueillis par Anne-Sophie David

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