Dans cette tribune, Christophe Negrier, Directeur général France d’Oracle appelle les acteurs de la Tech à s’engager pour lutter contre les fractures numériques et à sensibiliser davantage les décideurs politiques

Alors que les candidats à l'élection présidentielle dévoilent leurs dernières mesures phares, force est de constater que le numérique n'est pas apparu comme une thématique forte pendant cette campagne. Bien plus qu'un simple enjeu technologique ou économique, c'est pourtant un véritable enjeu sociétal. Car si la question des laissés pour compte du numérique ne date pas d'hier, elle revêt un caractère particulier depuis la pandémie dans une France qui ne cesse de se numériser à vitesse grand V.

De l'équipement à l'usage : la fracture numérique a pris un autre visage avec la crise

On le sait, la crise sanitaire a agi comme un véritable accélérateur des usages du numérique en France. Applications de suivi de vaccinations, téléconsultations médicales, télétravail, enseignement à distance ... Les usages ont explosé et la distanciation sociale a fait de la dématérialisation - notamment celle des services publics - la nouvelle norme.

Or, si la question de l'accès au réseau reste un maillon essentiel, elle ne semble plus être la cause principale des disparités numériques dans une France de plus en plus connectée : il faut aussi et avant tout regarder du côté des usages et de la "culture numérique" de nos concitoyens.

Selon la toute dernière étude Insee, plus de 90% des foyers français ont une connexion internet et un téléphone, et pourtant la fracture numérique persiste. Les enjeux de l’inclusion numérique ne se limitent plus en effet à la seule question de l'équipement, mais à la manière dont une population est capable d'intégrer les nouveaux usages numériques qui se développent.

Un "illectronisme" qui touche aussi nos jeunes

Alors, quel est le visage de l'illectronisme français  ? L'âge, la catégorie socio-professionnelle, ou encore le niveau d'étude font partie des facteurs générant une part importante d' "illectronisme" dans la société française. Selon l'Insee toujours, ce sont 13 millions de français qui rencontrent encore des difficultés dans l’utilisation d’internet.

Mais, contrairement à ce qu'on pourrait penser, la fracture numérique n'est plus l'apanage de nos ainés ni des zones rurales. Certains de nos jeunes, pourtant nés avec les nouvelles technologies, sont en difficulté avec les outils numériques !

La fracture numérique ne concerne pas que nos aînés et les zones rurales

C’est là un enseignement crucial : ce n'est pas parce que l'on sait manier les codes des réseaux sociaux ou des jeux en ligne que l'on acquiert automatiquement une solide culture numérique. Allez dans nos collèges et vous verrez que, s’ils sont par ailleurs très à l'aise avec les usages récréatifs du numérique, beaucoup de nos jeunes sont aujourd’hui encore bien incapables de construire un CV en traitement de texte ou de gérer une boîte mail.

En réalité, les évolutions du numérique sont tellement rapides qu’elles nécessitent une actualisation permanente de nos compétences. Il faut donc battre en brèche le cliché d'une fracture numérique uniforme qui diviserait la population en deux, entre ceux qui savent parfaitement utiliser le numérique et les "illectroniques". Il y a des  fractures numériques, en fonction des différents usages d'internet et de la vitesse de leur évolution.

Aux URL, citoyens !

Résorber les fractures numériques doit donc devenir une priorité nationale parce qu'on connait la réalité d'une équation cruelle : les fragilités numériques s’ajoutent souvent aux fragilités sociales, et la précarité sociale et professionnelle à la précarité numérique.

Prendre à bras le corps cette question de l'inclusion et de la formation aux compétences numériques est aussi un enjeu de citoyenneté. La participation citoyenne tend à se numériser, et l'on donne de plus en plus la parole aux citoyens via des outils numériques. On l'a vu sur les dernières initiatives de scrutin en ligne lors des récentes primaires, mais c'est aussi le cas au quotidien, avec des collectivités qui utilisent de plus en plus d'applications pour favoriser la communication et la vie de la Cité.

Suffisamment informés et actifs, les citoyens du numérique sont ainsi mieux armés contre les dérives du monde digital : contre les fake news en retrouvant la confiance dans les institutions démocratiques - une confiance qui est au plus bas notamment auprès des jeunes générations - mais aussi contre le cyber-harcèlement ou l'utilisation abusive des données personnelles.

Acteurs de la "Tech for good'" : nous avons les clés

Si les différentes stratégies nationales pour résoudre ces fractures vont dans le bon sens - plan national pour un numérique inclusif, plan France Très Haut Débit (PFTHD), maisons "France services" -  elles ne sont malheureusement pas suffisantes.

C'est à nous, entreprises, associations, start-ups, acteurs de la tech et du numérique, qu'il revient de compléter cette action ! C’est tout le sens du mouvement "Tech for Good", initié en 2019 par Emmanuel Macron.

Avoir une approche Tech for Good, c’est se préoccuper de l’impact sociétal de l’innovation parce que le digital ne pourra pas assurer son rôle vertueux s’il ne permet pas en même temps de réduire les fractures sociales. L'initiative P-TECH, qui vise à renforcer les compétences numériques des adolescents français de tous milieux sociaux confondus, est un bon exemple de coopération efficace entre l'État, les lycées et les entreprises françaises au service de l'inclusion numérique.

Construire un numérique plus inclusif, c'est agir concrètement pour donner les mêmes chances à chacune et à chacun de construire une carrière grâce au numérique voire même dans le numérique ; c'est enfin s'assurer que le numérique devienne un véritable levier, et non un frein, à l'ascenseur social.

Le 8 mars dernier, les candidats à l'élection présidentielle ont présenté leur vision pour le numérique l’écosystème technologique français. Si les programmes sont ambitieux, le prochain locataire de l’Élysée devra redoubler d’effort pour redonner une véritable place aux oubliés du numérique...

Christophe Negrier, directeur général France d'Oracle

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