La création de sociétés publiques locales autorise les communes, régio et départements à créer des sociétés anonymes dont elles sont les seules actionnaires. La société doit effectuer l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.

La création de sociétés publiques locales autorise les communes, régions et départements à créer des sociétés anonymes dont elles sont les seules actionnaires. La société doit effectuer l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.


Marie-Yvonne Benjamin

Sur l’auteur

Marie-Yvonne Benjamin est associée
au cabinet Genesis, cabinet spécialisé
en droit public, droit de l’environnement
et droit du financement associé à ces projets (contrats complexes, PPP, DSP, BEA, BEH). Elle est l’auteur de l’ouvrage «?SEML?»
paru aux éditions EFE en 2002.

La loi n°2010-559 du 28?mai 2010 (parue au Journal officiel du 29?mai 2010) pour le développement des sociétés publiques locales autorise les collectivités locales, et leurs groupements, à créer des sociétés anonymes dont elles détiennent la totalité du capital afin de poursuivre les opérations de construction, d’aménagement, de gestion de services publics à caractère industriel et commercial ou toute activité d’intérêt général. Ce texte généralise une exception qui avait été reconnue aux collectivités locales pour leurs seules opérations d’aménagement par la loi n°2006-872 du 13?juillet 2006 d’engagement national pour le logement et pour une durée expérimentale de cinq ans. Le dispositif initial créant la Spla, ancêtre mineur de la société publique locale (SPL) – remanié par la loi n°299-323 du 25?mars 2009, puis par le texte adopté le 28?mai 2010 – répondait de façon trop étroite à la demande des collectivités locales. C’est donc à l’unanimité que le texte de la proposition de loi de 2010 a été adopté (Sénat proposition. Loi n°253, 2008-209).
Le Code général des collectivités territoriales réunit désormais deux titres :

  • Le premier traitant des sociétés publiques locales à capital mixte (SEML)
  • Le second créant les sociétés publiques locales (SPL) dont le capital est détenu en totalité par les collectivités locales ou leurs groupements (Article L 1531-1) du CGCT.

Les personnes publiques sont autorisées à faire exécuter leurs prestations dans le domaine de la construction, de l’aménagement et de la gestion des services publics par une SPL, quasi-régie, dans le but d’être dispensées d’une mise en concurrence pour les prestations que la SPL exécute exclusivement pour ses actionnaires, par exception aux principes applicables en matière d’achat public (CJCE, 7 décembre 2000, teleaustria Verlags aff C-324/98).


Un exercice imposé par le droit communautaire


Cette solution désormais inscrite à l’article L 1531-1 du CGCT était finalement dictée aux parlementaires par le droit communautaire. En 2005, la Cour de Justice a jugé qu’une personne publique ne pouvait entretenir de relations en quasi-régie avec une société externe dont le capital serait mixte du fait de la présence d’un seul actionnaire privé (CJCE 11 janvier 2005, Stadt Halle Aff. C-26/03 : Rec CJCE 2005, I p 1). On se demandait donc à quoi servaient les dispositions inscrites au code des marchés publics, ou dans l’ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005, ou au code de l’urbanisme pour les concessions d’aménagement et désormais au CGCT aux articles L 1411-12 et suivants pour la passation des contrats de délégation de service public, réserve faite que pour les DSP, le texte désigne expressément les seuls établissements publics et SPL.
Ces textes sont la traduction littérale de la jurisprudence communautaire (CJCE, 18?novembre 1999, affaire C-107/98, Teckal Srl c/ Commune di Viano et Azienda Gas-Acqua Consorziale (AGAC) di Reggio Emilia, aff. C-107/98) aux termes de laquelle les contrats conclus par un pouvoir adjudicateur avec un cocontractant sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu’il assure sur ses propres services et qui réalise l’essentiel de ses activités pour lui, sont exclus du champ d’application de la réglementation applicable aux marchés publics. Ces contrats sont dénommés «?contrats de prestations intégrées?» ou contrats «?in house?».

Les conditions du "in house"

Mais à quelle institution s'applique le sésame ? Pas aux SEML du fait de la seule présence de l’actionnaire privé. «?La participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause, exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services (voir arrêt Stadt Halle et RPL Lochau, précité, point 49).?» ( CJCE, 8?avril 2008, C-337/05, Commission des communautés européennes c/ République italienne).
Les juridictions administratives ont reconnu la qualité du in house à une association (CE 6 avril 2007; Aix en Provence n° 284736), à un Opac (CAA de Paris 30 juin 2009 n° 07PA02380 ) à un Gip constitué entre établissements publics (CE 4 mars 2009, Syndicat national des industries d’information de santé, n°300348). La Spla créée en 2006 répondait à cette tendance exprimée dans le domaine de l’aménagement (article L 327-1 du code de l’urbanisme ).
Encore faut-il que l’institution qui se réclame du in house réponde point par point aux exigences structurelles imposées par le droit communautaire : l’entité juridique, bien que distincte du pouvoir adjudicateur, sera autorisée à réaliser des missions de gré à gré avec le pouvoir adjudicateur commanditaire s’il exerce sur cette entité «?un contrôle analogue (ou comparable) à celui qu’il exerce sur ses propres services?»(première condition) et que cette entité distincte réalise «?l’essentiel de ses activités avec la ou les autorités publiques qui la détiennent?» (deuxième condition). On ajourera que le droit interne impose une troisième condition : le respect par la structure in house des dispositions imposées par le code des marchés publics ou de l’ordonnance du 6?juin 2005 pour la passation de ses propres contrats.
Ainsi, la CJCE examine la composition du capital, l'objet et les restrictions aux interventions de l'organisme in house.


La société reconnue in house doit «?se borner à exécuter les ordres des pouvoirs publics, sans pouvoir les refuser ni fixer le prix de ses interventions.?» (CJCE, 19 avril 2007, Asociación Nacional de Empresas Forestales -Asemfo- contre Transformación Agraria SA [Tragsa] et Administración del Estado – n°C-295/05). «?Ni la société in house ni ses filiales ne peuvent participer aux procédures d'adjudication de marchés mises en place par les autorités publiques. Cependant, en l'absence de tout soumissionnaire, la société in house peut se voir confier l'exécution de l'activité objet de l'appel d’offres à caractère public.
Enfin la CJCE constate aussi le mode de fonctionnement réel : les interventions obligatoires qui sont confiées à la structure in house ou à ses filiales font l’objet, selon le cas, de «?projets, mémoires ou autres documents techniques (…) avant de définir la commande, les organes compétents approuvent ces documents et suivent les procédures obligatoires, formalités techniques, juridiques, budgétaires et de contrôle et d’approbation de la dépense ; la commande de chaque intervention obligatoire est communiquée formellement par l’administration au moyen d’une demande contenant outre les informations utiles, la dénomination de l’autorité, le délai de réalisation, son montant, le poste budgétaire correspondant et le cas échéant les annualités sur lesquels le financement a lieu et le montant respectif y afférent ainsi que le directeur désigné pour l’intervention à réaliser . »

"Le contrat in house est conclu de gré à gré si la dépendance institutionnelle et fonctionnelle du contractant est démontrée."

C’est pour répondre à la première condition que la SPL est créée entre actionnaires publics exclusivement.
Le seul constat d’une dépendance institutionnelle et fonctionnelle importante du cocontractant à l’égard de la personne publique ne suffit pas à qualifier un contrat in house. Il faut également que ce lien organique s’accompagne d’une quasi-exclusivité de la fourniture des prestations concernées au profit de la personne publique signataire du contrat. Alors, ces prestations seront assimilées à celles dont pourrait disposer la personne publique en recourant à ses propres ressources internes. C’est pourquoi statutairement, la SPL est habilitée à intervenir exclusivement pour le compte de ses actionnaires et sur leur territoire.
Le pouvoir adjudicateur, qui voudra se prévaloir d’une situation in house, devra en faire la démonstration pratique.

Septembre 2010

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail