"Il ne tient qu’aux opérateurs privés de proposer des offres plus attractives pour conserver les collectivités acquises"
L’eau est au cœur de bien des débats, qu’ils soient techniques, écologiques, économiques ou politiques, à l’heure même où les experts alertent sur la nécessité d’appliquer un traitement de faveur à la gestion de cette ressource qui se raréfie.

Vers une remunicipalisation de masse ?

Publique ou privée ? Telle est la question qui préoccupe les grandes villes françaises en matière de gestion de l’eau. Depuis plus de dix ans, un grand nombre de délégations de service public, confiées aux trois leaders du marché - Suez, Véolia et Saur -, ont été remises en cause au profit de régies publiques. Un modèle qui semble aujourd’hui séduire toujours plus de collectivités. Des services moins chers, une eau de qualité et un plus faible taux de fuite dans les réseaux, techniquement la démarche est avantageuse. À moins de trois ans de la renégociation des contrats, il ne tient qu’aux opérateurs privés de proposer des offres plus attractives pour conserver les collectivités acquises. Toutefois, les entreprises privées sont loin de perdre leur hégémonie puisqu’encore bien des défis restent à relever, notamment en matière d’innovation. De plus, les collectivités locales doivent faire face à des contraintes majeures, financières et techniques, à repasser en régie municipale, qui sont souvent compliquées à gérer.

La facturation progressive, une solution généralisable ?

La ville de Libourne a choisi, depuis plus d’un an, la facturation progressive, une première en France. Avec un tarif allant de 0,10 €/m3 pour les 15 premiers m3 consommés à 0,83€/m3 au-delà de 150 m3, l’objectif de la démarche est double : tout d’abord, garantir aux usagers des tarifs très bas pour l’eau considérée comme vitale, mais également, en appliquant des tarifs élevés sur l’eau de confort, permettre de maîtriser la demande et de préserver les quantités disponibles. Cette solution a fait ses preuves et sa généralisation dépend aujourd’hui des négociations entre collectivités et opérateurs privés. Ce qui est sûr, c’est que la facturation progressive est plus facilement applicable que la très débattue tarification sociale, qui repose sur un système complexe : une évaluation des consommations au cas par cas, de nouveaux abonnements de la part des grands acteurs et, bien entendu, la mise en place d’aides publiques.

En route vers 2015

L’année 2015 est une année charnière pour le secteur de l’eau. Cette année a lieu la renégociation de nombreux contrats de concession. 2015 est aussi la date buttoir fixée par le Grenelle pour atteindre l’objectif des deux tiers des masses d’eau en bon état. Pour se préparer à cette échéance, les agences de l’eau élaborent actuellement le dixième programme d’intervention. Établissements publics du ministère chargé du développement durable, ces agences sont chargées de mettre en œuvre les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Depuis 2007, leur priorité était l’épuration urbaine (58 % des aides financières). En voie de résolution, les problèmes d’assainissement font place à de nouveaux enjeux : le premier est celui de la gestion quantitative et qualitative de la ressource pour garantir un approvisionnement durable, et le second, celui de la réduction des nouvelles pollutions dans les milieux aquatiques.

Des infrastructures vieillissantes

C’est au regard d’un important taux de fuites sur les réseaux que les pouvoirs publics ont décidé de remettre au cœur de leurs préoccupations la gestion quantitative de cette ressource précieuse. En effet, avec un taux de fuite moyen d’environ 18 %, le renouvellement des conduites s’impose. Les collectivités territoriales devront donc procéder à la modernisation de leurs installations. Pourtant, les financements nécessaires représentent des sommes colossales, de l’ordre du milliard et demi d’euros. À cette fin, les agences de l’eau devraient doubler les aides financières.

À l’échelle mondiale, des perspectives alarmantes

Quelques mois seulement après le Forum mondial de l’eau, les conclusions sont plutôt alarmantes. Tous les experts s’accordent à dire qu’une mauvaise gestion de la ressource conduirait inévitablement à un ralentissement du développement économique. Or, ils ont estimé à 40 % l’écart qui existera en 2030 entre l’offre et la demande en eau douce. Ce rendez-vous a donc sonné l’alarme pour les entreprises qui n’ont pas encore intégré à leur stratégie la gestion de l’« empreinte eau » (volume total d’eau douce utilisé pour leurs activités). Selon une étude menée par le Carbon Disclosure Project, seules la moitié des entreprises interrogées jugent la ressource eau comme un risque pour les affaires. Il est donc essentiel de les sensibiliser à ces nouveaux enjeux.

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