Pour Olivier Casanova, directeur administratif et financier de Tereos, le financement des petites PME et des TPE restera essentiellement assuré par les banques. 
Décideurs. Les entreprises françaises sont-elles trop dépendantes des financements bancaires ?
Olivier Casanova.
La crise dans laquelle nous sommes entrés en 2007 a mis en exergue les difficultés liées à une dépendance trop importante, et pour certaines entreprises même exclusive, du financement bancaire. Aujourd’hui, les entreprises sont plus sensibles à la nécessité de gérer le risque de refinancement de manière proactive, en diversifiant leurs sources de financement. Cela se traduit par une diversification du nombre de partenaires solides et un accès, en parallèle, à d’autres sources de financement. Pour certaines entreprises tels que les grandes groupes, les ETI et les grandes PME, cette diversification est déjà une réalité très claire. Pour les TPE l’accès est en revanche plus limité aujourd’hui.


Décideurs. La désintermédiation que l’on constate dans les processus de financement a-t-elle vocation à s’accélérer ?
O. C.
La désintermédiation est poussée par plusieurs forces importantes. La première d’entre elle est le souhait pour les entreprises de disposer d’un panel de sources de financement assez large pour gérer au mieux les risques de financement et adapter cette offre à leur besoin, notamment en termes de coûts, de maturité ou de durée moyenne de refinancement.
D’autre part les banques sont soumises aux règles de Bâle III, qui créent des contraintes sur l’utilisation de leur bilan, en particulier celles portant sur leurs ratios de liquidité. Et si à ce jour nous ne constatons pas de déséquilibre majeur entre l’offre et la demande, la question de leur adéquation se posera plus, à terme, dans la perspective d’une reprise économique. Enfin, le niveau des taux d’intérêt, proches de leurs plus bas historiques, pousse les investisseurs institutionnels à rechercher des placements offrant un rendement plus important. Dans cette optique nombreux sont ceux à s’intéresser à un financement direct de l’économie et donc des entreprises. Ceci dit cette évolution vers plus de désintermédiation ne s’effectue pas au même rythme pour toutes les entreprises, et les banques ont vocation à continuer à assurer l’essentiel du financement des PME.


Décideurs. L’accès au marché obligataire doit-il devenir un enjeu majeur pour les entreprises ?
O. C.
L’accès au marché obligataire est déjà un enjeu majeur pour les grandes entreprises. Cependant le marché obligataire, et notamment celui de l’euro bond, restera forcément dans sa structure actuelle, uniquement réservé aux grandes entreprises et ETI ayant un besoin de financement d’au minimum 250 millions d’euros.
Ce qui devrait connaître un fort développement dans les prochaines années est le marché des placements privés. Cette offre répond en effet principalement à la demande des entreprises ayant des besoins de financement à hauteur de 20 à 250 millions d’euros. Dans ce marché protéiforme (les levées s’effectuant soit sous format « obligataire » coté ou sous format « prêt » non coté), nous retrouvons notamment le prometteur marché Euro PP ou encore le financement schuldschein en Allemagne. Le marché de l’EuroPP seul pourrait d’ailleurs représenter dix à quinze milliards de financement par an à horizon cinq ans, des chiffres comparables à ceux du schuldschein.


Décideurs. Les financements participatifs (crowdfunding) : effet de mode ou solution pérenne ?
O. C.
Il me paraitrait prématuré de porter dès aujourd’hui un jugement définitif sur le sujet. En tout état de cause, le financement des petites PME et des TPE restera essentiellement assuré par les banques, mais il serait néanmoins utile de leur offrir la palette d’options la plus large possible, pour répondre au mieux à la diversité des besoins et des situations. Dans ce contexte, le crowdfunding peut constituer une alternative intéressante dans certaines situations. Il sera cependant essentiel de s’assurer qu’il y ait un encadrement suffisant du financement participatif de manière à éviter les abus. Plusieurs idées ont été lancées parmi lesquelles on retiendra notamment la possibilité de fixer un plafond de sommes investies.
 

Décideurs. Vouloir développer une titrisation des prêts de PME/ETI n’est-il pas un pari trop audacieux quelques années seulement après la crise des subprimes ?
O. C.
Toute titrisation ne doit pas du tout être assimilée aux « subprimes », il existe de très « bonnes » titrisations, et certains segments des titrisations restent toujours très actifs en Europe (comme la titrisation de prêts automobiles par exemple). En pratique, les titrisations des prêts qu’elles consentent aux entreprises pourraient constituer un outil de plus très utile pour le refinancement des banques sur les marchés et libérer de la place sur leur bilan pour de nouveaux prêts. Pour que la titrisation remplisse parfaitement son office, il est toutefois nécessaire que les portefeuilles soient composés de façon homogène, avec des prêts diversifiés et suffisamment granulaires, de bonne qualité . Il est également souhaitable que les établissements bancaires maintiennent une exposition aux prêts sous-jacents et assurent un suivi dans la durée des entreprises.

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