Renouer avec les enseignants, relever le niveau des élèves, promouvoir l’enseignement républicain… Plusieurs chantiers majeurs attendent le nouveau ministre de l’Éducation nationale. Qui devra aussi trouver sa place : la nomination de l’intellectuel, sensible aux questions identitaires, a surpris.

Rue de Grenelle, Pap Ndiaye est celui que l’on n’attendait pas. En cinq ans, son prédécesseur, qui détient le record de longévité au poste de ministre de l’Éducation nationale, a enchaîné les réformes... Et creusé le fossé avec les enseignants. Dans les années à venir, l’Éducation nationale devra relever de nombreux défis. Pour les atteindre, Emmanuel Macron et Élisabeth Borne ont fait le choix d’un profil opposé à celui du ministre sortant. Pas parce que Pap Ndiaye est “woke” et “anti-flics”, comme le clame l’extrême-droite, mais parce qu’il a un profil d’intellectuel, là où Jean-Michel Blanquer était un technicien.

École de la République

La nomination de Pap Ndiaye vient perpétuer la tradition de placer des ministres intellectuels au gouvernement. Avant lui, il y eut Luc Ferry à l’Éducation nationale dans les gouvernements Raffarin, Xavier Darcos, d’abord à l’Enseignement scolaire, toujours sous Raffarin, puis à l’Éducation nationale et au Travail dans le gouvernement Fillon. Le nouveau ministre ne connaît pas l’administration, mais connaît le monde des enseignants, le sien depuis toujours. Pap Ndiaye est né d’une mère professeure de sciences naturelles et d’un père qui fut le premier ingénieur Ponts et Chaussées de l’Afrique subsaharienne. Il a enseigné à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et à Sciences Po, a étudié à l’École normale supérieure, obtenu une agrégation d’histoire, un doctorat à l’EHESS, et passé plusieurs années à l’université de Virginie. C’est aux États-Unis qu’il découvre les sujets identitaires, peu développés par Jean-Michel Blanquer.

Pap Ndiaye, qui prenait la direction du musée de l’immigration il y a un an, veut “faire en sorte qu’une partie de la jeunesse se reconnaisse dans l’Histoire qui lui est racontée”, déclarait-il à Quotidien en mars 2021. Lors de la passation rue de Grenelle, Jean-Michel Blanquer jouera la carte de l’avertissement : “Certains veulent opposer la République et les droits individuels, le fait que chaque appartenance serait plus importante que la République elle-même. C'est l'inverse du message républicain.” Mais, pour sa première visite officielle, Pap Ndiaye choisit le collège du Bois d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine. Un déplacement symbolique, pour rendre hommage à Samuel Paty, assassiné en octobre 2020 et rappeler que “c’est la République qui gagne, malgré tout”.

Salaires et mathématiques

Un message dans la droite ligne de l’objectif du Président. Emmanuel Macron veut forger des esprits républicains, “décloisonner” l’école et l’associer au périscolaire. Il faudra relever le niveau des élèves, en français et mathématiques notamment, car les jeunes Français seraient devenus les plus mauvais en maths parmi les pays développés. Au collège, le sport et la technologie seront renforcés. Pap Ndiaye devra aussi s’attaquer au chantier des filières : Emmanuel Macron veut identifier celles qui débouchent sur un emploi et celles qui n’offrent quasiment aucun débouché.

Le dernier chantier qui attend Pap Ndiaye est épineux. Le ministre devra travailler sur le “pacte" proposé par Emmanuel Macron aux enseignants durant la campagne. Face à la crise du recrutement des enseignants, le Président a promis 6 milliards d’euros pour les revalorisations salariales. Au programme : plus de démarrage de carrière sous 2 000 euros par mois, rémunération supplémentaire pour les enseignants qui remplaceront des collègues et ceux qui feront de l’aide aux devoirs. Du travail en plus qui pourra être refusé par les enseignants, mais s’imposera à la rentrée 2023 aux nouveaux entrants dans la carrière.

Olivia Fuentes

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