Par Bernard Lamorlette, avocat associé. LVI
Depuis plus de deux décennies déjà, les maîtres d’ouvrage imaginaient pouvoir juguler les recours en annulation contre leurs permis par des mesures réglementaires. En réalité, c’est désormais par une couverture de ce risque que la solution semble avoir été trouvée.

Le concept de l'assurance, en matière de contentieux de l'urbanisme, avait été initié il y a une dizaine d'années, dans le cadre du contentieux indemnitaire que subissaient les communes.Du côté du contentieux de la légalité, les opérateurs continuaient de caresser l'idée que le législateur, puis l'administration, mettraient en place des processus limitatifs des actions en annulation des autorisations individuelles d'urbanisme.
Mais de tels processus supposaient de sanctionner des recours abusifs. Or, ce concept d'abus est, en matière d'urbanisme, très difficile à établir. Rappelons en effet que dans le rapport de 1991 « L'urbanisme : pour un droit plus efficace », le Conseil d'État, et le président de la commission ad hoc, Daniel Labetoulle, avaient pris l'option de ne pas restreindre l'accès au prétoire pour les requérants désireux de faire sanctionner des permis de construire litigieux. à l'époque, il avait même été écrit que le contrôle de légalité préfectoral étant homéopathique, l'action des tiers constituait en quelque sorte un palliatif efficient.
Aujourd'hui, l'abus ne réside pas tant dans l'opportunité, pour des voisins ou des associations, de saisir le juge administratif de l'illégalité d’un permis de construire que le ressort souvent inavoué de ceux-ci à négocier des montants transactionnels souvent significatifs.
En effet - et c'est la position actuelle du Conseil d'État -, tant que le juge ne s'est pas prononcé sur la légalité du permis, il n'est pas possible de qualifier le recours d'abusif. Dès lors, après avoir rappelé la nécessité de faire un audit juridique des permis de construire - et autorisations d'aménager ou dossiers de zones d'aménagement concerté (ZAC)- concernant les opérations les plus lourdes (montages en partenariat public-privé, en zone de plan de prévention des risques (PPR), en zone de loi « littoral ») ou localisées dans des secteurs soumis à un contentieux intense, la solution de l'assurance est désormais à prendre en considération.
Le courtier FAF International a mis en place le premier ce mécanisme, assez largement, couvrant l'ensemble des conséquences pécuniaires de l'annulation du permis de construire pour le promoteur. Plus récemment, et pour ses seuls adhérents, la SMABTP a également institué une telle couverture. Celle-ci est limitée aux permis de construire portant sur des immeubles à usage d'habitation ou mixte.
Il s'agit dans les deux cas de couvrir l'hypothèse où une opération immobilière serait anéantie du fait d'une remise en cause définitive de l'autorisation de construire.
Dans l'hypothèse où le contentieux initié contre un permis de construire ne conduirait pas simplement à un décalage dans le lancement du projet immobilier mais à un risque définitif de faisabilité de l'opération, il est patent que les préjudices à indemniser seraient multiformes et importants.
L'on trouverait tout d'abord l'ensemble des frais de maîtrise d'ouvrage supportés habituellement dans la phase de conception (honoraires d'architecte et de bureau d'études, honoraires juridiques...).
Ensuite, outre les frais d'assurances et les indemnités à verser aux constructeurs et liées à l'arrêt définitif du chantier, les frais bancaires sont également significatifs.
Assurément, toutes les sommes versées par les acquéreurs-réservataires seraient à rembourser par la société maître d'ouvrage. De même, l'indemnité d'immobilisation détenue par le promettant du terrain à acquérir pourrait dans certains cas subir le même sort, selon la manière dont les clauses de la promesse auront été rédigées.
À l'expérience toutefois, il est douteux que le chiffre d’affaires total de chaque opération assurée puisse faire l'objet d'une couverture d'ensemble.
Bien entendu, le montant d'une telle assurance est significatif pour le maître d'ouvrage d'un projet. Mais si celle-ci doit pouvoir tout à la fois rassurer les prêteurs de deniers, le notaire vendeur et le ou les notaires acquéreur(s), alors on conçoit qu'une telle protection puisse être contractée pour les opérations les plus sensibles.
C'est bien à l'usage de l'ensemble des acteurs de la profession que ce mécanisme sera valide ou restera marginal. Certains opérateurs voudront se garder la faculté de « sortir » à tout prix leurs programmes, quitte à transiger avec les requérants.
Cette initiative des courtiers doit cependant être saluée, permettant aux maîtres d'ouvrage d'avoir à leur disposition un choix dans la manière de gérer le risque contentieux.


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