L’Europe prévoyait un budget de 15 milliards d’euros pour couvrir les intérêts du plan de relance. La hausse des taux contraint de revoir à la hausse les hypothèses. L’addition pourrait exploser et les membres de l’Union européenne ne se sont toujours pas entendus sur les moyens de financer les dépenses à venir. L'eurodéputée Valérie Hayer, membre du groupe Renew Europe, tire la sonnette d’alarme.

 

Décideurs. Pourquoi la question du budget de l’Union européenne inquiète-t-elle les eurodéputés ? 

Valérie Hayer. Le budget de l’UE est très contraint. Une sorte de dogme porté par certains pays veut que le budget soit fixé à 1 % du PIB des États membres. Or, on demande de plus en plus de choses à l’UE, notamment d’aider l’Ukraine, d’avancer sur les enjeux de souveraineté et d’autonomie stratégiques. On a aussi un budget très important consacré à la politique agricole commune par exemple. La question du remboursement de la dette est également problématique. Il faut rembourser avec leurs intérêts les 750 milliards d’euros empruntés en commun dans le cadre du plan de relance européen. Les premières prévisions tablaient sur 15 milliards d’euros d’intérêt. Or, la hausse des taux ferait passer cette somme à 30 voire 50 milliards, ce qui est très préoccupant.

Comment sera remboursé cet emprunt ? 

À l’origine, trois options se présentaient à nous : augmenter les contributions des États au budget de l’UE, ce qui entraînait plus d’impôts pour les contribuables ; couper dans les programmes existants, or il n’était pas question de raboter des programmes comme la PAC. La troisième option, celle que nous avons choisie collectivement, ce sont de nouvelles ressources propres. 

"La taxe et le marché carbone devraient rapporter 6,5 milliards d’euros par an"

En 2021, Bruxelles a proposé un premier lot de nouvelles ressources. De son côté, le Parlement européen en préconise davantage. Où en est-on ? 

Les ressources propres fonctionnent par "paquets". Le premier en a mis trois sur la table : la taxe carbone aux frontières, le marché carbone européen et la taxation des géants du numérique. Les deux premières sont bien engagées puisqu’on vient de terminer les négociations sur la taxe et le marché carbone. Mais il faut qu’un texte supplémentaire soit adopté à l’unanimité des États pour transformer ces recettes en ressources propres. La taxation des géants du numérique, quant à elle, dépend de négociations internationales et se voit bloquée par les États-Unis. Les deux premières ressources devraient rapporter 6,5 milliards d’euros par an. Ce qui ne sera pas suffisant au vu des nouveaux besoins budgétaires. Nous avons donc besoin d’un deuxième "paquet". 

Quelles sont les propositions du Parlement européen ? 

Nous avons anticipé le travail de la Commission qui fera une nouvelle proposition à la rentrée. Nous lui rappelons nos suggestions (taxe sur les transactions financières et ressources propres fondées sur l’impôt sur les sociétés) et lui soumettons de nouvelles idées (taxe sur les cryptomonnaies). La dimension de genre pourrait être intégrée dans le budget de l’UE afin de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes grâce à une législation incitative. Par exemple, plus un pays affiche des écarts de salaires, plus il contribuera au budget.

Quels sont les États qui soutiennent le moins le développement de ressources propres ? 

Ceux qu’on appelle les frugaux : les pays nordiques, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche. Pour eux, l’enjeu national est de limiter l’intégration européenne et de maîtriser le plus possible le budget. Ils préféreront toujours rembourser la dette avec une hausse des contributions nationales ou par des coupes dans les budgets. Cela étant, plusieurs États sont favorables aux ressources propres mais pas à toutes car certaines ne les avantagent pas. L’Irlande, par exemple, ne soutient pas la taxation des géants du numérique parce qu’elle abrite le siège de beaucoup d’entre eux. La France, elle, est un appui de longue date sur le sujet des ressources propres.

Propos recueillis par Olivia Vignaud 

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