Après une année 2022 particulièrement calme sur le marché du restructuring, Saam Golshani – associé au sein du département corporate/restructuring du cabinet White & Case – présage, en raison de la conjoncture macroéconomique particulièrement sensible, une année 2023 difficile avec une recrudescence des dossiers. Des dossiers de plus en plus complexes, techniques et exigeants, notamment sur le large cap. Entretien.

Décideurs. Vous attendiez une reprise de l’activité du restructuring sur 2022… Cela a-t-il été le cas ?

Saam Golshani. 2022 aura été une année en trompe-l’oeil. Après une année 2021 de transition, on s’attendait à vivre une réelle accélération des dossiers de restructuring. Et on avait de bonnes raisons de le croire. Nous avons ainsi vu apparaître plusieurs marqueurs macroéconomiques qui sont, en théorie, de nature à déclencher des vagues de restructurations financières. Qu’il s’agisse de la hausse de l’inflation, de la crise énergétique, sans parler de la guerre à moins de deux mille kilomètres de nos frontières, de l’augmentation considérable des taux d’intérêt et, avec celle-ci, le renchérissement du coût du crédit… Ce qui crée des difficultés de liquidité pour les entreprises. Mais contrairement à ce qu’on aurait pu croire, le marché du restructuring est en réalité resté très calme en 2022. Cette situation un peu singulière s’explique assez naturellement par les différentes aides dispensées aux entreprises lors de la crise sanitaire. Elles ont joué un rôle d’amortisseur. D’ailleurs, il y a toujours un temps de latence entre le moment où le coût du crédit augmente, le moment où l’inflation s’installe et le moment où la situation va se ressentir sur le “cash-flow” des entreprises. En outre, je crois que l’on sous-estime l’impact des quinze années pendant lesquelles les banques centrales ont largement injecté les marchés.

"Il y a toujours un temps de latence entre le moment où le coût du crédit augmente, le moment où l’inflation s’installe et le moment où la situation va se ressentir sur le “cash-flow” des entreprises"

Vous visiez, pour 2022, une accentuation de votre positionnement sur le large cap. Cela a-t-il été le cas ?

Tout à fait. C’est sur le large cap que nous avons une vraie valeur ajoutée. Nous travaillons main dans la main avec les autres avocats du cabinet, sans nous préoccuper de savoir si untel appartient à un département ou untel à un autre ; s’il exerce à Paris ou dans un autre bureau de la firme. Nous sommes véritablement multidisciplinaires. Nos dossiers de restructuring mobilisent généralement une trentaine d’avocats de la firme, disposant de différents savoir-faire. C’est notre force. Cela nous permet d’apporter aux entreprises que nous accompagnons une solution complète, globale avec rigueur et exigence mais aussi une vraie puissance à l’international. L’éventail des solutions que nous proposons à nos clients est très large. Nous abordons le restructuring, non pas comme une branche ésotérique, à la marge de notre cabinet d’affaires, mais bel et bien comme une discipline à travers laquelle nous gérons des transactions. Avec un début, une fin, un arbre de décision, une période de négociation… J’ai toujours eu cette vision business du restructuring. Ce qui ne nous empêche pas d’être des avocats plaidants, capables d’intervenir sur des contentieux complexes devant n’importe quelle juridiction. C’est une approche plus anglo-saxonne que française de la restructuration financière.

"Aucune entreprise n’est à l’abri, étant donné les circonstances. Si certains bilans pouvaient sembler équilibrés, certaines entreprises vont pourtant devoir passer par une restructuration financière"

À quoi vous attendez-vous pour 2023 ?

La conjoncture macroéconomique ne va pas s’améliorer. On ne perçoit aucun signe du ralentissement de l’inflation et tout porte à croire que les taux vont continuer de monter. 2023 s’annonce comme une année particulièrement difficile. Je pense aussi que nous allons voir apparaître les limites du phénomène de “passe trou” à travers lequel les entreprises transfèrent le coût de l’inflation à leurs clients, qu’ils soient consommateurs ou professionnels. Elles vont devoir absorber ces surcoûts. Sans compter le coût du travail qui va inévitablement augmenter. Nous sommes passés en quelques années d’un chômage de masse à une situation de quasi plein emploi avec, pour les entreprises, de vraies difficultés à recruter. Il y a une réelle pénurie de main-d’oeuvre. Les salaires vont donc naturellement augmenter. Je crois qu’aucune entreprise n’est à l’abri, étant donné les circonstances. Si certains bilans pouvaient sembler équilibrés, certaines entreprises vont pourtant devoir passer par une restructuration financière. Je pense notamment aux opérations de LBO réalisées en 2019 avec un levier trop important. Celles-ci risquent d’être difficilement tenables. Cela présage des dossiers toujours plus complexes, avec des problématiques de plus en plus délicates et davantage de contentieux.

Et au sein de l’équipe, quelles sont vos perspectives ?

J’envisage de continuer à renforcer l’équipe sur le long terme. Je pense à l’avenir. J’ai envie d’instiller l’importance et la richesse de la multidisciplinarité à la nouvelle génération. C’est, à mon sens, à la fois précieux pour mener à bien les dossiers mais c’est également exaltant sur le plan intellectuel d’avoir la possibilité de couvrir différents domaines. C’est d’ailleurs pour cela que je demande à chaque avocat de l’équipe d’avoir un savoir-faire majeur et un savoir-faire mineur. Nous recrutons et formons des avocats qui ont réellement envie de faire plusieurs choses à la fois. Avec intensité et rigueur. C’est l’ADN de notre cabinet.

Propos recueillis par Capucine Coquand

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