Pascal Hervé passe dix ans chez UBS Investment Bank, notamment au département des institutions financières à Londres puis à Paris avant de co-fonder en 2009 Barber Hauler Capital Advisers qu’il quitte l’été dernier pour créer Ceres Partners avec Jacques Le Pape. 

Décideurs. Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Pascal Hervé. C’est un métier exigeant et dont je ne me lasse toujours pas après plus de vingt ans. Il m’a toujours procuré beaucoup d’adrénaline, en particulier lorsqu’il s’agit de mener, en tandem avec les conseils juridiques, des négociations multilatérales dans le cadre de restructurations financières et de répondre à des injonctions contradictoires. Au-delà des chiffres et des modèles, j’aime ce métier parce qu’on y rencontre des personnalités fortes et exceptionnelles, d’une grande diversité qui nous ouvrent les portes d’univers éclectiques allant de la haute fonction publique à celui des courses hippiques, en passant par l’assemblage des portes du B787, parfois au cours d’une seule journée. Si l’on est loyal et patient, on y tisse des liens de façon continue et on y noue des amitiés indéfectibles. Le jour, où je n’aurai plus cette curiosité, cette soif d’aller voir l’envers du décor, ce sera le signe qu’il est temps pour moi d’arrêter.

De quelles qualités doit-on disposer ?

Nous devons disposer d’une réelle souplesse d’esprit, d’une forte combativité et d’une bonne hauteur de vue. L’art de la souplesse l’emporte sur beaucoup d’autres, et le judo, que je pratique régulièrement, me l’a enseigné très tôt. Il faut apprendre à jouer avec la force de l’adversaire. Dans une situation complexe, tout ultimatum posé s’expose à une transgression, quant au contraire, il convient de faire évoluer les points de vue, y compris celui de nos clients, pour trouver un point d’équilibre. Pour bien faire ce métier, il faut oublier ses certitudes et se concentrer sur la partie d’échecs qui se joue sous nos yeux. S’assurer que l’on ne rate rien. Anticiper les coups de l’adversaire. Avoir une bonne compréhension des objectifs du client et une parfaite lecture des situations. Enfin, je dirais qu’il faut savoir faire preuve d’une grande disponibilité. De temps et d’esprit. Particulièrement lorsque nous intervenons dans des situations critiques. Il faut savoir être un majordome pour comprendre et répondre au mieux aux attentes du client, mais aussi savoir se transformer en général des armées lors d’une négociation houleuse, ou encore en ambassadeur lorsque le temps est venu de construire un accord de paix. Cela implique une multiplicité de visages et de rôles. Avec une seule et même finalité, lorsqu’un accord est trouvé, se concentrer sur le coup d’après. Dans ce métier : "You are only as good as your next deal !"

Quel a été le dossier le plus marquant de votre carrière ?

L’un des dossiers qui m’a le plus marqué date des années 2010-2014. J’y ai consacré cinq années de ma vie au cours desquelles j’ai accompagné le groupe Latécoère, un groupe toulousain, emblématique de l’Aéropostale des années 1920 et un des acteurs clés de la chaîne d’approvisionnement dans les aérostructures. J’ai aidé le groupe à surmonter un cap difficile au cours duquel il a été percuté par la montée en cadence de nouveaux programmes et le changement de parité euro/dollar. Son surendettement devenait mortifère. Après plusieurs renégociations avec les banques, nous avons dû demander aux créanciers de convertir leur dette en capital. C’est à cette occasion que les fonds Monarch et Apollo sont devenus actionnaires de l’équipementier aéronautique.

"Dans une négociation houleuse, il faut savoir être général des armées et ambassadeur tout à la fois"

Quelle est votre vision du marché ? Comment le voyez-vous évoluer à l’avenir ?

L’accès au financement, dette comme equity, va continuer à se durcir dans un contexte économique dégradé et fragilisé à forte tendance inflationniste. Le coût de l’argent va augmenter. Pour autant, restons optimistes : les fonds lèvent toujours plus d’argent et seront sous forte pression pour déployer davantage de capital, ce qui créera indubitablement des opportunités. Et pour devenir plus fortes, il est impératif que nos entreprises se consolident, en ayant recours à la croissance externe ou aux fusions d’égaux. En résumé, le marché est plus sélectif. De quoi permettre aux banquiers les plus agiles et inventifs de continuer à se rendre utiles !

Parcours

  • Depuis janvier 2023 : cofonde la boutique de conseil Ceres Partners avec Jacques Le Pape, spécialisée en M&A et situations spéciales.
  • Entre 2009 et 2022 : associé fondateur & directeur général de Barber Hauler Capital Advisers, à la tête de l’activité restructuring et distressed M&A.
  • Entre 1999 et 2009 : directeur chez UBS Investment Bank d’abord à Londres au sein du département FIG (Financial Institutions Group) et à Paris en M&A.

Propos recueillis par Laura Guetta

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