La croissance (rentable) est le seul levier de création de valeur à long terme. Il est difficile de croître économiquement sans émission de CO2. L’environnement devient un enjeu critique pour les entreprises. Il est nécessaire de développer de nouveaux modèles d’activité compétitifs et réduisant l’empreinte environnementale : "les green models". Lesquels et comment ?

Quatre raisons économiques doivent inciter les entreprises à réduire leur empreinte environnementale : une valeur forte pour les employés, et notamment pour les jeunes générations ; une valeur accrue pour les clients ; une valeur accrue pour les investisseurs ; une augmentation prévue de la taxation.

Les approches traditionnelles ne suffisent plus

Les grands groupes ont engagé des actions de réduction de l’empreinte environnementale : développement de l’éco-conception (matière durable, technologies de transformation alternatives, utilisation minimum de matière, durabilité…), développement des énergies renouvelables et amélioration de la performance énergétique en production et en distribution, réduction de l’empreinte de transport en amont et aval…

Ces actions sont nécessaires mais ne suffisent pas. Les modèles transactionnels de vente de produits ne permettront pas de concilier la performance économique et la performance environnementale. Soit la première sera sacrifiée et conduira à une logique de décroissance. Soit la seconde sera négligée et conduira à des volumes d’émission qui continueront à croître. Dans les deux cas, ce n’est souhaitable ni pour les actionnaires de l’entreprise, ni pour l’environnement.

« Les “green models“ nécessitent de l’ambition, de la focalisation, de la vitesse et de l’excellence opérationnelle. »

Les quatre grands « green models » possibles

Les modèles de circularité. La majorité des émissions de CO2 provient généralement de la matière première. Les modèles circulaires réduisent l’empreinte environnementale et créent des barrières à l’entrée significatives. Stratégiquement, il est pertinent d’investir dans la filière de recyclage pour sécuriser ses approvisionnements et maîtriser ses prix d’achat. C’est le mouvement réalisé par le fabricant de packaging alimentaire Faerch qui a investi dans Cirrec, entreprise de recyclage de PET issu du packaging alimentaire.

L’enjeu est de définir le positionnement sur la chaîne de valeur (approvisionnement, tri,  transformation et organisation de la filière) et les modalités d’investissement (en propre à accords stratégiques).

Les modèles de seconde vie (occasion). Le marché de la seconde vie connaît une forte croissance basée sur des vagues longues : éco-responsabilité (motivations citoyennes/écologiques), générationnelle (marché d'ultra-niche à marché de masse), économique (accès aux marques pour tous), réglementaire (comme la REP en France) et technologique (facilitant et segmentant la mise en relation entre vendeurs et acheteurs).

Des pure players comme Vinted (place de marché de vêtements en CtoC), Thredup (remise en état et vente de vêtements en BtoC), Backmarket (place de marché de produits électroniques reconditionnés en BtoC) ou Trove (solution technologique et logistique en marque blanche en BtoB) croissent grâce à des positionnements et des niveaux de spécialisation pertinents. L’enjeu est de définir le modèle  approprié en termes de positionnement sur la chaîne de valeur (collecte, remise en état, commercialisation et gestion des clients) et de niveau de spécialisation (marchés de niches vs. marchés de masse).

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Les modèles de réparation et de maintenance. Le potentiel de croissance est significatif dans ces modèles en réponse à une vague de croissance longue : la réparabilité des produits. L’époque des produits à jeter sans circularité et/ou réparabilité est révolue.  Ces modèles ont un impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur : dans la conception des produits ; dans le développement de points de maintenance centralisés ou décentralisés ; dans l’organisation des flux. La création de valeur de certaines industries (ascenseurs ou moteurs d’avions) réside principalement dans la réparation et la maintenance. Cette logique va s’étendre à de nombreuses industries.

Les modèles d’économie d’usage (location). Aujourd’hui, la location s’étend à de nouvelles applications et avec de nouveaux modèles. Ainsi, dans la mobilité douce, il existe différentes options de location : location à l’heure ou à la demi-journée, location à la semaine, location longue durée ou sans durée définie. Swapfiets, du groupe Pon Holdings (8 Md € de chiffre d’affaires), déploie en Europe un modèle fournissant, pour un forfait mensuel, un vélo à ses clients et promet, en cas de problème, de le réparer ou l'échanger dans les 48 heures. Cette activité contribue aujourd’hui pour plus de 20% à la création de valeur du groupe.

Les conditions de succès pour les nouveaux « greens models »

Le développement des "green models"  est nécessaire et représente une forte opportunité pour créer de la valeur. Il nécessite une approche structurée.

Définition d’une ambition et d’une ampleur à la mesure des enjeux. Il faut caler l’ambition au bon niveau afin qu’elle soit cohérente par rapport aux enjeux environnementaux (et la réduction de l’émission de CO2) et stratégiques (positions de leadership pour être compétitif et concentrer l’industrie).

Vitesse significative pour avoir de l’impact. Il faut investir au bon rythme afin de rendre cohérentes les trois logiques : stratégique (positions de leadership), financière (financement) et opérationnelle (organisation pour la croissance).

Focalisation de l’approche et concentration des moyens. La dilution des ressources, le développement à l’infini de POC sont préjudiciables. Il faut investir de manière focalisée et concentrer les moyens sur les approches pertinentes et discriminantes.

Priorisation et précision des modèles d’activité. Les modèles d’activités doivent être bien calés avant leur déploiement et intégrer les différentes dimensions du modèle.

Excellence opérationnelle et évolution continue des modèles. La simplicité du modèle permet son déploiement au bon rythme ; la cohérence dans le développement des compétences évite les goulots d’étranglement ; la prise en compte des différents paliers permet d’accélérer au bon moment.

Qu’en conclure ?

La transition environnementale est un mouvement structurel de fond qui va avoir un impact significatif sur la stratégie des entreprises, leur finance, leur organisation et modes de fonctionnement. Le développement de nouveaux modèles d’activité, avec les green models, est nécessaire.Les entreprises qui auront pris la mesure de cet enjeu développeront des avantages compétitifs soutenables. Comme pour toute rupture, une approche structurée, pilotée au plus haut niveau de l’entreprise, est nécessaire pour assurer la cohérence entre l’ambition et les moyens, afin de créer les conditions pour un déploiement à la bonne vitesse et à la bonne ampleur.

Les points clés

  • La croissance (rentable) est le seul levier de création de valeur à long terme. Il y a urgence à réduire les émissions de CO2.
  • Les approches traditionnelles de réduction de CO2 sont nécessaires mais pas suffisantes.
  • Il faut développer de nouveaux modèles d’activité, sources de compétitivité, de rentabilité et de croissance : modèles de circularité ; modèles de seconde vie, modèles de réparation ou modèles d’économie d’usage (location).
  • Ces "green models" nécessitent de l’ambition, de la focalisation, de la vitesse et de l’excellence opérationnelle et doivent être impulsés et pilotés par le président du groupe.

 

Sur l’auteur

Jean Berg est président de Strategia Partners, cabinet international de conseil en stratégie basé à Paris, Zurich, New York et Shanghai. Strategia Partners assiste les directions générales et les investisseurs dans leur stratégie de croissance et d’allocations de ressources en intégrant trois perspectives : stratégique & financière, environnementale et humaine.

 

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