Pour créer de la valeur à long terme, il faut croître de plus de 7,5 % par an. La croissance est un choix qui nécessite de concentrer ses ressources et son temps sur les enjeux prioritaires. Pour une croissance de long terme rentable, il faut intégrer trois perspectives : stratégique & financière, environnementale et humaine. Par Jean Berg, président de Strategia Partners.

La croissance est le seul levier de création de valeur à long terme

Une entreprise ne peut créer de la valeur à long terme que si elle croît à plus de 7,5 % par an. La valeur d’une entreprise se traduit financièrement par une somme de cash-flows futurs. Elle est fondée sur des natures de métiers (en croissance ou non ; avec de fortes barrières à l’entrée ou non) et des positions stratégiques (leader ou challenger, avec une dynamique de croissance ou non).

Les marchés financiers intègrent bien les croissances à court terme. Ils ne prennent jamais totalement en compte les croissances longues. Les entreprises à croissance longue voient donc leur valeur augmenter année après année comme leur profit, dans la mesure où l’entreprise ayant crû et continuant à croître, elle offre les mêmes perspectives de croissance future. La régularité et la longueur de la croissance du chiffre d’affaires, des résultats et des cash-flows à des niveaux importants est critique dans la création de valeur.

Les trois perspectives

Une croissance durable n’est possible que si les dimensions stratégiques, environnementales et humaines sont pleinement intégrées dans le modèle de croissance.

La perspective stratégique et financière

Stratégiquement, la croissance est le produit d’un investissement supérieur à celui des concurrents (allocation de ressources) par l’impact de cet investissement (modèle d’activité) appliqué à un mix de métiers, géographies… le plus favorable (ciblage stratégique).

Au départ du succès d’une activité, il y a toujours une idée, un concept, un modèle nouveau et « disruptif » qui nécessite des moyens importants dans des horizons de temps courts. Ces modèles ne tolèrent pas de dilution des ressources.

Le succès des nouveaux leaders technologiques comme Google, Amazon, Facebook, Alibaba ou Tesla sont basés à l’origine sur des modèles supérieurs ­ (algorithmes plus rapides, fonctionnalités ou variété de l’offre, qualité de service…), un investissement plus fort et focalisé et une forte excellence opérationnelle.

La croissance suppose donc de construire des positions fortes et résilientes grâce à des modèles différenciants qui génèrent du cash afin de donner des leviers financiers pour investir. Sans compétitivité, pas de rentabilité. Sans rentabilité, pas de croissance.

La perspective environnementale

Quatre raisons économiques doivent inciter les entreprises à réduire leurs émissions de CO2 : une valorisation par les clients pour les offres réduisant l’empreinte environnementale ; une valorisation par les investisseurs ; une valorisation par les jeunes générations (employés) ; une taxation plus forte.

Les leaders performants mettent en œuvre une logique environnementale cohérente et intégrée de l’amont à l’aval : une vision stratégique claire, articulée et alignée entre les actionnaires et les équipes ; une définition, une quantification et une hiérarchisation des actions prioritaires permettant de créer des avantages concurrentiels comme l’éco-conception, la maîtrise des filières de matière première, le recyclage… ; des mécanismes d’incitation pour passer de l’intention à l’exécution (animation systématique par entité opérationnelle ; définition d’un objectif ; suivi régulier des réalisations ; animation régulière par le contrôle de gestion ; impact sur la rémunération). Les entreprises qui intégreront la dimension environnementale créeront des avantages compétitifs significatifs et durables.

"La croissance de long terme nécessite l’intégration équilibrée des trois perspectives"

La perspective humaine

La croissance dépend logiquement de la performance humaine qui est un levier amplificateur significatif des choix stratégiques et environnementaux.

Cette performance ne fait réellement la différence que lorsque les choix pertinents ont été faits : choix de l’ambition, choix des terrains de jeu, choix des modèles d’activité, choix de la vitesse et de l’ampleur, choix de l’organisation et des modes de fonctionnement. Dans ce cas, la performance humaine joue comme un effet multiplicateur.

Inversement, la croissance joue comme un amplificateur de la performance humaine.

L’enjeu critique est de définir un nombre limité de leviers de performance humaine et de mettre en œuvre des actions pour créer des inflexions tangibles et mesurables. Ces leviers dépendent de la nature des métiers, des dynamiques de marché et des clients, et des dynamiques concurrentielles…

Une approche au fil de l’eau ou incrémentale n’est pas suffisante. Une rupture avec une focalisation et une accélération significative sur certains leviers humains est nécessaire.

Complexité de prise en compte des trois perspectives

La mise en œuvre des trois perspectives est complexe. Prise séparément, chacune d’entre elles nécessite une approche spécifique qui crée des tensions avec les deux autres. Ceci implique des moyens humains et financiers.

Il est facile et tentant de tomber dans deux travers : privilégier uniquement deux perspectives au détriment de la troisième ou saucissonner les approches en diluant les ressources sur les trois perspectives. Ce n’est pas soutenable.

La prise en compte non intégrée des perspectives a un coût rédhibitoire qui entraîne toujours une moyennisation des approches et donc un impact sur la croissance, la rentabilité, le niveau de risque et la création de valeur.

Qu’en conclure ?

La croissance de long terme, seul levier de création de valeur, n’est possible qu’en mettant en œuvre un modèle de croissance intégrant les trois perspectives : stratégique et financière pour bâtir des positions fortes et en croissance et pour les financer ; environnementale pour répondre aux opportunités offertes par cette nouvelle dynamique et réduire les risques ; humaine pour bâtir un modèle résilient en attirant, retenant et développant les talents.

La complexité de cette intégration tient dans la tension et le contradictoire à court terme des trois perspectives. Elle oblige à une inter­action continue entre les objectifs, les actions et les réalisations de chacune d’entre elles pour aboutir à un équilibre pour la croissance de long terme avec une approche stratégique encore plus rigoureuse : choix et arbitrages humains et ­financiers, priorités, mise en œuvre d’un mode de fonctionnement et de suivi jusqu’au niveau de la direction générale. Il faut savoir gérer cette complexité et la ­dépasser afin de créer des barrières et des avantages concurrentiels durables. La vitesse est critique ; la résilience, la ­cohérence et le courage indispensables.

Par Jean Berg, président de Strategia Partners

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