Imprimerie fondée en Mayenne dans les années 1900, Jouve s’est transformé pour se spécialiser entièrement dès 2020 dans la dématérialisation des données. Après un contrat de plus d’un milliard d’euros signé avec les Américains l’an passé, le groupe change de nom pour acter sa nouvelle stratégie. Thibault Lanxade, son PDG, revient sur ce choix.

Décideurs. Depuis le 19 janvier, le Groupe Jouve se nomme officiellement Luminess. Pourquoi ce changement ?

Thibault Lanxade. En février 2020, après l’avoir redressée, nous avons cédé notre activité historique d’impression et sommes devenus à 100 % digital. Or, le nom de Jouve était très associé au métier de l’impression et pas assez à la data. En devenant Luminess, nous indiquons clairement à nos clients et à nos collaborateurs la rupture, notre transformation. Nous basculons dans la modernité. Nous voulions le faire dès 2020 mais la crise a retardé le projet. Luminess est une création de toute pièce. Ce nom se prononce dans toutes les langues des pays dans lesquels nous travaillons et il sous-tend une idée de dynamique, d’innovation.

En juin 2021, vous décrochiez un contrat de plus d’un milliard d’euros auprès de l’Office américain des brevets. Comment avez-vous fait pour le convaincre de travailler avec vous ?

Ce sont les Américains qui sont venus nous voir pour notre savoir-faire en matière de brevets. Nous travaillons notamment avec l’Office européen des brevets. Ils nous ont demandé de réaliser une preuve de concept pour savoir si nous avions la capacité de les accompagner avant de répondre à un appel d’offre. Nous développons en France une plateforme homologuée par leurs soins, qui sera implantée et tournera dans une usine de à Omaha. Mille personnes, certifiées par l’administration du pays mais qui seront nos collaborateurs, vont être recrutées afin de la faire tourner et d’assurer la maintenance. Les non-citoyens américains ne pourront avoir accès à ces données.

Auriez-vous pu avoir accès à un marché de cette taille-là en France ?

Non, car les appels d’offre sur les marchés publics opposent davantage de critères comme la robustesse des fonds propres. Les Américains sont pragmatiques. Ils ont pris les meilleurs. Certes, ils ont les Gafam et sont en pointe dans le numérique mais leur administration est vieillissante.  Il y a un vrai contraste sur la digitalisation aux États-Unis.

Quelles sont les principales activités de Luminess ?

Nous sommes positionnés sur plusieurs créneaux en Europe, comme l’automatisation BPO dans l’univers de la santé. Nous automatisons les flux de remboursement des mutuelles par exemple afin d’optimiser les remboursements. Nous accompagnons les entreprises financières sur la connaissance de leurs clients. On peut contrôler les bulletins de paie, les pièces d’identité, etc. Également sur la santé, pendant la Covid nous avons développé une solution qui facilite la préadmission à l’hôpital grâce à la récupération en amont de la carte vitale et des complémentaires santé. Enfin, nous travaillons à la digitalisation des dossiers médicaux.

"Le contrat américain va nous permettre de doubler notre chiffre d’affaires dès 2023"

La question de la souveraineté de la data est au cœur des préoccupations des dirigeants. Est-ce une nouveauté pour vous ?

Non, cela a toujours été également notre cas. On propose un hébergement entièrement souverain. Nous pouvons stocker les datas de nos clients à Laval et à Mayenne, à travers des solutions d’hébergement certifiées. C’est le cas pour des données de la Banque de France, un de nos clients.

Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Le contrat américain va nous permettre de doubler notre chiffre d’affaires dès 2023. Nous allons lancer des opérations de croissance forte sur nos métiers européens pour équilibrer les forces. Des critères sont définis pour examiner des cibles potentielles, qui seront des entreprises complémentaires sur la chaîne de valeur ou sur l’expertise métier de nos clients.

Le numérique est de plus en plus pointé du doigt pour son impact sur l’environnement. Avez-vous pris des initiatives afin de diminuer votre empreinte ?

Nous avons par exemple fait figurer une initiative dans notre accord d’intéressement : le no mail Friday. On diminue les envois de mails le vendredi, ce qui nous a permis de réduire de 30 % nos envois globaux d’e-mails cette année. Le vendredi est chez nous une journée plus orientée réunions, échanges et avoir une boîte mails allégée permet de partir en week-end de manière plus sereine. Ce qui participe à l’équilibre vie professionnelle-vie privée.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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