Créée en 1979, l’association Admical promeut le développement du mécénat et accompagne les entreprises dans leurs actions. Pour son président, François Debiesse, la croissance de la philanthropie passera par les plus petites entreprises, notamment en régions.

Décideurs. Comment expliquez-vous l’évolution du mécénat d’entreprise en France qu’Admical suit depuis ses débuts ?

François Debiesse. Jacques Rigaud, père du musée d’Orsay, s’est embarqué dans la création d’Admical. Un an et demi après, François Mitterrand arrive au pouvoir. Les grandes entreprises cherchent alors à ne pas passer aux yeux de la gauche pour des chantres du capitalisme en quête uniquement de profits. Pour ce faire, elles se lancent dans le mécénat culturel. À l’époque, le ministre Jack Lang fait souffler un vent de jeunesse sur la culture et les occasions de la financer s’avèrent nombreuses. Fin du siècle dernier, début du XXIe siècle, les grands médias pointent du doigt le mécénat d’entreprise. Ils estiment que les entreprises ne s’intéressent pas vraiment à la cause mais qu’elles y voient surtout leur intérêt (places de spectacles ou location de salles prestigieuses à bas prix en contrepartie de leur soutien). Or le mécénat doit être désintéressé. En 2005, les émeutes des banlieues font prendre conscience aux entreprises de la fracture sociétale. La crise de 2008-2010 a marqué un tournant : - 25 % de dons. Le soutien à la culture a dégringolé avant d’être remplacé par les grandes causes sociales. Aujourd’hui, le secteur culturel est davantage soutenu mais la solidarité reste le domaine incontournable.

Quel rôle joue Admical ?

Notre feuille de route se divise en deux parties. D’un côté, le développement du mécénat avec un travail auprès de la puissance publique pour promouvoir ou défendre  le cadre juridique et fiscal du mécénat qui est l’un des plus privilégiés au monde. Admical a fait partie des porteurs de plumes de la loi Aillagon de 2003. Aujourd’hui, un certain nombre de ministres et de parlementaires montrent des réticences quant à l’aspect fiscal du mécénat car celui-ci rogne sur les recettes de l’État. Des universitaires développent des thèses hostiles arguant que le mécénat serait un déni de démocratie puisqu’il permet sans débats à ceux qui ont de gros moyens de mettre la main sur des sujets sociaux. Il y a quatre ans, Bercy a mis un coup de rabot aux défiscalisations accordées aux dons de plus de 2 millions d’euros malgré nos cris d’orfraie. En revanche, le ministère a levé à notre demande une disposition de la loi qui était préjudiciable aux dons des petites entreprises.

Votre deuxième rôle est d’accompagner les mécènes. En quoi cela consiste-t-il ?

Seules 9 % des entreprises françaises sont mécènes. Les grands groupes le sont quasi tous. Il faut donc aller chercher les plus petites notamment dans les territoires. C’est pourquoi nous opérons un changement stratégique pour les convaincre. Nous avons notamment créé l’an dernier un incubateur en région pour rassembler les projets d’entreprises qui n’auraient pas eu les moyens à elles seules de proposer des solutions efficaces. Le monde associatif et le monde de l’entreprise se connaissent mal. À une époque, il y avait même de la défiance. L’avenir du mécénat est une conjonction des ressources que l’on retrouve dans les entreprises (financement, RH…) et de la connaissance de terrain des associations. Les pouvoirs publics en prennent conscience. Nous allons vers une approche collective du mécénat.

"Le monde associatif et le monde de l’entreprise se connaissent mal"

Quelle est la différence entre le mécénat et les politiques RSE ?

Ils sont proches. Le sujet de l’articulation entre les deux s’avère aujourd’hui très important pour les entreprises. Il y a la RSE obligatoire qui relève de la contrainte légale et celle plus volontaire. Le mécénat est, lui, un acte volontaire. La RSE est plutôt endogène puisqu’elle est tournée vers l’entreprise. Tandis que le mécénat est plutôt exogène car tourné vers l’extérieur. Beaucoup de causes que soutient le mécénat ne sont pas dans le prolongement de ce que font les entreprises mais ont un intérêt social : dépendance, maladies mentales, etc. La RSE va continuer à grandir car elle est prise en compte dans les évaluations extra-financières des entreprises mais le mécénat restera un outil spécifique qui a la capacité de financer des innovations et donc à prendre des risques. Ce que ne peuvent faire ni l’État avec l’argent public ni les entreprises.

Quelles sont les bonnes pratiques quand une entreprise se lance dans le mécénat ?

Elles doivent se demander où elles ont envie d’aller, dans quels domaines, avec quels partenaires, etc. Le mécénat est un partenariat qui repose essentiellement sur la confiance. Cela suppose que le mécène s’engage à ne pas s’ingérer dans les projets et à l’association de se montrer transparente. Il y a également la question fondamentale de la durée. L’entreprise ne doit pas mettre un chèque sur la table et s’en aller. L’association ne doit pas prendre l’argent et demander qu’on lève le camp. Il faut un investissement entre 3 et 5 ans. Moins de 3 ans, ce n’est pas efficace. Plus de 5, cela peut poser un problème de position dominante. La question de la fin du mécénat doit être abordée rapidement et tranquillement.

Le mécénat de compétences connaît un véritable essor. Pourquoi ?

La raison est simple. Auparavant, le mécénat de compétences était orienté presque exclusivement sur les 2-3 années de fin de carrière, les séniors préparant leur retraite avec une volonté d’engagement. Mais cela évolue. Les jeunes générations de collaborateurs veulent trouver un sens à leur travail. Les entreprises – qui sont un lieu de structuration des personnes – ont un rôle social de plus en plus important à jouer car les institutions (écoles, partis politiques, armées, etc.) sont en crise.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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