Cadres, jeunesse, macronistes historiques… Depuis quelques mois, le président de la République perd peu à peu son socle électoral. Seuls les plus âgés semblent lui rester fidèles. Une situation irrémédiable ?

Emmanuel Macron l’a affirmé à plusieurs reprises, la crise des Gilets jaunes de l’automne 2018 a constitué une épreuve qui l’a marqué. Ce fut aussi le moment où sa cote de popularité a connu son plus bas niveau : 26% selon le baromètre BVA. Un chiffre égalé en avril 2023 selon le même institut. La cause ? La réforme des retraites. En plus de dégrader l’image du président de la République, la séquence marquée notamment par l’utilisation du 49.3, une motion de censure qui a échoué de peu, une interview et une allocution présidentielle ont eu une conséquence néfaste pour le chef de l’État : sa base doute.

Le "président des vieux" ?

À l’origine, le macronisme avait attiré une large part de la jeunesse. En témoignent les résultats de LREM lors de la présidentielle et des législatives de 2017. Durant le premier quinquennat, les électeurs macronistes ont peu à peu vieilli, ce que révèle le premier tour de la présidentielle de 2022. Le dernier baromètre BVA officialise désormais la chose : Emmanuel Macron est statistiquement devenu le "président des vieux". Si sa popularité moyenne est de 26% en avril 2023, elle s’élève en revanche à 41% chez les plus de 65 ans. Le chiffre est stable par rapport à décembre 2023, début des discussions sur la réforme des retraites.

En revanche, dans les autres tranches d’âge, c’est la dégringolade. En décembre 2023, le président était à 38% de popularité chez les moins de 35 ans, un score à peu près similaire aux seniors donc. En avril, il atteint 21% seulement dans cette catégorie, soit une chute de 17 points ! Chez les 35-49 ans et chez les 50-64 ans, Emmanuel Macron est également embourbé dans une popularité de 21% et 22%, soit son plus bas niveau depuis son élection en 2017.

En Janvier 36% des Français avaient une bonne opinion d'Emmanuel Macron, la proportion n'est plus que de 26% en avril

Les cadres en plein doute

Depuis son apparition sur la scène politique, Emmanuel Macron a toujours été plus populaire chez les cadres et les hauts revenus que la moyenne. La réforme des retraites marque une rupture. Certes, en avril 2023, sa popularité chez les cadres est à 34%, soit plus que sa moyenne globale. Mais la baisse est énorme puisque, en décembre 2022, le locataire de l’Élysée était à 47%. Sur les mois de mars et d’avril, jamais cette cible n’avait autant fait défaut. Notons que chez les ouvriers et les employés, il était à 30% d’opinions favorables avant le début de la discussion sur la réforme des retraites ; son score n’est plus que de 17%.

Un socle fidèle mais qui doute

Ces derniers mois, l’action menée par le président de la République fait également douter sa base. Les Français ayant voté pour lui au premier tour de la dernière élection présidentielle sont 70% à avoir une bonne opinion de lui. Derrière ce chiffre a priori réconfortant, se cache une mauvaise nouvelle. En janvier 2023, la proportion était de 88%. Un retrait de 18 points en trois mois…

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Où se situe Emmanuel Macron par rapport à ses prédécesseurs ?

Face à ces chiffres, l’opposition s’en donne à cœur joie et ne se prive pas de vilipender un président "coupé du peuple", "enfermé dans une tour d’ivoire", "incapable de gouverner". Mais par rapport à ces prédécesseurs, comment se situe-t-il ? Les baromètres Ifop apportent un éclairage précieux.

Certains ont connu des trous d’air, comme lui, et ils se sont avérés passagers. Ainsi, en novembre 1995, en pleine grève sur la réforme des retraites portée par Alain Juppé, la popularité de Jacques Chirac était de 27%. Ce qui ne l’a pas empêché d’être réélu à la fin de son mandat. En juin 2005, après le non au référendum établissant un projet de Constitution européenne, son taux de bonne opinion est subitement passé de 40 à 28%. Personne n’a fait "pire" en matière de chute mensuelle. Il a pourtant très vite repris des couleurs. Jusqu’au CPE où il a replongé à 27%. François Mitterrand avait atteint son plus bas en décembre 1991 avec 22%, Nicolas Sarkozy, de son côté, a connu sa cote la plus faible à 28% en mars 2011.

Emmanuel Macron n’est donc pas plus rejeté que ses prédécesseurs et son impopularité n’est, en théorie, pas vouée à rester éternelle. Pour se consoler, il peut également se comparer à François Hollande, de loin le président le plus impopulaire de l’histoire.

Si tomber sous la barre des 30% de popularité est une alerte pour un chef de l’État, François Hollande a passé son quinquennat avec une moyenne d’impopularité de 28%. Il a même connu des baromètres à 13% d’opinion favorable, notamment après l’affaire Thévenoud ou la sortie du livre de Valérie Trierweiler. En octobre 2016, le socialiste a battu un record qui n’est pas près de tomber : 4% des Français étaient satisfaits de son action. Emmanuel Macron a encore du travail !

Lucas Jakubowicz

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