Alors que le mouvement social atteint son point culminant en ce mardi 7 mars, une question se doit d'être posée : Que contient réellement le projet ? Report de l’âge légal à 64 ans, dispositifs pour les carrières longues, nombre de trimestres à cotiser... Décideurs vous propose un tour d’horizon des différents choix techniques du gouvernement.

Le 10 janvier, Élisabeth Borne se lance dans l’arène. La Première ministre présente en conférence de presse la réforme tant attendue, mais aussi tant redoutée, des retraites. En préambule, la locataire de Matignon insiste : ce changement législatif vise à sauver notre système de retraites par répartition afin de "préserver notre modèle social". "La solidarité entre les générations repose sur un équilibre : il faut que les cotisations des actifs financent les pensions des retraités, expliquait-elle. Dire que cet équilibre n’est pas assuré n’est pas une posture (…) Il y a une réalité que chacun connaît : le nombre de ceux qui cotisent pour les retraites diminue par rapport au nombre de retraités."

Le projet de loi soumis en début d’année est le fruit de plusieurs mois de consultations avec les partenaires sociaux. La réforme faisait déjà partie du programme d’Emmanuel Macron depuis 2017. L’année de sa première élection, le président de la République nommait un haut commissaire à la réforme des retraites. Lignes directrices, rapports, pourparlers et mouvements de mobilisation se sont enchainés avant que le texte n’arrive devant l’Assemblée nationale en février 2020. Mais, patatras : en mars, un premier confinement est décrété par le gouvernement. Le Covid met la France à l’arrêt. La réforme des retraites aussi.

Une nouvelle mouture 

Celles-ci ne reviendra pas sur la table durant la fin du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, mais ce dernier, candidat à sa propre réélection, réitère dans son programme sa volonté de faire évoluer le régime tout en revoyant ses positions. S’il n’entendait pas à l’origine allonger l’âge du départ à la retraite, il souhaite désormais le porter à 65 ans. Le sujet est clivant et, mi-avril, à quelques jours du second tour de la présidentielle, il se dit prêt à "bouger" en ouvrant la porte à un report de l’âge de départ de 62 à 64 ans.

"Il y a une réalité que chacun connaît : le nombre de ceux qui cotisent pour les retraites diminue par rapport au nombre de retraités"

C’est entourée de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, Olivier Dussopt, ministre du Travail, et Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique, qu’Élisabeth Borne présentait les contours de sa réforme. Son objectif ? Que le système atteigne l’équilibre en 2030. Pour y parvenir, plusieurs curseurs sont ajustés. "Chacun des choix, en apparence techniques, a des impacts en termes de répartition des contributions ou de justice sociale", affirmait-elle.

Question d’âge 

En ce qui concerne l’âge de départ à la retraite, "les 65 ans n'ont jamais été une fin en soi", assurait la Première ministre. À compter du 1er septembre, l’âge sera relevé progressivement de trois mois par an pour atteindre 64 ans en 2030. Le gouvernement ne touche pas, en revanche, au nombre de trimestres nécessaires pour partir à une retraite à taux plein. Conformément à la réforme Touraine, promulguée en 2014, ceux-ci sont maintenus à 43. Petite subtilité néanmoins, l’allongement de la durée de cotisation prévu par le nouveau texte est accéléré : il faudra cotiser 43 ans dès 2027, contre 2035 initialement acté.

graphique retraite insee

La retraite à taux plein à 67 ans pour les personnes n’ayant pas le nombre de trimestres exigés n’est, elle, pas remise en cause. "C’est essentiel pour celles et ceux qui ont eu une carrière hachée ou incomplète – et je pense ici particulièrement aux femmes", explicitait la Première ministre. Toujours dans cette logique, les périodes de congés parentaux seront désormais prises en compte dans le calcul des trimestres, comme les années passées à aider un parent ou un enfant en situation de handicap ou celles dévolues aux travaux d’utilité collective (programme pour les jeunes sans emploi).

Des dispositions pour les carrières longues 

Des dispositions sont prévues pour ceux ayant commencé à travailler tôt. Pourront partir à la retraite à 58 ans, les personnes entrées en activité avant leurs 16 ans. Pour celles ayant œuvré entre 16 et 18 ans, la retraite reste possible à 60 ans. Quant à ceux arrivés sur le marché du travail entre 18 et 20 ans, le départ est envisageable dès 62 ans. Le même âge est retenu pour les personnes invalides, en incapacité ou considérées comme inaptes, soit 100 000 personnes par an. Jusqu’ici les salariés qui remplissaient les conditions pour bénéficier d’une retraite anticipée pouvaient partir entre 58 et 60 ans.

Le gouvernement met fin à la plupart des régimes spéciaux

Quant aux militaires, sapeurs-pompiers, fonctionnaires en catégorie active (emplois qui comportent un risque particulier) ou encore aux aides-soignants dans la fonction publique hospitalière, ils pourront continuer à prendre plus tôt leur retraite. En tout, selon les calculs du gouvernement, 4 personnes sur 10 quittant le monde du travail chaque année pourront bénéficier d’un départ anticipé.

Mieux intégrer la pénibilité 

Afin de mieux prendre en compte la pénibilité de certains métiers, la réforme prévoit de renforcer le suivi médical, de repérer les fragilités et d’accompagner les salariés touchés par des problèmes de santé vers un départ anticipé à 62 ans. Un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, doté d’un milliard d’euros, sera créé et les reconversions facilitées grâce à l’amélioration du C2P (compte professionnel de prévention).

Par ailleurs, le gouvernement ferme la plupart des régimes spéciaux. "C’est une question d’équité. Cette mesure ne s’appliquera qu’aux nouveaux embauchés, qui seront désormais affiliés au régime général de retraite." Actuellement, la France compte 37 régimes de retraite dont 15 régimes spéciaux (RATP, EDF, Opéra de Paris, clercs et employés de notaires, etc.) pour environ 4,5 millions de pensionnés et 4,7 millions de cotisants.

Niveau des pensions 

Le projet de réforme prévoit enfin que ceux qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du smic partent désormais avec une pension à 85 % du salaire minimum, soit 1 200 euros dès 2023. Ce qui correspond à une augmentation de 100 euros par mois. À la demande de certains groupes parlementaires qui ont insisté sur la nécessité de prendre en compte les retraités actuels, ceux qui ont une carrière complète au smic seront intégrés au projet de revalorisation. Ce qui touchera près de 2 millions de petites retraites, poursuit le gouvernement.

Ouverts depuis le 6 février, les débats prendront fin à l’Assemblée nationale le 17 février. La chambre votera-t-elle le projet de loi ? Celui-ci fera-t-il l’objet d’un 49.3 ? Il sera en tout cas soumis au Sénat à la fin du mois pour passage en commission avant d’être discuté en séance dès le 6 mars, puis d’être étudié en commission mixte paritaire. En attendant, les débats promettent d’être toujours plus houleux.

Olivia Vignaud 

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