Issue des cabinets PS, passée par les ministères des Transports, de l’Environnement et du Travail, Élisabeth Borne succède à Jean Castex au poste de premier ministre. La cérémonie de passation est imminente.

Depuis le 24 avril, date de réélection d’Emmanuel Macron, c’était une quasi-certitude : la personne qui succèdera à Jean Castex sera une femme. Les noms se sont succédés : Catherine Vautrin, Audrey Azoulay, Christelle Morançais, Carole Delga... C’est finalement Elisabeth Borne qui décroche le graal. La passation de pouvoir officielle est prévue pour 19 heures. Un choix qui, pour l’exécutif, semble dicté par la raison.

Une femme classée à gauche

Durant son premier quinquennat, Emmanuel Macron a nommé deux premiers ministres issus de la droite. Pour un président qui souhaite incarner le "en même temps", le choix de placer une personnalité venue de la gauche à Matignon semble s’imposer. Cela permettrait également d’attirer des profils issus de la social-démocratie qui voient d’un très mauvais œil l’alliance entre socialistes et LFI. Coup de chance, Élisabeth Borne est cataloguée à gauche. Certes, elle n’a jamais été encartée au parti à la rose. Mais la polytechnicienne a passé une bonne partie de son parcours dans des cabinets PS. Elle a ainsi été conseillère technique en charge des transports à Matignon sous Lionel Jospin, a travaillé auprès de Jack Lang au ministère de l’Éducation nationale. De 2008 à 2013, elle a également occupé la fonction de directrice générale de l’urbanisme à la mairie de Paris alors dirigée par Bertrand Delanoë. Enfin, sous le mandat de François Hollande, elle fut directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’Écologie. Son parcours dans les arcanes ministériels la rend familière des enjeux politiques et compétente sur les questions techniques et administratives (des connaissances renforcées par sa nomination au poste de préfète de la région Poitou-Charentes).

Elisabeth Borne est immédiatement opérationnelle

Cependant, son passé au gouvernement la rend immédiatement opérationnelle et apte à gouverner avec des personnes issues de la droite. Inversement, Catherine Vautrin, autre nom évoqué, aurait suscité le rejet de l’aile gauche incarnée, notamment, par Territoires de Progrès. Mouvement politique dont elle est par ailleurs adhérente.

Connaissance du monde de l’entreprise

Il y a quelques années encore, les ministres venus du secteur privé étaient regardés avec circonspection. Les passages de Thierry Breton ou Christine Lagarde à Bercy ont prouvé qu’il était possible de posséder un vrai sens de l’État malgré un passé de chef d’entreprise. Élisabeth Borne, pour sa part, connaît bien le monde de l’entreprise. Elle a, notamment, été directrice de la stratégie de la SNCF de 2002 à 2007 et PDG de la RATP de 2015 à 2017.

Des passages réussis dans des ministères sensibles

Élisabeth Borne est restée membre du gouvernement durant l’intégralité du quinquennat. Dans une relative discrétion, elle a pourtant occupé des portefeuilles stratégiques et est parvenue à obtenir des avancées. Titulaire du poste de ministre des Transports, elle est à la manœuvre pour mener à bien le "serpent de mer" qu’est la réforme de la SNCF : transformation du statut de l’entreprise, arrêt de recrutement au statut, reprise par l’État de la dette du groupe…

À la suite du "homardgate", elle remplace François de Rugy à la tête du ministère de l’Environnement. Un passage de moins d’un an où elle mène à bien trois lois enclenchées par ses prédécesseurs : loi énergie-climat, loi d’orientation des mobilités et loi sur l’économie circulaire. Lors de la nomination de Jean Castex en juillet 2020, elle prend la suite de Muriel Pénicaud à la tête du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion où elle récupère le dossier sensible de la réforme des retraites. Les cinq années passées lui confèrent donc une expertise sur les questions sociales et écologiques qui devraient être des piliers centraux du prochain gouvernement.

Politiquement fidèle

Même si Emmanuel Macron ne peut pas se représenter en 2027, un chef d’État souffre naturellement du "syndrome d’Iznogood". Il craint de nommer un vizir qui rêve de devenir calife à la place du calife. Cette peur est partagée par tous ceux qui espèrent occuper le palais de l’Élysée dans cinq ans. Réputée pour être une femme de dossiers plus qu’un profil obnubilé par la présidence, Élisabeth Borne ne semble pas représenter de danger politique. Ce qui explique sûrement pourquoi d’Horizons à Territoires de Progrès, ses louanges sont régulièrement tressées. Si la nouvelle hôte de Matignon n’endossera pas le rôle de "chef de file" de la majorité pour les législatives, elle prendra part à la campagne en qualité de candidate dans le Calvados. Un choix qui n’est pas un parachutage, le département étant le berceau de sa famille, son grand père ayant même été maire de Livarot.

Lucas Jakubowicz

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