La médiation connaît un développement phénoménal depuis une dizaine d’années que la crise sanitaire liée au Covid-19 a fortement renforcé.

Les modes alternatifs de règlement des conflits (Mard) permettent de déterminer pour "chaque type de conflit, son mode de solution approprié, les uns n’excluant pas les autres", selon Loïc Cadiet, professeur à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Depuis leur consécration par la loi du 8 février 1995 qui n’évoquait alors que la conciliation et la médiation judiciaire, les Mard ont évolué, se sont développés et leur usage est devenu de plus en plus fréquent. Concernant la médiation, il en existe aujourd’hui plusieurs types, dont deux principaux : la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle. La première est proposée par un magistrat qui ne peut y recourir qu’après avoir recueilli l’accord des parties lorsque, dans le cadre d’une procédure judiciaire, il considère qu’elle serait opportune. De son côté, la médiation conventionnelle, créée par le décret du 20 janvier 2012, se fait en dehors de toute procédure judiciaire et consiste en ce que les deux parties trouvent un accord avec l’aide d’un tiers qu’elles choisissent. Elle est initiée à la demande des entreprises, soit parce qu’une clause du contrat à l’origine du différend la prévoit, soit parce qu’elles choisissent d’y recourir expressément et librement.

"L’épidémie de Covid-19 et ses conséquences ont renforcé le développement de la médiation."

Une prise de conscience collective de l’utilité de la médiation

"La médiation, c’est l’avenir ", déclare Caroline Prunières, associé du cabinet Lexymore. Depuis plusieurs années, les avocats observent le développement considérable de la médiation et constatent l’effet positif de ce mode de règlement des différends pour leurs clients. Cette solution permet d’aboutir, dans la plupart des cas, à un accord bénéfique pour les deux parties et parfois même à des partenariats entre deux entreprises qui au départ étaient en désaccord total. C’est la raison pour laquelle ce processus devient une priorité dans la pratique de nombreux avocats en contentieux des affaires qui le proposent en premier lieu à leurs clients. Cela permet d’éviter le procès et ses aspects négatifs (coût, lenteur des procédures, risques réputationnel…) 

L’épidémie de Covid-19 et ses conséquences ont renforcé le développement de la médiation. Pendant le premier confinement, les tribunaux ont brutalement cessé toute activité. La négociation a donc été la seule solution pour les avocats en contentieux de continuer à exercer leur activité et pour les parties de régler leurs litiges. "Nos quelques clients qui n’étaient pas encore convaincus de l’intérêt des Mard en ont eu la démonstration évidente avec la crise : il s’agissait pour eux du seul moyen de s’emparer des dossiers et de les faire vivre alors que tous les tribunaux étaient à l’arrêt", souligne Mathilde Lefranc Barthe, associée du cabinet Winston & Strawn. Au-delà du contexte de fermeture des tribunaux, la médiation est très efficace en contentieux des affaires. "En contentieux commercial, nous sommes là pour relancer le business et l’économie et ce n’est pas rentable de s’engager dans une procédure qui risque de durer quatre ans", explique Dessislava Zadgorska-Mathon, associée du cabinet Velvet Avocats. 

La négociation a par ailleurs un effet très bénéfique sur les parties, notamment sur leur implication dans le règlement de leur litige. Cela leur permet d’avoir un rôle beaucoup plus actif que devant les tribunaux, et de voir l’autre partie différemment, pas seulement comme un adversaire. "Les modes alternatifs aident les clients à être acteurs de l’issue de leur litige et à réfléchir différemment, alors que dans un dossier contentieux classique, ils sont spectateurs du débat et subissent l’aléa judiciaire", complète Anne-Carine Ropars-Furet, associée chez Winston & Strawn.

Les mesures d’aide mises en place pendant la crise

Par ailleurs, différentes mesures ont été mises en place pour faciliter la médiation pendant la crise sanitaire. L’une d’elles existait déjà, mais a pris une grande ampleur avec le Covid-19 : le médiateur des entreprises, qui aide gratuitement les chefs d’entreprise à trouver des solutions à tout type de différends qu’ils peuvent rencontrer avec une autre entreprise ou administration. "Au plus fort de la crise, notre activité a effectivement été multipliée par dix. Nous avons d’ailleurs été saisis et sollicités plus de 5 000 fois entre le 16 mars et 16 juin 2020 !", précise Nicolas Mohr, directeur général du médiateur des entreprises depuis 2011.

Ces nombreuses demandes viennent en premier lieu des secteurs les plus touchés par le ralentissement économique : l’hôtellerie-restauration et le commerce, en grande partie des TPE et PME en difficulté face à des litiges occasionnés par la situation. De son côté, le CMAP s’est également mobilisé en proposant des médiations gratuites pour les litiges ne dépassant pas la somme de 50 000 euros.

"Si la médiation ne s’appliquait auparavant qu’aux petits contentieux, elle intervient aujourd’hui dans des dossiers à forts enjeux."

Une explosion de la médiation observée par le CMAP

La particulière explosion de la médiation, qui s’observe depuis quelque temps maintenant, s’est vue confirmée par le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP). Pour Bérangère Clady, directrice du pôle Mard, si la médiation ne s’appliquait auparavant qu’aux petits contentieux, elle intervient aujourd’hui dans des dossiers à forts enjeux. Elle s’applique dans le cadre de l’exécution des contrats, de l’insertion de clauses contractuelles, de la rupture des relations commerciales ou encore de l’inexécution contractuelle, et ce, dans de nombreux secteurs d’activités. On constate une augmentation particulièrement significative du nombre de dossiers concernant la concurrence et la distribution de franchises.

La médiation tant conventionnelle que judiciaire a par ailleurs pris de l’ampleur dans les secteurs de la construction, de la copropriété et de l’immobilier. Ce mode alternatif de règlement des différends devient incontournable grâce à la réponse qu’il apporte au besoin d’anticipation des entreprises qui n’attendent plus la naissance d’un litige pour réagir : cette année, 60 % des dossiers du CMAP découlent d’une clause de médiation mise en place dans un contrat. À l’issue du premier confinement, de nombreux cabinets d’avocats se sont notamment rapprochés du centre parisien en ayant pour objectif de travailler de façon régulière avec lui.

La médiation à distance en développement

"Quand il y a une absolue nécessité de régler le litige, les Mard permettent d’aller plus vite et d’être très efficaces, même à distance", déclare Mathilde Lefranc Barthe. Pendant le premier confinement, les médiations se sont tenues en visioconférence. Bérangère Clady explique que l’activité du Centre de médiation et d’arbitrage de Paris a été maintenue grâce aux outils de médiation en ligne dont il s’est doté. "Le CMAP n’était pourtant pas habitué à cet exercice : nous pensons que le meilleur de la médiation ressort des réunions qui ont lieu en présentiel. Toutefois, le recours obligatoire à ce nouveau mode de communication a changé la donne. J’ai assisté à la plupart des médiations et celles-ci étaient d’une grande qualité", souligne-t-elle. Les entreprises ont ainsi pu poursuivre les médiations en cours, mais également en déclencher de nouvelles. Cela a demandé une grande organisation au centre, et notamment la mise en place de sessions de simulation pour les médiateurs n’étant pas habitués à la visio-conférence.

Le passage obligatoire aux nouveaux modes de communication a donné lieu à de nouveaux projets pour le CMAP qui travaille aujourd’hui en collaboration avec le ministère de la Justice sur la digitalisation des plateformes Mard. Le but du groupe de travail est d’encadrer ces plateformes en ligne pour qu’elles offrent la même qualité de service que ce qui est proposé en présentiel. L’accent est mis sur la sécurité informatique et sur la place du médiateur et de l’arbitre en tant que personne. Les cibles sont la sécurité des échanges et des données. Mais attention, ces plateformes ne doivent pas devenir des algorithmes de résolution des litiges en ligne : une supervision humaine doit toujours exister.

Cette période de crise sanitaire a donc fait évoluer la vision du CMAP sur le processus de médiation, initialement réticent à une large utilisation de la visio-conférence. "Nous pensons que le format hybride mixant présentiel et distanciel va se développer, notamment dans les dossiers internationaux", conclut Bérangère Clady.

Clémentine Locastro

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