Deux avocats spécialisés en droit pénal, Kiril Bougartchev, fondateur et associé de Bougartchev Moyne, et Edward Huylebrouk, avocat au sein du cabinet, ont analysé et commenté les plaintes déposées par Fabrice di Vizio. Ces deux secrétaires de la Conférence ont produit le décryptage suivant pour les lecteurs de Décideurs Magazine.

L'analyse par Kiril Bougartchev et Edward Huylebrouck :

« Nos commentaires sur les trois actes établis, à la fin du mois de mars, par notre Confrère Fabrice Di Vizio dans l’intérêt de plusieurs professionnels de santé ».

Les deux plaintes pénales

Une première plainte pénale, dirigée contre Edouard Philippe, ès qualité de Premier ministre, et contre Agnès Buzyn, ès ancienne qualité de ministre de la Santé et des Solidarités, aurait été adressée le 19 mars 2020 à la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR). Le Procureur de la République de Paris aurait été saisi d’une seconde plainte en date du 26 mars 2020. Celle-ci est dirigée contre X pouvant être Jérôme Salomon, directeur général de la santé. Ces deux plaintes, qui se fondent sur un argumentaire quasiment identique, ont été déposées pour le compte des docteurs Emmanuel Sarrazin, Philippe Naccache et Ludovic Toro. Elles appellent les observations suivantes.

Dans la version qui nous a été transmise, la plainte déposée auprès de la Commission des requêtes de la CJR porte uniquement la signature de l’avocat, ce qui la rend irrecevable. En effet, la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République prévoit en son article 13 que « sous peine d'irrecevabilité, la plainte portée auprès de la commission des requêtes (…) doit être signée par le plaignant ». Une telle signature ne peut être déléguée par le plaignant à son avocat.

La signature de la plainte ne peut être déléguée par le plaignant à son avocat.

L’une et l’autre plaintes ont le mérite de la simplicité puisqu’elles sont articulées autour d’une seule infraction : le délit d’abstention volontaire de combattre un sinistre de l’article 223-7 du code pénal. Ce délit est puni d’une peine maximale de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Les autres plaignants ayant saisi la CJR ont manifestement fait feu de tout bois. En dehors de ce délit, ils ont pu recourir, selon le cas, à d’autres qualifications, comme la mise en danger délibérée de la vie d’autrui (art. 223-1 du code pénal), ou des délits réprimés plus sévèrement, comme la non-assistance à personne en danger (art. 223-6 alinéa 2 du code pénal) et l’homicide involontaire (art. 221-6 du code pénal), dont la sanction peut atteindre 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Toutefois, la qualification légale choisie par les plaignants ne lie ni la commission des requêtes de la CJR, ni le procureur de la République, lesquels peuvent donner aux faits dénoncés une qualification leur paraissant plus exacte.

Les trois médecins à l’origine des plaintes susvisées ne précisent pas s’ils agissent en qualité de victimes des infractions dénoncées ou en qualité de tiers dénonciateurs. Ils n’allèguent pas être atteints du Covid-19. L’un urgentiste à Montpellier (34), les deux autres généralistes à Tours (37) et Coubron (93), ne prennent pas non plus la peine d’évoquer leur situation personnelle ou de décrire de manière concrète les dangers auxquels ils sont exposés dans leur environnement professionnel immédiat (cabinet, établissement de santé).

Force est de constater que ces plaintes, dont l’objet est de révéler des faits infractionnels à l’autorité judiciaire, apparaissent moins l’œuvre de victimes que de tiers dénonciateurs ayant eu simplement connaissance des faits en cause. Ce constat trouve écho dans la déclaration de l’avocat d’un autre plaignant, qui précisait que « l’objet de la plainte, c’est avant tout l’ouverture d’une enquête » (France Info, 31 mars 2020).

Le statut de victimes des plaignants est loin d’être démontré

A supposer qu’une enquête préliminaire soit lancée par suite des deux plaintes en cause ici, il sera difficile pour les plaignants de prendre une part active dans la suite de la procédure. S’agissant de la plainte déposée auprès de la commission des requêtes de la CJR, le rôle des plaignants s’arrête là puisqu’aucune constitution de partie civile ne peut être reçue par la CJR : une victime ne peut faire valoir son droit à réparation à raison des faits dénoncés que devant les juridictions de droit commun (civiles ou administratives). S’agissant de la plainte adressée au Procureur de la République de Paris, plusieurs scénarii sont envisageables. Soit, convaincu par la thèse des plaignants, il décide de confier le dossier à un juge d’instruction ou de poursuivre directement le ou les protagonistes identifiés devant le tribunal correctionnel, ou encore de proposer à ceux-ci une mesure alternative aux poursuites. Dans ce cas, les plaignants pourraient chercher à se constituer partie civile. Soit le Procureur, peu « convaincu » par la plainte, décide de rester passif ou de la classer sans suite. Dans ce cas, les plaignants pourraient chercher à provoquer la mise en mouvement de l’action publique par citation directe ou par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction. Dans les deux cas, l’éventuelle constitution de partie civile des trois médecins devra être finement argumentée pour être recevable. L’accès à la qualité de partie civile est en effet réservée aux victimes directes de l’infraction, qui ont personnellement souffert du dommage causé par celle-ci.

Or, non seulement le statut de victimes des plaignants est loin d’être démontré mais encore la rhétorique punitive qu’ils ont choisie ne manque pas d’interroger sur les motivations réelles ayant présidé à leur démarche. « Le docteur Emmanuel Sarrazin, le docteur Philippe Naccache et le docteur Ludovic Toro entendent voir sanctionnés Monsieur Edouard Philippe, Premier ministre en exercice, mais également Madame Agnès Buzyn, ancien ministre de la Santé et des Solidarités » (page 6). Le rôle d’un tiers dénonciateur ou d’une victime dans le procès pénal n’est jamais de lever sur le ou les mis en cause le bras vengeur de la société. La juste place du tiers dénonciateur est celle d’un témoin, qui n’est pas partie à la procédure mais qui peut être entendu par la justice quand celle-ci le convoque. La juste place de la victime est de rechercher la réparation du dommage qu’elle a subi du fait de l’infraction commise. Pour ce faire, elle peut être amenée à soutenir l’action publique et la démonstration de la culpabilité du prévenu ; elle est en revanche malvenue à solliciter des « sanctions ».

Les plaignants semblent avoir pris le parti de s’ériger en représentants du corps médical devant l’autorité judiciaire, défendant – sans distinction – la cause des « médecins exerçant sous la forme libérale », qui « n’ont constaté la livraison d’aucun de ces 15 millions de masques » (page 4 des plaintes). Non contents de plaider la cause de l’homme en blanc, ils paraissent également endosser celle de la nation bleu blanc rouge : en atteste le passage où ils dénoncent l’insuffisance des mesures prises par les autorités françaises dans le cluster de l’Oise (page 13), alors même qu’aucun d’entre eux n’est établi dans ce département ni même dans une zone limitrophe.

C’est oublier l’espace d’un instant que « nul ne plaide par procureur »

C’est oublier l’espace d’un instant que « nul ne plaide par procureur ». La représentation en justice d’intérêts collectifs ne s’improvise pas, même quand elle a trait à une matière aussi essentielle que la santé publique ; elle est soigneusement organisée par les articles 2-1 à 2-24 du code de procédure pénale. Il est plus difficile – et c’est heureux – d’activer le levier de la poursuite pénale que le bouton d’envoi de pamphlets électroniques. Pour être établi, le délit d’abstention volontaire de combattre un sinistre doit satisfaire à des conditions très strictes.

La première condition est l’existence d’un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes. Le terme « sinistre » n’est défini ni par la loi, ni par la jurisprudence. Si le dictionnaire Larousse y voit un « événement catastrophique qui entraîne des pertes importantes », le dictionnaire Le Robert est plus restrictif : c’est un « événement catastrophique naturel, qui occasionne des dommages, des pertes (incendie, inondation, naufrage, séisme, etc.) ». Les sinistres envisagés par la doctrine se limitent également aux catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations) et aux incendies, qu’ils soient d’origine imprudente, accidentelle ou criminelle. Le droit pénal étant d’interprétation stricte, il n’est pas certain qu’une épidémie de virus tels que le Covid-19 entre dans l’acception du terme « sinistre ».

La deuxième condition est l’abstention de prendre ou de provoquer les mesures permettant de combattre le sinistre. Ici, les critiques dirigées contre les gouvernants ressortent clairement des plaintes à l’étude :

1) l’absence de dépistage systématique, pourtant « hautement recommandé par l’OMS ». L’objet n’est pas ici de discuter du bien-fondé du dépistage systématique mais d’évaluer la solidité du grief tel qu’il est formulé dans les plaintes. Or, ce grief est assez mal portant car il souffre d’anachronisme : il est reproché à l’Etat français de ne pas avoir mis en œuvre, « avant le 13 mars 2020 », des mesures recommandées par le directeur général de l’OMS « lors de son point presse du 16 mars 2020 » (page 12). Ce serait confondre un défaut de préparation avec un défaut de science divinatoire …

2) l’absence de confinement strict des clusters ou pôles de contamination. Non seulement la démonstration fait ici le pari plutôt audacieux de citer l’Italie en exemple, mais elle est incomplète. Est d’abord proposée une analyse comparative des mesures de confinement prises dans deux provinces de Lombardie où des cas de Covid-19 étaient apparus simultanément. Chiffres à l’appui, il est ensuite allégué que, trois semaines plus tard, le nombre de cas de Covid-19 dans la province la plus laxiste représentait le double de ceux identifiés dans la province la plus stricte. Point d’orgue de la démonstration : les mesures de confinement prises dans le cluster de l’Oise n’étaient pas « comparables » à celles prises dans la province italienne la plus vertueuse. C’est bien la preuve, croit-on, que les membres du gouvernement français ont « favorisé la propagation du Covid-19 ». La preuve étant tenue pour rapportée, il n’était apparemment pas nécessaire de s’interroger sur l’évolution du nombre de cas dans l’Oise. Voilà un commencement de preuve plus que balbutiant …

3) l’insuffisance des stocks de masques. La démonstration d’une défaillance étatique apparaît ici plus convaincante, l’actuel Ministre de la santé ayant reconnu une réduction des stocks au cours des dernières années. Mais est-ce à dire qu’une autorité de poursuite pourrait, sur cette seule base, réclamer des sanctions pénales à l’encontre de membres du gouvernement ou du Directeur général de la santé ? La manière dont les plaignants ont justifié le recours à la justice pénale est bancale : « en des circonstances normales, de telles erreurs ne seraient pas sanctionnées pénalement mais en l’état du risque que l’épidémie de Covid-19 fait peser sur les populations, on peut légitimement s’interroger sur la qualification pénale à donner à cette négligence fautive » (page 14). Autrement dit, la loi pénale en temps de crise ne devrait pas être la même qu’en temps normal. A suivre les plaignants, l’action d’un ministre qui n’a jamais constitué autre chose qu’une négligence devrait accéder au rang d’infraction pénale dès lors qu’elle fait peser un risque grave sur la population. Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère est ici touché en plein cœur …

La troisième condition est le caractère volontaire de l’abstention. C’est ici que l’établissement de l’infraction atteint son plus haut degré d’exigence : il s’agirait de prouver que les personnes visées par les plaintes avaient conscience de la gravité du danger et, tout en disposant des moyens d’actions, ont délibérément choisi de ne pas les exercer. En d’autres termes, une volonté assumée de se croiser les bras, qui confine à l’indifférence. A cet égard, il est piquant de relever que les plaignants ont évoqué à plusieurs reprises une « négligence » (pages 14 et 16, cf. aussi le communiqué du cabinet di Vizio du 19 mars 2020) des membres du gouvernement et du Directeur général de la santé, alors même qu’il leur revenait de combattre cette qualification pour souligner le caractère intentionnel des agissements dénoncés. Ces erreurs de plume révèlent-elles un acte manqué ou une simple … négligence ?

En première analyse, la qualification d’abstention volontaire de combattre un sinistre apparaît ici à contre-emploi. Rappelons que c’est une infraction très rarement utilisée par les juges, qui ne lui ont trouvé d’utilité qu’en matière d’incendie. C’est notamment l’hypothèse d’un fumeur qui, après s’être endormi en oubliant d’éteindre sa cigarette et avoir causé un incendie, a pris la fuite en découvrant le feu à son réveil tout en omettant d’alerter les pompiers et ses voisins d’immeuble (Cour d’appel de Paris, 25 octobre 2005, n° 05/03128).

Le dépôt d’une plainte pénale est un acte tout sauf anodin, qui n’est pas sans risque pour le plaignant

En élargissant l’angle de vue, on relèvera que ces plaintes s’inscrivent dans une nébuleuse d’actions de contestation dont le degré d’élaboration est pour le moins variable. Corollaires de ce mouvement, des modèles de plainte en ligne à l’attention de membres du personnel médical et de particuliers (malades/non malades), font florès, notamment sur la plateforme plaintecovid.fr créée à cet effet. Rappelons tout de même que le dépôt d’une plainte pénale est un acte tout sauf anodin, qui n’est pas sans risque pour le plaignant. Serait-il de mauvaise foi, il s’expose à des poursuites pour dénonciation calomnieuse – en ce qu’il aurait dirigé de fausses accusations contre une personne déterminée – ou pour dénonciation mensongère – en ce qu’il aurait dénoncé à l’institution judiciaire des infractions imaginaires et aurait amenée celle-ci à d’inutiles recherches pour en confirmer l’existence ou en identifier les auteurs. Ferait-il preuve de légèreté, le plaignant s’expose à une action indemnitaire de la personne accusée à raison de sa dénonciation téméraire.

La sommation interpellative

Le 27 mars 2020, un collectif de 92 professionnels de santé (se désignant sous le nom de « Collectif C-19 »), représenté par notre confrère Fabrice Di Vizio, a fait délivrer par voie d’huissier de justice, une sommation interpellative à Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, et à son délégué aux Affaires juridiques, Arnaud Deloffre.

Ceux-ci étaient sommés de communiquer :

- la copie des contrats d’achat de masques conclus par l’Etat depuis le 20 décembre 2019 et des bons de commandes y afférents,

- la copie des contrats relatifs au tests de dépistage du Covid-19 conclus par l’Etat depuis le 20 décembre 2019.

En droit civil, la sommation interpellative est un moyen mis à la disposition du créancier dans le cadre du recouvrement de sa créance. C’est un acte d’huissier de justice par lequel ce dernier va poser, pour le compte de son requérant, une ou plusieurs questions et solliciter des réponses. L’acte est préparé à l’avance, ce qui empêche l’huissier d’improviser des questions en cours d’interpellation. A l’issue de l’interpellation, une copie de l’acte contenant les réponses de l’interpellé ou indiquant son refus de répondre est immédiatement remise à ce dernier. La sommation interpellative a la valeur d’un simple témoignage.

En l’espèce, la sommation interpellative appelle les observations suivantes. 

La sommation interpellative est ici totalement détournée de son objet. Tout d’abord, une sommation vise en principe à poser des questions à l’interpellé et à recueillir ses réponses. En l’espèce, aucune question n’est formulée ; seule la communication de documents est sollicitée.

Ensuite, la sommation est généralement utilisée par le créancier comme un outil précontentieux pour démontrer la réalité de sa créance. Soit, il interpelle directement le débiteur pour connaître sa position sur la créance, jusqu’à obtenir parfois un aveu de sa part, notamment à la faveur de l’effet de surprise provoqué par la venue d’un huissier. Soit, le créancier interpelle un tiers qui détient des informations utiles sur sa créance mais semble réticent à rédiger une attestation en sa faveur.

Le collectif à l’origine de la sommation interpellative a manifestement choisi de mettre en œuvre de manière originale la procédure prévue par la loi pour l’accès aux documents administratifs (cf. Livre III du code des relations entre le public et l’administration). La première étape de cette procédure consiste à formuler la demande d’accès aux documents administratifs auprès de l’administration qui les détient. Cette demande intervient généralement par e-mail ou par LRAR. Mais rien ne s’oppose à ce que la demande soit orale ou prenne des formes plus créatives, comme la sommation interpellative en cause.

Lors de sa venue au ministère de la Santé le 27 mars 2020, l’huissier de justice s’est vu indiquer qu’une réponse lui serait faite par e-mail sous 48 heures. Il est vraisemblable qu’aucune réponse ne lui ait été adressée dans ce délai, qui est désormais largement écoulé. Le refus de répondre n’est pas sanctionné. En cas de silence prolongé du ministre pendant 2 mois, les 92 professionnels de santé pourraient saisir pour avis la Commission d’accès aux documents administratifs. En cas de refus persistant du ministre de communiquer les documents sollicités, un recours contentieux est envisageable devant le tribunal administratif.

Pour poursuivre la lecture :

- La plainte pénale du 19 mars dirigée contre Edouard Philippe et Agnès Buzyn : https://www.magazine-decideurs.com/news/plainte-aupres-de-la-commission-des-requetes-de-la-cour-de-justice-de-la-republique

- La plainte du 26 mars portée contre X : https://www.magazine-decideurs.com/news/plainte-aupres-du-procureur-de-la-republique-pres-le-tribunal-judiciaire-de-paris

 

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