Un collectif de plus de 600 médecins et professionnels de santé porte plainte contre Agnès Buzyn et Édouard Philippe pour abstention volontaire. Un moyen de pression exercé sur le gouvernement, en pleine crise sanitaire du Covid-19.

Désemparés face à des conditions de travail extrêmement difficiles, les professionnels de santé sortent la carte de l’arme judiciaire. Ils portent plainte contre le chef du gouvernement, Édouard Philippe, et l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzyn. En pleine épidémie de Coronavirus, la plupart d’entre eux déplorent des capacités d’accueil insuffisantes pour les patients atteints du virus dont le nombre va toujours croissant et l’exposition quotidienne au risque de contamination des soignants en raison notamment de la pénurie de masques de protection. La colère monte et des voix s’élèvent au point de provoquer ce passage à l’action le 19 mars dernier : le C19, un collectif de 600 médecins et soignants, fondé par Philippe Naccache, Emmanuel Sarrazin et Ludovic Toro, dénonce l’inertie gouvernementale en invoquant l’article 223-7 du code pénal relatif à l’infraction d’abstention volontaire. C'est d'ailleurs au nom de ce collectif que ces trois médecins ont déposé plainte.

Abstention volontaire

Pour comprendre la notion d’abstention volontaire invoquée contre le gouvernement, il convient de remonter au 17 mars dernier, date à laquelle Agnès Buzyn déclarait au journal Le Monde avoir eu une connaissance préalable des difficultés de la France à faire face au scénario épidémique auquel elle est aujourd’hui confrontée. « En quittant le ministère, je savais que la vague du tsunami était devant nous », confiait l’ancienne ministre. Une révélation choc, en pleine campagne des élections municipales auxquelles elle s’est portée candidate sous l’étiquette LREM en remplacement de Benjamin Griveaux. Le milieu médical l’assimile à un manque de préparation et d’action pour freiner l'arrivée de l'épidémie en France, alors même que le gouvernement avait connaissance du danger encouru.

"Dans ce contexte de crise épidémique, le recours à la justice fait office de moyen de pression du médical sur le politique"

Pour mener à bien son action, le collectif des 600 plaignants, représenté par l’avocat spécialiste des médecins libéraux Fabrice di Vizio, a saisi la Cour de justice de la République, « la seule juridiction habilitée à juger les actes commis par les membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions », explique l’avocat. Concrètement, le chef du gouvernement et l’ancienne ministre de la Santé sont poursuivis sur le fondement de l’article 223-7 du code pénal, lequel dispose que « quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ». Une infraction qui correspond, selon l’avocat, à la situation : « Le besoin impérieux de confession d’Agnès Buzyn aux médias a révélé l’impréparation du gouvernement à affronter la crise sanitaire, alors qu’en parallèle Emmanuel Macron et Édouard Philippe se montraient très rassurants vis-à-vis de Français », analyse Fabrice di Vizio. En s’appuyant sur les révélations d’Agnès Buzyn, la Cour de justice de la République devra décider de l’opportunité d’ouvrir une enquête. « La plainte va suivre le schéma d’une procédure classique. Si la Cour de justice saisit la commission de l’instruction, cette dernière entendra les requérants, les prévenus, puis instruira le dossier », précise l’avocat des plaignants. Le prononcé de l’ouverture de cette enquête ne sera connu, dans le meilleur des cas, que d’ici à trois mois.

La justice comme moyen de pression

Cette nouvelle action en justice fait écho à celle engagée le 4 mars dernier devant le tribunal administratif de Paris par des médecins libéraux dans le cadre d’une saisie en référé. Avant même la tenue de l'audience, le gouvernement réagissait en promettant la fourniture de masques, qui arrivent encore en quantité insuffisante aujourd’hui. « Dans ce contexte de crise épidémique, le recours à la justice fait office de moyen de pression du médical sur le politique », explique Fabrice di Vizio. Des actions qui en appelleront sûrement d’autres, bien que, le 23 mars, le Conseil d'État eût débouté le syndicat Jeunes Médecins de sa demande d'un confinement total des citoyens par un référé-liberté. La plus haute juridiction administrative a néanmoins enjoint au gouvernement de préciser la portée de certaines interdictions actuellement mises en place. Alors que le décès d’un deuxième médecin ayant contracté le virus du Covid-19 a été annoncé, la crise sanitaire risque de prendre un autre tournant du point de vue judiciaire. « Si une nouvelle action est intentée, le motif invoqué contre le gouvernement sera cette fois l’homicide involontaire », prévient Fabrice di Vizio, une infraction punie par l’article 221-6 du code pénal de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, portés à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende « en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». De quoi inciter les pouvoirs publics à renforcer davantage les mesures de précaution imposées aux Français pour endiguer l’épidémie.

Marine Calvo

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