Si les fonds diversifiés flexibles patrimoniaux ne délivrent plus la performance attendue, serait-ce parce que les méthodes habituelles de construction de portefeuilles ne sont plus adaptées à notre monde en pleine mutation ?

Ces dernières années, les performances de la très grande majorité des fonds patrimoniaux flexibles et diversifiés ont été très souvent fortement en dessous des attentes. Ces fonds sont aujourd’hui boudés par les investisseurs. C’est que nous vivons une période de profonde transformation du monde, et des marchés financiers, qui en sont une image : digitalisation, gaz et huiles de schiste, monnaies, taux négatifs. La déception des fonds patrimoniaux est le signe que les méthodes de construction de portefeuille sont devenues obsolètes. Voici ce qui a changé, et quelques concepts fondamentaux, pour inventer une gestion patrimoniale qui réponde aux enjeux modernes de l’épargne.

La re-corrélation des classes d’actifs

L’importance des attentes autour des banques centrales a engendré un phénomène nouveau, qui est la re-corrélation des classes d’actifs. Les obligations montent, et baissent, désormais, en même temps que les actions. Ceci est en réalité une conséquence de la plus importante modification de l’économie mondiale en cette dernière décennie: la disparition de l’inflation, due notamment à la digitalisation, que l’on peut aussi décrire comme la possibilité d’une croissance sans inflation, ou encore, poussons le raisonnement jusqu’au bout, comme la possibilité d’un cycle économique infini. En effet, la digitalisation de l’économie permet une croissance moins consommatrice de matières premières, qui détruit encore, pour l’instant, de la valeur − par l’effet de ses « innovations de remplacement » des méthodes anciennes.

Ainsi, malgré le plein-emploi aux USA, malgré la très importante création monétaire mondiale depuis la faillite de Lehmann Brother, malgré les taux négatifs, l’inflation a quasiment disparu. C’est la vraie mort du grand Milton Friedman.

Au niveau financier, aujourd’hui, lorsque les taux baissent sur les obligations, les investisseurs anticipent que les conditions d’emprunt vont être plus favorables à la consommation et à l’investissement, et que les flux vont être favorables aux actions, et donc ils achètent des actions, pendant que les obligations montent en même temps. Les actions sont corrélées aux obligations. Le niveau des taux d’intérêt à long terme ne traduit plus les anticipations de croissance. C’est une révolution.

"En zone euro, le placement sans risque est devenu une quasi-certitude de perte"

La triple explosion du prix de la sécurité

À l’inverse exact de ce qui se passait dans l’ancien monde, les rendements des obligations bien notées en zone euro sont aujourd’hui non seulement : 1/ inférieures à l’inflation (taux réels négatifs), mais sont
2/, depuis l’été 2019, notamment, pour la plupart, à taux nominaux négatifs, et enfin, 3/ l’incertitude sur la trajectoire à venir des taux d’intérêt expose les porteurs de ces titres a des risques de perte importants, en cas de hausse, même faible, des taux d’intérêts. En zone euro, le placement sans risque est devenu une quasi-certitude de perte.

La mesure du risque d’un portefeuille est obsolète

En conséquence, les modalités préconisées par nos autorités de tutelles, d’évaluation du risque d’un placement, sont non seulement obsolètes, mais elles font prendre des risques non souhaités aux épargnants. En situation de rendements réels négatifs, de taux nominaux négatifs, et avec les risques que cela implique en cas de hausse même faible des taux d’intérêt, la classe obligataire présente structurellement des risques pour l’épargnant : on ne peut plus mesurer le niveau de sécurité d’un  portefeuille au pourcentage d’obligations qu’il détient.

Flash crash

Enfin, la re-corrélation des classes d’actifs amène le marché à connaître régulièrement des crash-éclairs, c’est-à-dire des moments où toutes les classes d’actifs sont vendues en même temps par les investisseurs, et rachetées juste après. Ces brutales hausses de volatilité (flash-crash) sont un risque majeur pour l’épargnant, particulièrement s’il est obligé de vendre ses titres à chaque hausse de volatilité (août 2015, en février 2016). Et l’année 2018 en a été un exemple solaire, puisque c’est la première année où, à l’échelle mondiale, toutes les classes d’actifs ont baissé en même temps. Ainsi, l’exposition aux obligations de qualité constitue désormais :

1/ un coût, en raison de rendements négatifs réels ou nominaux ;

2/ un risque, en raison de leur vulnérabilité à une hausse, même faible, des taux, et enfin,

3/ une telle exposition ne fait plus baisser le risque global d’un portefeuille, parce que les obligations tendent à baisser en même temps que les actions.

Le fondement de la diversification de la gestion patrimoniale diversifiée est remis en cause − c’est ce qui explique la contre-performance de la plupart des fonds patrimoniaux. Pour tenir sa promesse à l’avenir, une gestion patrimoniale moderne doit répondre à ces défis modernes. Voici quelques concepts, pour avancer.

"Le fondement de la diversification de la gestion patrimoniale diversifiée est remis en cause"

Ne parlez plus d’actions, d’obligations, mais d’items

Dans la construction d’un portefeuille aujourd’hui, l’objectif est désormais de trouver des « objets », ou des « items », dont le comportement sera un « proxy » des bonnes vieilles obligations d’antan : faible volatilité, rendement réel habituellement positif, décorrélation d’avec les actions comme les obligations. Un item peut aussi bien être un actif, qu’une façon de travailler une classe d’actif : nous parlons tantôt d’item d’actif, ou d’item de gestion. Par exemple, un fonds d’investissement en long/short actions à faible différenciation (pair trades), peut tenir de façon parfaitement adaptée le rôle que tenaient les obligations bien notées dans un portefeuille, alors qu’il s’agit exclusivement d’actions.

Parlez de volatilité normale  et de volatilité maximale d’un item

Les flash-crash, induits par la recorrélation des actifs, sont des situations dans lesquelles des actifs à faible volatilité connaissent une hausse brusque, mais temporaire, de leur volatilité. Cela n’en fait pas par nature des actifs risqués. Distinguer la volatilité normale et maximale d’un item permet de ne pas obliger les sociétés de gestion à se défaire au plus bas d’items, qui remonteront juste après (comme en août 2015, février 2016, ou au dernier trimestre 2018…), et de protéger l’épargnant.

La différence entre les actions  et les obligations n’est plus pertinente

Divisez votre portefeuille en « items à faible volatilité », et « items à forte volatilité », qui pourront tous deux détenir des actions, des obligations, des fonds… La pondération entre les deux selon les moments de marchés expliquera 70 % de la performance d’un  portefeuille.

La liquidité devient un risque essentiel

Nous voyons de plus en plus d’intervenants se réfugier en se jetant dans la gueule du loup dans les actifs réels non cotés (immobilier, foncier, private equity). Nous pensons que la volatilité des marchés est moins un risque que la liquidité des items, surtout dans des marchés où les investisseurs vendent au même moment toutes les classes d’actifs. Voici quelques concepts fondamentaux, que nous utilisons depuis près d’une décennie, et qui, nous l’espérons, permettront de renouveler la gestion patrimoniale, pour lui permettre de tenir sa double promesse de protection du capital et de performance dans la durée au service de l’épargnant. 
 

Christophe Brochard, président, Groupe Quinze - Gestion Privée

Président du Groupe Quinze - Gestion Privée, philosophe de formation, Christophe Brochard est conseil en investissement financier, gestionnaire de fortune, et passionné par l’observation du monde. Il a remporté en mai 2016 le concours du meilleur sélectionneur de fonds, organisé par la revue  les Échos-Investir. Par ailleurs, il enseigne en Master II à l’Université de droit de Strasbourg, ainsi  qu’à l’ESEIS pour les Mandataires Judiciaires pour les Majeurs Protégés. Soucieux de l’avenir  de la profession, il est Secrétaire Général de la Compagnie des IAS au sein de la Compagnie des CGP-CIF.

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