Poussée par la consécration du télétravail avec la pandémie de Covid-19, la recherche toujours plus avancée de qualité de vie au travail conduit désormais les entreprises à envisager la semaine de quatre jours. Entre conciliation entre vie personnelle et professionnelle des salariés d’un côté, et intérêt de l’entreprise de l’autre, quel équilibre trouver ?

Les discussions autour de la semaine de travail de quatre jours ont été ravivées par la pandémie mondiale de Covid-19, salariés et employeurs repensant à l’importance de la flexibilité du lieu de travail et des avantages sociaux. L’idée est simple : les salariés travailleraient quatre jours par semaine tout en recevant le même salaire et en bénéficiant des mêmes avantages, avec la même charge de travail.

La semaine de quatre jours, un avantage ou un inconvénient ?

Des avantages :

  • améliorer la rentabilité ;
  • attirer les talents ;
  • favoriser la flexibilité ;
  • économiser de l’énergie ;
  • éviter les licenciements ;
  • accroître l’activité en organisant des équipes alternantes et chevauchantes ;
  • compenser un gel des salaires pour certaines entreprises ;
  • permettre un meilleur équilibre vie personnelle
  • vie professionnelle ;
  • réduire les trajets domicile-lieu de travail ;
  • permettre l’exercice à temps partiel d’une autre activité professionnelle.

Et des inconvénients :

  • un rythme difficilement soutenable ;
  • une baisse des interactions sociales ;
  • la limitation des heures supplémentaires ;
  • l’incompatibilité du dispositif avec certains secteurs d’activité ;
  • l’impact sur la santé du salarié.

La semaine de quatre jours, aussi pour les managers ?

Si la mise en place de la semaine de travail de quatre jours ne pose pas de difficultés particulières, outre celles déjà mentionnées, pour les salariés soumis à la durée légale du temps de travail (35 heures), la situation est tout autre pour les managers, et ce, à deux égards.
En premier lieu, les managers sont pour la plupart soumis à un forfait annuel en jours. Bien que la mise en place de la semaine de quatre jours ne pose pas de difficultés juridiques à proprement parler, ces salariés peuvent néanmoins avoir le sentiment d’être moins bien traités que leurs collègues. Pour pallier ce déséquilibre, certains accords collectifs octroient ainsi aux salariés soumis au forfait des autorisations d’absence supplémentaires, pour leur permettre d’effectuer des démarches ou de faire face à des obligations familiales. Cette option, si elle est satisfaisante pour le salarié, peut amener l’entreprise à se poser la question suivante : la réduction du forfait peut-elle décemment se faire sans baisse de la rémunération ?

En second lieu, la mise en place de la semaine de quatre jours peut poser des difficultés plus pratiques : dans les entreprises qui n’auraient pas déterminé un jour fixe de fermeture, comment coordonner les équipes et permettre un management efficace alors que les salariés ne travaillent pas simultanément ?

La semaine de quatre jours, comment la mettre en place ?

Cette organisation du temps de travail peut être mise en place de trois manières. Dans tous les cas, le comité social et économique devra être consulté dans le cadre de ses attributions en matière de durée du travail et en cas de mise à jour du DUERP qui devra être effectuée lors de l’évaluation des risques liés à la mise en place de la semaine de quatre jours. De même, il est recommandé d’effectuer un suivi, notamment grâce à une liste d’indicateurs (satisfaction de la clientèle, absentéisme, turnover, chiffre d’affaires et rentabilité, etc.) et de mettre en place un comité de suivi.

1- Par accord collectif

En premier lieu, et dans le but de nourrir le dialogue social, la voie privilégiée est naturellement celle de l’accord collectif. La mise en place de la semaine de quatre jours par accord suppose néanmoins de vérifier, au préalable, s’il existe, dans la convention collective de branche, des dispositions relatives à la répartition des horaires hebdomadaires. En effet, il faut avoir à l’esprit que, contrairement à la plupart des autres dispositions relatives à la durée du travail, les modalités de répartition fixées par la branche prévalent sur celles de l’accord d’entreprise. Par ailleurs, il peut être judicieux de prévoir soit un accord collectif à durée déterminée, soit une phase test dans un premier temps et une clause de réversibilité qui permettra de revenir à la semaine de cinq jours sous certaines conditions si les objectifs recherchés ne sont pas atteints. En effet, si la semaine de quatre jours emporte une adhésion assez large, il peut s’agir d’un schéma ne convenant pas à la société et à ses salariés. Il est donc opportun de prévoir une phase retour au schéma initial de répartition de la durée du travail.

2- Par décision unilatérale de l’employeur

En second lieu, et bien qu’il subsiste un doute sur la question, la mise en place unilatérale de la semaine de quatre jours semble possible. En effet, l’article 3 de l’ordonnance du 16 janvier 1982 prévoit que les dispositions de la loi du 2 janvier 1979 relative à la répartition de la durée du travail sont maintenues jusqu’à l’intervention de nouvelles mesures réglementaires qui n’ont toujours pas été publiées à ce jour. En conséquence, l’ancien article L. 212-2-1 du Code du travail permet à l’employeur de répartir unilatéralement la durée hebdomadaire collective de travail sur quatre jours ou quatre jours et demi.
Cependant, si l’on s’en remet à ces mêmes dispositions, l’employeur ne peut répartir unilatéralement la durée hebdomadaire de travail sur quatre jours que s’il a préalablement informé l’Inspection du travail et obtenu l’avis conforme du comité social et économique.

3- Par une simple modification des conditions de travail

Enfin, il est tout à fait possible d’imposer cette nouvelle organisation du temps de travail aux salariés sans qu’ils puissent la refuser, en considérant qu’il s’agit d’une simple modification des conditions de travail. Cela ne sera pas le cas si les horaires de travail sont contractualisés, si la durée du travail est modifiée, ou encore si cela n’est pas compatible avec les obligations familiales impérieuses du salarié.

La semaine de quatre jours, quel bilan pour les entreprises qui y ont recours ?

Même si le recours à cette nouvelle organisation du temps de travail reste, pour l’heure, anecdotique en France, s’éveille la nécessité de "repenser l’organisation du travail au regard des objectifs de sobriété", pour reprendre les mots du ministre du Travail, Olivier Dussopt, la tendance pourrait s’inverser. Et pour cause, les chiffres sont probants :
- trois Français sur cinq seraient favorables à la semaine de quatre jours (enquête People at Work, centre de recherche ADP, novembre 2021) ;
- 53 % seraient prêts à accepter une baisse de salaire pour un meilleur équilibre vie professionnelle et vie privée (enquête People at Work, centre de recherche ADP, novembre 2021) ;
- 54 % des DRH se disent prêt(e)s à recourir à ce mode d’organisation du temps de travail (enquête L’Observatoire des Rythmes de travail) ;
- 7 %, c’est le taux de réduction du stress chez les employés de l’entreprise Perpetual Guardian après la mise en place de la semaine de quatre jours ;
- 64 % des salariés français, tous secteurs confondus, souhaiteraient bénéficier d’une plus grande flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, avec la possibilité de les concentrer sur une semaine de quatre jours (enquête ADP).

Bien entendu, les entreprises ont des besoins spécifiques qui diffèrent grandement de l’une à l’autre, et une étude au cas par cas devra nécessairement être menée afin
de déterminer la meilleure option d’un point de vue opérationnel et la plus sécurisée d’un point de vue juridique.

Avec la contribution de Hadrien Goumy, avocat.

 

Sur l'autrice : Titulaire du certificat de spécialisation en droit du travail, Sophie Marinier intervient dans l’ensemble des domaines du droit social (relations individuelles et collectives, restructurations, contentieux, audit) où elle accompagne principalement des sociétés du secteur pharmaceutique, bancaire et du retail. Elle développe, avec les onze bureaux étrangers de LPA-CGR avocats et son réseau de "best friends", une expertise particulière dans la gestion des dossiers internationaux, notamment en matière de mobilité et de harcèlement dans des contextes internationaux. Elle assiste également une clientèle de dirigeants dans l’optimisation de leurs rémunérations.

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