Dans le prolongement de la Loi "climat et résilience", l’accord national interprofessionnel du 11 avril 2023 relatif à la transition écologique et au dialogue social place l’environnement au coeur du dialogue social. Cette extension des compétences est-elle opportune ?

Adaptation au changement climatique, atténuation de ses effets, préservation de la biodiversité et des écosystèmes, gestion de la raréfaction des ressources, limitation des pollutions de l’eau, de l’air et des sols, font partie des nombreux enjeux environnementaux mis en évidence par la communauté scientifique. Quelle que soit leur activité, les entreprises seront confrontées aux incidences de la transition écologique. A fortiori alors que l’objectif défini par la France et l’Europe en application de l’Accord de Paris est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, avec une étape intermédiaire de réduction des émissions de 57 % en 2030.
Pour y parvenir, au-delà du corpus législatif contraignant, le choix a été fait d’inciter les entreprises à prendre le virage de la transition écologique. Leur capacité à trouver des solutions, associée au fait qu’il en va de leur avenir, motive ce choix. Les acteurs du dialogue social n’ont donc d’autres alternatives que de construire des solutions conjuguant performance économique, sociale et environnementale.

Le CSE a-t-il un rôle à jouer dans la transition écologique ?

À sa création en 1945, le comité d’entreprise marchait sur deux jambes : l’économique et le social. Près de quatrevingts ans après, une vie en somme, le comité social et économique (CSE), nouveau véhicule de la représentation du personnel, fonctionne grâce à quatre roues : l’économique et le social d’une part ; la santé et l’environnement d’autre part.
Au regard des larges compétences et droits offerts par le législateur au CSE, il est aujourd’hui un acteur incontournable de la transition écologique. Les partenaires sociaux sont désignés pour favoriser l’appropriation de la transition écologique au regard des impacts économiques et sociaux liés à la transformation des activités, des emplois et des qualifications.

Concrètement, en quoi la transition écologique impacte-t-elle le dialogue avec le CSE ?

Depuis le 23 août 2021, la compétence environnementale du CSE a vocation à s’exercer dans le cadre de ses trois consultations récurrentes. Notons que le législateur a étendu les missions de l’expert-comptable aux questions environnementales pour les aligner sur les nouvelles compétences du CSE dans ce domaine.
Au-delà des consultations récurrentes, la compétence du CSE s’exerce également à l’occasion de tous les projets sur lesquels le CSE est informé et consulté. Concrètement, cela concerne tout projet qui touche l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. Le cas échéant, les conséquences environnementales du projet doivent être détaillées. À défaut de communiquer suffisamment d’informations au CSE lorsqu’il est consulté sur les incidences environnementales de son projet, l’employeur s’expose à un refus de l’instance de rendre son avis. La suspension du projet débattu est encourue si le CSE fait constater la carence d’information de l’employeur.

Les partenaires sociaux sont désignés pour favoriser l’appropriation de la transition écologique

Quelles informations doivent être transmises au CSE ?

Le Code du travail ne donne pas de définition de la notion des conséquences environnementales et de la documentation à fournir. La quantité de données que pourraient contenir les études d’impact d’un projet relatif à l’environnement, est considérable et recouvre un champ très vaste pouvant rendre difficile l’appropriation de l’information. Par conséquent, pour déterminer les informations pouvant être communiquées au CSE, l’ANI du 11 avril 2013 liste plusieurs grilles d’analyse :
- l’analyse environnementale (AE) décrite dans la norme 14001 ;
- la présentation de l’étude d’impact prévue par l’article L. 122-1, III du Code de l’environnement ;
- la règle de proportionnalité prévue aux articles (art. R. 122-5 du Code de l’environnement) selon laquelle le contenu de l’étude d’impact environnemental doit être adapté à l’ampleur du projet et à ses incidences possibles sur l’environnement.
Cette dernière méthode a le mérite du bon sens. Dès lors, un projet qui n’aurait pas ou peu d’impact environnemental pourrait faire l’objet d’une information succincte du CSE et inversement, un projet susceptible d’avoir un impact environnemental important devrait faire l’objet d’une information plus détaillée et conséquente. Dans tous les cas, ces informations transiteront via la BDES qui a été renommée BDESE pour tenir compte des nouvelles attributions du CSE.
Ce n’est qu’après avoir été dûment informé par l’employeur sur le projet, notamment sur ses conséquences environnementales, et avoir éventuellement exercé son droit de recourir à l’expertise, que le CSE rend son avis qui peut inclure des voeux et des propositions de nature à favoriser la mise en oeuvre d’une transition écologique socialement juste dans l’entreprise. L’employeur doit alors examiner ces voeux et y répondre. Comme au début des années 2000 où il a fallu intégrer les problématiques de santé au travail, l’employeur doit désormais acquérir le réflexe environnement.

Quels sont les leviers de changement ?

À titre liminaire, un état des lieux s’impose. Un premier axe consiste à dresser le bilan de la situation. Quelles incidences, positives et négatives l’entreprise a sur la transition écologique. Malheureusement, il ne semble guère crédible de gommer toutes les incidences négatives (changement climatique, érosion de la biodiversité, pollutions, etc.), en un claquement de doigts. À l’inverse, l’employeur est en capacité de mettre en avant les incidences vertueuses de son projet.
Le second axe de l’état des lieux consiste à hiérarchiser les priorités de l’entreprise. Quelles mesures peuvent avoir un impact significatif pour mettre en oeuvre la transition écologique ? Cet état des lieux s’inscrit parfaitement en introduction d’une démarche de gestion des emplois et des parcours professionnels.

Comment intégrer les enjeux environnement dans le dialogue social ?

Seule l’activité de l’entreprise peut guider l’intégration des enjeux environnementaux dans le dialogue social. Plusieurs items peuvent alors être examinés.
- L’activité de l’entreprise : mon activité estelle impactée par la transition écologique ? ou au contraire, mon entreprise génère-t-elle des risques environnementaux ?
- La sensibilité des salariés et de mes dirigeants : ceux-ci ont-ils besoin d’être formés sur la transition écologique et ses enjeux identifiés en matière de GEPP ? La transition écologique fait-elle partie des objectifs de la gouvernance de l’entreprise ? Mes salariés sont-ils sensibilisés sur les écogestes ?
- L’avancement de la prise en compte de la transition écologique : mon entreprise a-telle mis en place une stratégie de réduction de l’impact environnemental de son activité ou une politique de sobriété et d’efficacité énergétique ?
- Un plan de mobilité pertinent permettant de supprimer les déplacements (télétravail) ou de les optimiser en diminuant les émissions polluantes a-t-il été construit ?

Comme au début des années 2000 où il a fallu intégrer les problématiques de santé au travail, l’employeur doit acquérir le réflexe environnement

Les élus ne risquent-ils pas d’être mis en porte à faux ?

Les élus se trouvent dans une position difficile. Ils le sont d’autant plus que la transition écologique pourrait avoir un impact direct sur les emplois. Un produit nuisible pour l’environnement doit-il être défendu alors que l’arrêt de sa production mettrait à mal les emplois ? Le choix peut être cornélien et une responsabilité nouvelle pèse sur les élus. Sera-t-il compris qu’ils sacrifient la transition écologique au nom de la préservation de l’emploi ? Nul ne le sait. Il est toutefois certain que le seul fait d’orienter les activités sociales et culturelles vers des actions tournées en faveur de la transition écologique ne suffira pas.

Et si les élus ne sont pas entendus ?

Le CSE s’est vu reconnaître un droit d’alerte en cas d’atteinte à la santé publique ou l’environnement. Ainsi, les élus du CSE peuvent alerter l’employeur lorsqu’ils constatent que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l’établissement font peser un risque grave sur l’environnement. L’alerte du représentant du personnel au CSE est consignée par écrit sur un registre spécial. L’employeur examine la situation conjointement avec le représentant du personnel du CSE qui lui a transmis l’alerte et l’informe de la suite qu’il réserve à celle-ci.
Par ailleurs, faute pour le CSE d’être omniscient, tout salarié peut alerter immédiatement l’employeur s’il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en oeuvre par l’établissement font peser un risque grave sur l’environnement. Le CSE est alors informé de cette alerte et se réunit en cas d’événement grave lié à l’activité de l’entreprise, ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à l’environnement.

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