Les enjeux liés à l’impact des activités des entreprises sur l’environnement nourrissent l’adoption de la Directive CSRD ; l’enjeu ultime consistant à atteindre la neutralité carbone en 2050 sera-t-il dès lors atteint et à quel prix ? c’est la question cruciale que pose également la Directive européenne.

Le concept de responsabilité sociale est né dans les années 1758 avec les préoccupations morales et religieuses des Quakers et de l’Église méthodiste. La question des valeurs morales est le facteur le plus probant du développement du concept de la responsabilité sociale des entreprises, elle-même basée sur l’idée que le succès réel d’une entreprise ne doit pas se révéler seulement aux yeux des actionnaires mais aussi à l’égard d’un écosystème englobant l’ensemble des parties prenantes (les clients, fournisseurs ou encore les salariés). La "soft law" est née de l’idée que l’économie de marché devait, au nom de ces principes, être en mesure de s’autoréguler. Bon nombre de sociétés se sont positionnées sur le marché de la durabilité, tout en occultant les aspects plus négatifs de leurs activités, faussant, le cas échéant, les règles du marché et de la concurrence. Pour ces raisons, le bilan de la RSE est très contrasté et pour certains, l’acronyme "RSE" lui-même doit être délaissé.

Changement de paradigme avec la Directive CSRD : la fixation d’un nouveau cadre à compter du 1er janvier 2024

S’il n’entre pas dans l’objet social d’une entreprise de sauver la planète, la décarbonation de ses activités devrait constituer un objectif incontournable à court terme et consubstantiel à la pérennité de ses activités. Un cap est donc franchi avec le reporting de durabilité des sociétés qui s’est substitué au concept de responsabilité sociale :
- les entreprises entrant dans le périmètre de la Directive sont désormais soumises à des obligations déclaratives en matière de reporting extra-financier au sein duquel le volet relatif à l’impact environnemental de leurs activités est le plus exigeant par rapport aux deux autres critères ESG (environnement/ social/gouvernance) ;
- ce reporting extra-financier doit faire l’objet d’une diffusion, notamment aux parties prenantes et en particulier aux IRP pour consultation ; la fiabilité des informations qui y seront contenues ainsi que les engagements pris seront donc discutés, voire contestés, avec à la clé le risque de mise en cause de la responsabilité de l’entreprise.

Une construction fondée sur le concept de double matérialité

La publication des informations relatives à la durabilité se fonde sur le concept de double matérialité :
- matérialité de l’impact en mesurant les incidences matérielles, réelles ou potentielles, positives ou négatives de l’entreprise sur les personnes ou l’environnement à court, moyen ou long terme, qu’il s’agisse des impacts de l’entreprise ellemême ou celles de sa chaîne de valeurs ;
- matérialité financière en identifiant les informations considérées comme importantes pour les principaux utilisateurs de l’information financière à usage général dans la prise de décisions relatives à l’octroi de ressources à l’entité ; sont visés les risques et opportunités ayant une influence significative sur le développement, la situation financière la performance financière, les flux de trésorerie ou encore l’accès au financement.

La diligence raisonnable comme méthodologie retenue

La réglementation européenne évoque un processus de "diligence raisonnable" au travers duquel l’entreprise fournit une cartographie expliquant sa méthodologie d’approche pour l’établissement de sa déclaration de durabilité, ceci à partir des pratiques réelles de l’entreprise. La diligence raisonnable induit que l’image reflétée au travers du rapport de durabilité doit correspondre à la réalité.
Le rapport doit permettre de comprendre comment se combinent la stratégie de l’entreprise avec les questions de développement durable après avoir évalué impacts risques et opportunités et considéré comment ils influencent la stratégie et son modèle d’entreprise.

Extension du domaine de la lutte pour la durabilité : le devoir de vigilance

La loi du 27 mars 2017 a instauré en France le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Le Parlement européen a voté le 1er juin dernier un texte instaurant un devoir de vigilance en matière de durabilité depuis le 1er juin 2023 dont la finalité relève de la même philosophie que la loi française et consistant à "imposer" aux partenaires commerciaux, sous-traitants et autres fournisseurs le même niveau d’obligations en matière de reporting de durabilité que l’on s’impose à soi-même.
Le principe de réalité consiste à amener la minorité à entrer dans le cercle vertueux et durable afin que celle-ci devienne la majorité dont le devoir de vigilance constitue un outil de ce processus d’extension du domaine de la vertu par la pression exercée par l’entreprise à l’égard des partenaires de son écosystème.

La transition écologique induit la transition sociale

Le droit de la santé et de la sécurité des salariés au travail lié aux contraintes environnementales présente la particularité d’être aux confins de trois corpus de règles que sont le droit de la santé publique pour la protection des personnes, le droit de l’environnement et le droit de la protection de la santé des salariés.

L’entreprise devient un acteur de santé publique

La cause originelle du risque ne réside plus dans l’activité de l’entreprise elle-même mais est extérieure à cette activité, celle-ci ne faisant plus que concourir à la réalisation de ce risque. Cette évolution nécessite par conséquent d’intégrer le risque environnemental dans les actions de prévention des risques professionnels; certains parlent de droit de retrait environnemental en cas de canicule, même il n’a pas été conçu pour répondre à ce type de situation.
Le droit d’alerte environnemental est en revanche prévu (art L.4133-1 et L.4133-4 du Code du travail), tant dans son principe que ses modalités d’exercice via la représentation du personnel ; c’est la logique d’exposome qui prend en considération en même temps les facteurs environnementaux (pollution, intempéries, canicules) et l’activité comme des facteurs interconnectés ayant une influence sur la santé humaine.

L’inéluctable judiciarisation de l’engagement durable

Les enjeux environnementaux pour l’ensemble de la population mondiale sont tels que les engagements pris par les entreprises en matière durable seront sous contrôle permanent avec à la clé des actions mettant en cause leur bonne foi. Aux enjeux environnementaux et sociaux se greffent des enjeux économiques majeurs pour les entreprises avec des défis à relever sur un plan concurrentiel. Les engagements durables pris par les entreprises constituent un avantage concurrentiel, considéré comme tel et à ce titre, attaquable à tout moment.
Un tel risque est donc susceptible de se matérialiser en interne comme en externe, en mobilisant différents instruments juridiques à l’initiative des différentes parties prenantes. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut rappeler les quelques exemples suivants.
- Les sanctions civiles et pénales de l’écoblanchiment ont ainsi été renforcées par la loi Climat de 2021, pouvant donner lieu à la qualification de pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L. 121-2 du Code de la consommation.
- La réparation du préjudice écologique est encadrée par un cas spécifique de responsabilité extracontractuelle, prévu aux articles 1246 et suivants du Code civil.
- La concurrence déloyale peut être mobilisée entre entreprises du même secteur d’activité : la communication sur des valeurs qui ne sont pas effectivement suivies de mesures concrètes, ou encore le non-respect des obligations en matière de durabilité.
- Le dirigeant ne respectant pas les engagements pris pourra avoir à rendre des comptes devant les actionnaires, voire engager sa responsabilité sur le terrain de la faute de gestion.
- Plus généralement, l’article 1833 du Code civil relatif à l’objet social, intègre la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux de l’activité, dont le non-respect pourrait entraîner la mise en jeu de la responsabilité de l’entreprise.
- Dans le cadre de la Directive, les États doivent intégrer à leur transposition un mécanisme de sanction.
- Le contentieux du devoir de vigilance devrait se développer compte tenu de l’extension à venir de son champ d’application lorsque la Directive CSDD sera transposée.
- En matière sociale, les CSE s’emparent progressivement de leurs nouvelles attributions en matière environnementale, l’impact des décisions de l’entreprise en la matière devant désormais donner lieu à l’information
- consultation préalable des élus.
- Les salariés (ou toute autre partie y ayant intérêt) pourront opposer les obligations que s’est imposée la société. Pour refuser par exemple d’accomplir une tâche jugée incompatible avec celles-ci, ou pour faire juger leur licenciement sans cause réelle et sérieuse si celui-ci est intervenu en violation de la raison d’être ou de la mission. Le champ des possibles est vaste et oblige à l’anticipation.

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