Fanny Picard, pionnière de la finance à impact a fondé Alter Equity, première société française de gestion de fonds d’investissement à impact, qu’elle dirige depuis 2007. Son ancrage d’origine ? L’humanisme. L’entrepreneuse mise sur l’égalité des chances en entreprise. Elle est intervenue dans le cadre de l’événement USI (Unexpected Sources of Inspiration), organisé le 26 juin dernier au musée du Quai Branly, afin de partager sa philosophie d’investissement et exposer les grands enjeux de la finance responsable.

Décideurs. Pourquoi avoir créé Alter Equity et quel est votre champ d’action ?

Fanny Picard. À l’origine, mon objectif était l’investissement inclusif et notamment le financement des entreprises dirigées par des personnes issues de la diversité. L’égalité des chances, valeur fondamentale qui se trouve au cœur de notre pacte républicain, n’atteint malheureusement pas son objectif en France.  Seulement 5% des élèves de grandes écoles sont issus du milieu ouvrier. Il relève de notre responsabilité d’œuvrer dans ce sens. Lors de la création du premier fonds, nous avons opté pour un modèle de capitalisme globalement responsable, en ancrant cette responsabilité d’un double point de vue social et environnemental. C’était totalement disruptif : il n’existait pas à l’époque de fonds d’investissement dans le non coté s’intéressant à ce double enjeu.

Concrètement, nous investissons dans le capital de start-up dont l’activité est utile à la transition vers une société à la fois plus humaine et plus durable d’un point de vue écologique, notamment en concevant des solutions au dérèglement climatique.

Les entreprises soutenues par Alter Equity doivent en outre mettre en place un plan d’action RSE qui comprend, parmi d’autres exigences, l’obligation de procéder à un bilan carbone et d’ouvrir le capital à l’ensemble de leurs salariés. Vingt-cinq entreprises s’y sont engagées. Elles doivent aussi procéder à un entretien annuel qui évalue les progrès des salariés. L’atteinte de ces objectifs non financiers conditionne pour les dirigeants l’accès à la partie variable de leur rémunération. Nous avons été le premier fonds dans le non coté en France à avoir rendu obligatoires ces comportements responsables pour toutes nos participations.

Par ailleurs, nous avons investi au capital de Wild Code School, une start-up qui dispense des formations aux métiers du Web, avec un taux de retour à l’emploi de l’ordre de 90%. Elle a été cédée avec un rendement annuel brut de 20%.

Parmi ses participations à impact social, Alter Equity est actionnaire de Neobrain, spécialiste de la GPEC, qui utilise l’intelligence artificielle dans l’objectif d’anticiper l’évolution des métiers des entreprises clientes. La société tient compte des compétences et des souhaits d’évolution professionnelle des salariés. Elle permet ainsi une gestion de carrière intégrant à la fois les besoins des employeurs et les aspirations des employés.

Comment réinventer un système financier durable ?

La finance exerce un effet de levier pour notre organisation collective en orientant ses flux vers des entreprises responsables dont les activités sont utiles à la société. Ces structures limitent les externalités négatives, favorisent les pratiques de gestion vertueuses auprès des parties prenantes. Leurs investisseurs permettent la transition vers une société plus inclusive et plus durable.

Il est nécessaire d’objectiver le caractère utile à la société des activités que proposent ces entreprises ainsi que l’ensemble des paramètres de responsabilité. Nous devons également évaluer la responsabilité des fonds. Des méthodologies sont d’ailleurs disponibles. Désormais, épargnants et investisseurs institutionnels doivent réorienter leurs flux, ce qui n’est encore que très insuffisamment le cas. Les entreprises cotées ont à leur charge la tâche de devenir rapidement plus responsables, pour permettre aux fonds ISR d’investir des montants réellement déterminants, sans craindre d’être accusés de greenwashing.

Quels sont les axes de développement prioritaires pour une entreprise qui veut repenser sa politique RSE ?

Cela dépend de son modèle d’affaires et de son activité, selon qu’elle possède des usines, consomme ou non de façon massive de l’énergie, des composants polluants, des minéraux critiques au sens où nous pourrions en manquer… Mon conseil est de se faire aider et d’agir vite et fort pour éviter de sortir de la course. Les entreprises qui ne s’adaptent pas se trouveront en risque élevé au regard des évolutions des attentes des salariés, des consommateurs, des investisseurs, ainsi que des nouvelles réglementations. Il est impératif de modifier profondément les modèles non durables et de consommer moins et mieux en choisissant des matières plus écoresponsables. Par ailleurs, il est nécessaire d’engager des dynamiques d’égalité des chances, de veiller aux conditions de travail ainsi qu’au développement professionnel des salariés et de partager la valeur. Nous avons décomposé une centaine d’actions à mener. S’il est impossible de les conduire toutes de concert, il faut néanmoins les engager, même progressivement.

Notre génération porte une responsabilité inédite, à la différence de la précédente, inconsciente de la gravité des dérèglements environnementaux. La souffrance sociale a augmenté : ce sont 15% des Français qui ne mangent pas à leur faim. Certains parlent de "décivilisation". Si nous n’agissons pas immédiatement, il sera trop tard. Les atteintes aux limites planétaires sont irrémédiables : fonte des glaciers, mégafeux au Canada ou dans certains États américains, inondations, sécheresse, tornades… Les conditions d’exercice de nos activités économiques sont déjà significativement modifiées, avec des zones géographiques qui ne sont plus assurables, comme en Californie, au Kentucky, en Floride. Atténuer le dérèglement climatique et adapter nos organisations aux désordres est une responsabilité que nous devons assumer pour perpétuer des conditions acceptables d’opérations de nos activités économiques, en plus de notre obligation morale.

Propos recueillis par Clara Elmira

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