L’actualité nous montre que la "chasse" aux eeignes qui ouvrent le dimanche est loin d’avoir pris fin avec la promulgation de la loi Mallié du 10 août 2009.

L’actualité nous montre que la "chasse" aux enseignes qui ouvrent le dimanche est loin d’avoir pris fin avec la promulgation de la loi Mallié du 10 août 2009. Faute de réponse satisfaisante apportée par le législateur national, c’est peut-être au droit de l’Union européenne, voire au Conseil constitutionnel, de trancher cette question de société.


Au-delà des considérations sociales, la question du travail dominical comporte un aspect financier indéniable pour les syndicats qui sont souvent à l’initiative des recours judiciaires contre les enseignes, eu égard aux montants élevés des astreintes réclamées (cf. par exemple le TGI de Pontoise du 26 octobre 2009, qui condamne Leroy Merlin à verser à la CFTC et à FO 7 290 000?€ au titre de la liquidation des astreintes pour l’année 2009 …). à Paris, une intersyndicale du commerce de Paris rassemblant six organisations syndicales (CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC, FO et Sud) s’est même créée et a décidé de mener une série d’actions judiciaires contre les enseignes qui ouvrent toute la journée le dimanche. Quant au maire de Paris, il a demandé au ministère du Travail d’intensifier les contrôles.


L’encadrement juridique français du travail dominical

La loi Mallié, tout en réaffirmant le principe du repos dominical, instaure de nouvelles dérogations à ce principe dans les communes et les zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations. Toutefois, s’agissant des commerces de détail alimentaire, la loi Mallié prévoit expressément que ces nouvelles dérogations ne leur sont pas applicables (article L. 3132- 25-5 du Code du travail).

Des dérogations permanentes au principe du repos dominical ont certes été prévues par l’article L. 3132-12 du Code du travail, aux termes duquel «?certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement?». Mais il est pour le moins étonnant de constater que la liste des établissements concernés par cette dérogation n’inclut pas les commerces de détail alimentaires, alors qu’y figurent, par exemple, les commerces de détail d’ameublement.

L’ouverture le dimanche des commerces de détail alimentaire reste encadrée par : - la réglementation relative au repos hebdomadaire. L’article L. 3132- 13 du Code du travail instaure une dérogation permanente au repos dominical au profit des commerces de détail alimentaire (épicerie de quartier, supérettes…), mais ceux-ci doivent donner le repos hebdomadaire le dimanche à partir de 13?heures, et - certaines réglementations locales qui s’appliquent à tous les commerces de détail alimentaire du secteur géographique concerné, que ces commerces emploient ou non du personnel salarié (pour la région parisienne, il s’agit d’un arrêté préfectoral du 15 novembre 1990 qui impose une fermeture au public de ces commerces soit tout le dimanche, soit tout le lundi).

Grâce à un cadre juridique aussi restrictif, les défenseurs du repos dominical n’hésitent pas à intenter des recours contre les enseignes qui y contreviennent, d’autant que, dans une récente décision(1), la chambre criminelle de la Cour de cassation a validé le cumul des condamnations pour infraction à la règle du repos dominical avec celles pour violation d’un arrêté préfectoral de fermeture au public.

Ce choix français, en faveur du repos dominical, n’est pas celui unanimement partagé au sein de l’Union européenne où le débat reste d’actualité comme en attestent les discussions en cours en vue de l’adoption de la future directive européenne sur le temps de travail prévue pour l’automne prochain et comme en atteste le droit positif européen.

La directive n°93/104 du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail disposait à son dixième considérant que «?en ce qui concerne la période de repos hebdomadaire, il convient de tenir dûment compte de la diversité des facteurs culturels, ethniques, religieux et autres dans les états membres; que, en particulier, il appartient à chaque état membre de décider, en dernier lieu, si et dans quelle mesure le dimanche doit être compris dans le repos hebdomadaire?». Elle prévoyait encore à son article 5 que «?la période minimale de repos […] comprend, en principe, le dimanche?».
Saisie d’un recours en annulation de cette directive, introduit par le Royaume-Uni, la CJCE a, dans un arrêt du 12 novembre 1996(2), annulé les dispositions de l’article 5 de la directive qui posait le principe du repos dominical, au motif que : «?si la question de l’inclusion éventuelle du dimanche dans la période de repos hebdomadaire est certes laissée, en définitive, à l’appréciation des États membres, compte tenu, notamment, de la diversité des facteurs culturels, ethniques et religieux dans les différents États membres (article 5, deuxième alinéa, lu en combinaison avec le dixième considérant), il n’en demeure pas moins que le Conseil est resté en défaut d’expliquer en quoi le dimanche, comme jour de repos hebdomadaire, présenterait un lien plus important avec la santé et la sécurité des travailleurs qu’un autre jour de la semaine.?»

La directive n°2003/88 qui a procédé à une codification des modifications apportées à la directive n° 93/104, ne fait plus état en conséquence du principe du repos dominical et le dixième considérant de la directive n°93/104 a été supprimé.

Or, l’article L.3132-3 du Code du travail français prévoit aujourd’hui que : «?Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.?» Compte tenu de la directive n°2003/88 et de la jurisprudence de la CJUE, le choix en faveur du dimanche paraît contestable, à défaut d’indiquer en quoi le dimanche érigé comme jour de repos hebdomadaire permettrait de mieux préserver la santé et la sécurité des travailleurs qu’un autre jour de la semaine.

Par ailleurs, le choix en faveur du repos dominical pourrait aussi être perçu par certains salariés comme une atteinte injustifiée et discriminante à leur liberté de culte et de conscience et comme étant contraire au principe constitutionnel de laïcité de l’état. De bons fondements, en d’autres termes, pour de futures questions prioritaires de constitutionnalité dans le cadre d’un débat de société que la loi Mallié est loin d’avoir tranché !

1 Cass. crim. 16 mars 2010
2 CJCE, 12 novembre 1996, Royaume-Uni c/ Conseil de l’Union européenne, aff. 84/94. Directive 93/104/CE (recours en annulation)

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