Association qui assume de "ne pas être Charlie", dizaine de milliers d’euros pour des structures sans liens avec les Parisiens… L’équipe municipale de Paris a une drôle de manière de dépenser l’argent public. Petit florilège qui devrait faire plaisir au contribuable.

Fiscalité en hausse, fuite des classes moyennes, fermeture d’écoles faute d’élèves, TahitiGate, guerre larvée entre Anne Hidalgo et son premier adjoint Emmanuel Grégoire… L’ambiance n’est pas au beau fixe au sein de la majorité municipale. Le dernier conseil de Paris qui a eu lieu entre le mardi 6 et le vendredi 9 février pourrait encore apporter son lot de polémiques. En cause, certaines subventions. Si quelques-unes peuvent faire sourire, d’autres sont problématiques.

Ecoféminisme en Colombie, Karaté solidaire à Madagascar, rucher pour "femmes leaders" au Togo…

La Mairie de Paris a le cœur sur la main puisqu’elle a décidé de verser 80 000 euros à des associations qui n’ont aucun rapport avec la capitale. Si cela est fort généreux, la plus-value apportée aux Parisiens est plus que douteuse.

La grande gagnante est sans conteste l’association Quartiers du monde qui se voit récompensée de 15 000 euros pour un projet difficile à définir concrètement. Le mieux est de copier-coller le descriptif pour permettre à chacun de se faire une idée. Il s’agit "d’essaimer le modèle de développement alternatif durable avec perspective de genre de la Mesa Hunzahuna qui consiste à renforcer la gestion collective des ressources naturelles via une approche écoféministe, autour d’activités d’agriculture urbaine de gestion des déchets et la création d’espaces de dialogue sur le changement climatique et le genre à Suba en Colombie". Et vice et versa, comme auraient chanté les Inconnus !

15 000 euros pour "essaimer le modèle de développement alternatif durable avec perspective de genre de la Mesa Hunzahuna qui consiste à renforcer la gestion collective des ressources naturelles via une approche écoféministre" à Suba en Colombie

L’association Globe peut également sabrer le champagne puisqu’elle vient de recevoir un chèque de 10 000 euros pour  "favoriser l’inclusion sportive et artistique de jeunes ayant une déficience intellectuelle à Maboumba au Sénégal". Pourtant, il est fort probable que l’argent aurait pu servir à la même cause… mais à Paris.

La capitale mondiale de la gastronomie veut garder son rayonnement. Pour cela, elle débloque 10 000 euros pour un projet "d’équipement et de sécurisation de l’unité de transformation agroécologique du manioc" dans un village du Cameroun. Si Anne Hidalgo et ses équipes aiment le manioc, le miel est également au menu. 6 000 euros vont permettre la mise en place d’un "rucher pour les femmes leaders de Tandjouaré", bourgade togolaise de 17 000 habitants. Nul ne sait ce qu’est une femme leader de Tandjouaré. Toujours est-il que le pactole a vocation à "mettre en place un rucher de 50 ruches et à former 15 apicultrices pour la production et la commercialisation de 500 kg de miel et 50 kg de cire par an au Togo". De quoi améliorer le quotidien des Parisiens…

La municipalité qui s’apprête à accueillir les jeux olympiques a une vision universelle du sport. De fait, elle a versé une subvention de 7 000 euros à la Wado Academy de Paris. Pourquoi pas. Sauf que l’argent ne semble pas destiné à rester dans la capitale puisque la somme aura pour objet de "pratiquer et transmettre un karaté solidaire" en formant "huit professeur.es de karaté pour qu’ils diffusent une pratique adaptée à des publics variés au sein de la communauté rurale d’Ambohimanga à Madagascar". Nul doute que la majorité des électeurs est ravie de savoir que la hausse de la fiscalité sert à former des Malgaches au karaté solidaire…

Paris1

Tu n'es pas Charlie ? Tu gagnes 37 000 euros !

Plus préoccupant, il semble que la Mairie de Paris finance généreusement une organisation qui a quelques problèmes avec les valeurs républicaines. L’équipe d’Anne Hidalgo en est consciente puisque le titre de la délibération est vague. Il se contente de mentionner "1'association".

Mais pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de la "Fédération des associations de solidarité avec tou·tes les immigré·es", plus connue sous l’acronyme Fasti. Après les attentats du 13 novembre 2015, elle s’était fait remarquer en se permettant de "rappeler" que les attentats étaient "la conséquence de politiques internationales menées par les pays occidentaux" et la "conséquence de la politique économique et sociale de la France qui paupérise toujours davantage les quartiers populaires dans le cadre de discours médiatiques stigmatisants".

Plus glauque, l’association s'était aussi distinguée par son analyse des manifestations du 11 janvier 2015 pour rendre hommage aux morts de l’attentat contre le siège de la rédaction de Charlie Hebdo. Selon elle, les manifestants étaient "les classes dominantes dont les plus émninent-e-s représentant-e-s ont marché le 11 janvier dernier dans les rues de Paris". L’unité nationale était tout simplement "la glorification des forces de l’ordre dominant qui ne poursuivent qu’un seul but, relégitimer les politiques néocoloniales et capitalistes qui sont la cause même de ces violences"

Certes, la Fasti aide les immigrés en situation de précarité. Mais n’existe-t-il pas des associations moins clivantes ? Pourquoi le titre de la délibération ne mentionne-t-il pas clairement la Fasti si elle est si irréprochable ? Comment se fait-il que la Mairie finance ce type de structure et ce, avec des sommes de plus en plus élevées. En 2020, la Fasti recevait 13 800 euros.

Paris

Lucas Jakubowicz

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