Contrairement à certaines idées reçues, le macronisme n’a jamais particulièrement brillé chez les jeunes électeurs. Pire encore, plus les années passent, plus les partisans du camp présidentiel grisonnent.

PS, LFI, EELV, LR, Renaissance… Les états-majors des partis politiques se posent la même question : comment renouer avec les milieux populaires qui, scrutins après scrutins, sont de plus en plus arrimés au Rassemblement national ? Dans le camp présidentiel, certains responsables comme Gérald Darmanin tâchent d’apporter une réponse. Mais la majorité est confrontée à un autre défi stratégique : éviter de devenir le parti des vieux…

La situation est paradoxale, si le camp d’Emmanuel Macron clame qu’il est le représentant du progressisme, de l’ouverture et de la jeunesse, les urnes ne mentent pas : Le macronisme n’a jamais vraiment séduit les moins de 30 ans et il vieillit peu à peu.

Macron 2017, le mythe jeune

Il existe une idée reçue tenace selon laquelle, lors de l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron aurait conquis les électeurs les plus juvéniles. Les raisons ? Son statut de moins de 40 ans, sa volonté de briser les codes, sa maîtrise de l’anglais ou encore son ouverture sur le monde et les questions sociétales.

Mais l’étude sur la sociologie de l’électorat menée par Ipsos après le premier tour apporte de la nuance. Chez les 18-24 ans, le marcheur était à 18% au coude à coude avec Marine Le Pen mais loin derrière les 30 % de Jean-Luc Mélenchon. Ce score est par ailleurs moins bon que chez les autres vainqueurs de présidentielles. Ainsi, Nicolas Sarkozy avait raflé 25% des suffrages des plus jeunes électeurs en 2007 et François Hollande 28% en 2012.

En revanche, le marcheur était parvenu en 2017 à séduire 28% des 25-34 ans, à égalité avec Marine Le Pen et avec 4 points d’avance sur le candidat Insoumis. Chez les plus de 70 ans, c’était alors François Fillon qui menait la danse avec un score sans appel de 45% !

G3

Macron 2022, OK boomer ?

Cinq ans plus tard, un autre cliché circule dans l’opinion à propos du vote Macron : le "président candidat" aurait perdu la jeunesse et son électorat aurait considérablement vieilli. Là aussi, les études électorales cassent certaines idées reçues. Oui, le président sortant a connu une progression impressionnante chez les plus âgés, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Toujours selon Ipsos, Emmanuel Macron est passé de 27% à 41% chez les plus de 70 ans (loin devant Valérie Pécresse et Marine Le Pen à 13%, Jean-Luc Mélenchon étant à 9%). Chez les 60-69 ans, il mène également la danse avec 31% (il devance la candidate d’extrême droite et l’Insoumis à 17 %).

Pour autant, attention aux raccourcis. En dépit d’un socle grisonnant, il garde tout de même le soutien de jeunes électeurs. S’il s’améliore légèrement chez les 18-24 ans où il gagne 3 points passant de 18% à 21%, il est néanmoins distancé par Jean-Luc Mélenchon (31%) et Marine Le Pen (26%). Mais tout n’est pas rose puisqu’il perd 4 points chez les 25-34 ans passant de 28% à 24% d’une présidentielle à l’autre.

En se positionnant comme le chantre de la stabilité et de la modération durant son premier quinquennat, le plus jeune président de la Ve République est donc parvenu à séduire l’électorat âgé, bien souvent venu de la droite mais "en même temps", il garde une certaine force dans la jeunesse sans y être prédominant.

G2

Législatives, un électorat vieillissant

En somme, depuis son émergence, Emmanuel Macron aurait gardé dans son giron les très jeunes électeurs pas forcément entrés dans la vie active, répulsé une partie de la population active mais attiré les séniors. Les élections législatives permettent d’aller encore plus loin et d’affirmer que le macronisme dépend de plus en plus d’électeurs âgés.

Lors du premier tour des élections législatives de 2017, les candidats de la majorité présidentielle avaient obtenu en moyenne 32% des voix. À l’époque, les électeurs macronistes était uniformes en termes d’âge : 32% chez les 18-24 ans, 33% chez les 60-69 ans, 32% chez les plus de 70 ans par exemple.

Mais le renouvellement de l’Assemblée nationale de 2022 marque une rupture : le bloc macroniste n’est pas attractif pour les plus jeunes et attire les aînés. Si les listes de la majorité présidentielle désormais baptisée Renaissance obtiennent 25,2% en moyenne, une disparité d’âge apparaît. Le macronisme ne séduit plus que 13% des 18-24 ans et 19% des 25-39 ans. Des scores loin derrière la Nupes (42% et 38%). En revanche, le président réélu limite la casse en rassemblant 38% des plus de 70 ans soit 5 points de plus que lors des précédentes législatives.

G1

Le péril vieux ?

Cela dit, les stratèges macronistes doivent prendre garde à l’évolution de leur électorat. Le dernier sondage en date portant sur les élections européennes montre qu’en l’état actuel le camp du président de la République est en plein processus de "LRisation", c’est-à-dire qu’il risque de dépendre des plus âgés. Un sondage Ifop publié en septembre 2023 permet de le mesurer. Sur le papier, la liste Renaissance a priori menée obtiendrait 21%. Mais, chez les moins de 35 ans, elle est créditée à 8% derrière le RN (25%), LFI (15%) ou les écologistes (13%). Le mouvement serait donc environ trois fois moins performant dans la jeunesse que dans sa moyenne globale. Une situation qui est similaire à celle LR estimée à 3% chez les moins de 35 ans contre 8% au total.

Pour les européennes de 2024, la liste macroniste est créditée de 21% au total. Mais de 8% chez les moins de 35 ans !

Si les urnes valident les dernières prévisions et que la tendance observée depuis les élections législatives de 2022 se poursuivent, le macronisme risque de devenir le parti des plus âgés. Un comble pour une idéologie qui promettait l’émergence d’un « nouveau monde » qui, de facto, parlerait avant tout à ceux qui veulent sauvegarder l’ancien !

Lucas Jakubowicz

Classements

Trouver les acteurs & informations qui vous aideront

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail