Favori des pronostics, le député d’Eure-et-Loir est le nouveau président du groupe LR à l’Assemblée nationale. Ses missions ? Préserver l’unité de la droite et augmenter son influence au sein du Palais-Bourbon.

Un député abandonnant son groupe parlementaire est toujours un moment désagréable pour ses collègues qui peuvent se sentir trahis. Alors, quand le chef lui-même quitte le navire, la blessure n’en est que plus vive. Glissez le nom de Damien Abad dans une discussion avec un député LR et vous le constaterez. L’élu de l’Ain, président du groupe dans la précédente législature, parti avec armes et bagages en macronie, n’est plus en odeur de sainteté et fait figure de paria. Tout porte à croire que son successeur, Olivier Marleix, restera fidèle à une famille politique dans laquelle il a grandi.

Enfant de la balle

Littéralement "biberonné" à la droite de gouvernement, Olivier Marleix est le fils d’Alain Marleix, figure bien connue du RPR puis de l’UMP où il occupait la fonction officieuse d’expert en carte électorale. En plus d’avoir été membre du Parlement européen, député du Cantal jusqu’en 2017 ou encore secrétaire d’État aux Anciens combattants ou aux Collectivités territoriales sous Nicolas Sarkozy.

Le fils, pour sa part, s’engage de manière précoce en politique. En 1995, alors qu’il n’a que 24 ans, il est à la tête du comité de soutien des jeunes pour Édouard Balladur, tout en étant membre du cabinet de Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Jeunesse et des Sports. En 1997, il est élu président de l’Union des jeunes pour le progrès (UJP), le mouvement des jeunes gaullistes sociaux.

Puis vient le temps de bâtir une carrière et de voler de ses propres ailes. "Ancien monde" oblige, cela passe par l’ancrage local. Pour lui, ce sera l’Eure-et-Loir, loin de l’Auvergne de ses parents. Peu à peu, il tisse sa toile politique dans le département où il débute en 1998 comme directeur de cabinet de Martial Tagourdeau, président du conseil général. Dix ans plus tard, il est élu maire du village d’Anet, conseiller général, président de la commission chargée des affaires culturelles, vice-président du conseil général. En 2012, il décroche le siège de député de la seconde circonscription du département, un bastion de la droite.

Combattre les liquidateurs

À l’Assemblée nationale, il existe plusieurs catégories de députés : les bateleurs qui arpentent les chaînes d’infos et les radios pour distribuer les punchlines, les planqués mais aussi ceux qui considèrent leur travail comme technique. Olivier Marleix se range très vite dans cette famille. Réputé "homme de dossier", ouvert à la discussion, doté d’une forte appétence pour les sujets pointus que certains aiment "cacher sous le tapis". De novembre 2017 à avril 2018, il préside la commission d’enquête sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle. Dans le collimateur, les cas d’Alstom, d’Alcatel et de STX. De cette mission, Olivier Marleix tire un livre : Les liquidateurs, ce que le macronisme inflige à la France et comment en sortir. Mais aussi une meilleure visibilité auprès du grand public et de ses pairs. En novembre 2019, lorsque Christian Jacob quitte la présidence du groupe LR, Olivier Marleix se porte candidat à sa succession. Il échoue face à Damien Abad qui obtient 64 voix contre 37.

"Olivier Marleix devra faire cohabiter la ligne centriste et la ligne Ciotti"

Position centrale

En 2022, il retente sa chance et fait cette fois-ci figure de favori face au jeune député de l’Aisne Julien Dive qu’il bat de manière nette : 40 voix contre 20 et une abstention. L’avantage stratégique d’Olivier Marleix ? "Il occupe une place centrale au sein du groupe LR", explique Christophe Bellon, universitaire spécialiste de l’histoire parlementaire.

S’il ne fait pas partie de la jeune garde ambitieuse de trentenaires (Aurélien Pradié, Pierre-Henri Dumont, Fabien Di Filippo, Julien Dive…) qui veulent repenser le logiciel de la droite, ces derniers ne le voient pas d’un mauvais œil. Certains ont même voté pour lui pour écarter Julien Dive afin de l’empêcher de prendre la lumière. Élu en 2012, il n’est pas membre de l’ancienne garde qui a connu les années Sarkozy, ce qui lui permet d’incarner une certaine forme de renouveau.

Faire vivre le groupe

Olivier Marleix devra relever un défi aussi personnel que politique : faire en sorte que les élus LR ne rejoignent pas la majorité présidentielle et ses satellites, notamment Horizons. Voir un groupe qui n’a jamais été aussi faible numériquement se réduire au compte-gouttes serait une catastrophe. Pour éviter cette situation, le primus inter pares devra faire preuve de doigté : "Il lui faudra assurer la cohésion et la discipline, tout en faisant en sorte que chacun puisse exprimer ses opinions et ses idées", pointe Christophe Bellon qui résume la situation de la manière suivante : "L’enjeu sera de donner la parole à la ligne Ciotti mais aussi à la ligne centriste qui est la plus à même de faire défection." Mais, par rapport à la législature précédente, Olivier Marleix dispose d’un atout. Le gouvernement n’ayant pas la majorité absolue, les transfuges potentiels pourraient ne pas voir leur intérêt à rejoindre un pôle moins brillant que naguère. D’autant plus que la situation politique permet à LR de peser.

"Non à une coalition, oui à des échanges"

Peser dans le processus législatif

C’est un véritable paradoxe. Avec 62 sièges, jamais la droite n’a eu aussi peu de représentants. Pourtant, en l’absence de majorité absolue, les voix de LR valent très cher, ce qui permet au groupe de jouer un rôle pivot. Pour l’universitaire, cette configuration donne une place centrale à Olivier Marleix qui pourra dire au gouvernement "nous voterons ce texte, mais vous suivez nos recommandations sur tel autre". Cela aide à mieux comprendre pourquoi aucun député LR n’a demandé pour le moment la création d’un contrat de gouvernement ou d’une coalition avec Emmanuel Macron. Les seules voix poussant dans cette direction, Jean-François Copé ou Nicolas Sarkozy, n’ont plus de poids dans le parti ou à l’Assemblée nationale.

Au sein du groupe, les personnalités prêtes à suivre la ligne Copé-Sarkozy sont rares, voire inexistantes. Pour les cinq années à venir, la stratégie semble la suivante : pas d’opposition frontale et stérile mais pas de macronisme pour autant. Dès son élection au poste de président de groupe, Olivier Marleix a affirmé que LR ne participerait pas "à quelques coalitions que ce soit". Un credo répété le 28 juin à l’issue d’une réunion de tous les présidents de groupe reçus à Matignon par Élisabeth Borne : "Non à une coalition, mais oui à des échanges." En somme, tout indique qu’Olivier Marleix ne suivra pas son prédécesseur au gouvernement…

Lucas Jakubowicz

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