Face à la montée de l’antisémitisme, nous pouvons tous nous cacher derrière des marches blanches et des hashtags. Hélas, cela ne changera rien…

Académicien insulté en pleine rue par une foule hostile, boutiques marquées du mot « Juif », tags antisémites, Rivarol en tête de gondole dans des supermarchés… Depuis quelques semaines, les rues de Paris prennent un petit air de Berlin des années trente. Et ce n’est pas un épiphénomène. En une année, les actes antisémites sont en hausse de 74%. Et encore, ces chiffres ne prennent pas en compte l’antisémitisme diffus qui touche peu à peu la société française et certains quartiers dans lesquels les Français de culture juive sont partis pour cause d’insécurité culturelle et physique. Il faut utiliser le terme culture. Car un nom « typé » mais aucune pratique religieuse peut suffire à subir ce racisme.

Un exode mis sous le tapis

Certaines villes du Val-de-Marne ou de Seine-Saint-Denis, autrefois foyers de nombreuses familles ashkénazes puis séfarades ont perdu une part de leur diversité. A contrario, certains quartiers parisiens ou banlieues plus huppées (Saint-Mandé, Vincennes, Neuilly sur Seine…) sont devenus un refuge pour une population qui a « voté avec ses pieds » et opté pour un exil intérieur. Et la République peut s’estimer heureuse. Cette population n’a pas quitté l’Hexagone. Car il est cruel de le rappeler : dans notre société qui se veut laïque et tolérante ; plus de 60 000 de nos concitoyens ont effectué leur alya (immigration en Israël) entre 2000 et 2018. Bien souvent, ce n’est pas de gaité de cœur. Une perte économique et symbolique pour l’Hexagone.

En bref, les faits sont là. Ils sont matérialisés et incontestables. À juste titre, ils choquent une partie non négligeable de la population. C’est pourquoi, par républicanisme ou par volonté de récupération électorale, de nombreux partis politiques rivalisent d’effets rhétoriques pour condamner des actes inqualifiables. Et à leur initiative, une grande manifestation est prévue le mardi 19 février.

Des paroles et des actes. Chiche ?

Son déroulement semble prévisible : des propos convenus, des paroles politiquement correctes, un éloge du vivre ensemble, des hashtags, peut-être quelques larmes de crocodiles et le fameux « padamalgam ». Et le lendemain, on repliera les pancartes. Comme cela s’est passé avec Ilan Halimi en 2006 ou plus récemment avec Mireille Knoll. En attendant le prochain mort ou la nouvelle vague d’agressions.

Bien sûr, la mobilisation de la classe politique est louable. Mais quelque part, ne porte-elle pas une part de responsabilité ? Elle est en capacité politique et juridique de fermer les sites et les comptes Twitter qui diffusent la haine. Elle ne le fait pas. Elle possède le pouvoir d’identifier et de punir sévèrement les tagueurs ou les personnes qui ont insulté Alain Finkielkraut. Elle ne le fera sans doute pas. Et si sanction il y a, elle ne sera probablement pas bien sévère.

Sanctionner lourdement les petits Goebbels de troisième zone est une mesure de bon sens.

Plus largement, l’antisémitisme prospère dans les banlieues. Abandonnées par les pouvoirs publics, elles sont devenues un lieu de propagande pour les salafistes de tout poil. Mais ne mentionner que les banlieues serait réducteur. L’antisémitisme prolifère partout. La baisse du niveau scolaire, l’inculture crasse, l’appauvrissement de la langue ou la précarité économique rendent de plus en plus de personnes sensibles aux thèses complotistes.

Punir et se cultiver

Alors que faire ? Manifester certes, mais en n’oubliant pas d’aller plus loin. Fermer pour de bon tous les sites, comptes Twitter et chaînes Youtube qui servent à propager la haine est la solution la plus urgente. C’est peut-être une atteinte à la liberté d’expression, mais les propos qui y sont tenus tombent bien souvent sous le coup de la loi. Les pouvoirs publics seraient également bien inspirés de voir ce qui se dit dans certaines « organisations étudiantes » implantées sur les campus »…Et, bien entendu, sanctionner très lourdement les insulteurs publics et les Goebbels de troisième division est une mesure de bon sens.

Au-delà, il est urgent d’investir dans l’éducation et la culture. Muscler son cerveau est sans nul doute le moyen le plus utile. Cela paraît naïf, mais c’est sur la pauvreté et l’ignorance que le racisme progresse. Cela prendra du temps, mais c’est une démarche nécessaire. Sauf si nous souhaitons à terme une France privée d’une religion et d’une culture présentes sur notre sol depuis des millénaires.

Lucas Jakubowicz

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