Il est difficile pour un chef d’entreprise d’envisager de se retirer du projet d’une vie. Qui reprendra, comment transmettre, quel coût cela va-t-il engendrer, sont autant de sujets qui méritent que l’on s’y penche avant le départ à la retraite. Xavier Colard, avocat associé chez Cazals Manzo Pichot Saint Quentin, revient sur les différents procédés à étudier dans le cadre d’une transmission familiale.
Décideurs. Quel est votre rôle dans le cadre d’une transmission d’entreprise familiale ?
Xavier Colard. En tant qu’avocats fiscalistes, nous accompagnons les clients dans la détermination et la mise en œuvre de leurs projets de transmission. Nous leur proposons différentes options en présentant les conséquences fiscales qui en découlent. Notre rôle est de trouver la meilleure structuration juridique et fiscale adaptée au projet de transmission de nos clients.
 
Existe-t-il des schémas à suivre ?
Tout naturellement, lorsque nous parlons de transmission au sein d’une famille, nous pensons à la génération suivante et par conséquent à la donation à titre gratuit des titres de la société aux enfants reprenants. La donation peut porter sur la pleine propriété des titres, ou uniquement sur la nue-propriété, le donateur se réservant l’usufruit. Elle peut également, sous certaines conditions, bénéficier du régime du pacte Dutreil qui permet de transmettre des titres d’une société éligible gratuitement, avec des taux effectifs intéressants, pouvant avoisiner 4 % ou 5 % dans certains cas. Certains dirigeants peuvent souhaiter transmettre leur entreprise sans vouloir la donner à leurs enfants. Dans ce cas, ils peuvent céder les titres soit directement à leurs enfants soit à un véhicule dédié dans le cadre une opération dite de Family Buy Out (FBO) venant financer le rachat des titres par de la dette. Il n’y a pas un modèle meilleur qu’un autre, le coût fiscal ne doit être que la conséquence de la mise en œuvre d’un projet affiné en écoutant nos clients.
 
Comment choisir l’un ou l’autre de ces schémas ?
Le modèle choisi dépend du projet des clients et des modes d’éducation des familles. D‘un point de vue purement fiscal, la transmission à titre gratuit avec application du régime du pacte Dutreil est imbattable. Les taux d’imposition sont limités et la transmission est réalisée, ce qui n’est pas le cas d’un schéma de cession. En revanche, si le dirigeant sortant a besoin de liquidités pour financer sa retraite, il ne devra pas tout donner. Nous écoutons les projets pour déterminer les scénarios envisageables qui peuvent in fine aboutir à un mix des deux.
 
Pourquoi anticiper une telle opération ?
L’anticipation est le maître mot de la transmission. Il y a des questions à se poser en amont : est-ce que les enfants sont capables et ont envie de reprendre la société ? Quand et comment transmettre l’entreprise ?... De nombreux dirigeants ne prévoient rien et prennent le risque d’un accident ou d’une maladie. À ce moment-là, ils subissent une situation de fait. En matière de transmission, subir peut entraîner des conséquences financières et fiscales désastreuses sans avoir le choix du projet le plus bénéfique pour l’entreprise. Ce n’est pas parce que le sujet est mis sur la table que c’est la fin pour le dirigeant.
 
Quels sont les coûts fiscaux à prévoir et comment les optimiser ?
En cas de cession de titres de société détenus en direct, le dirigeant sera, en principe, soumis à la flat tax, voire à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, soit à un montant total d’impôt pouvant s’élever à environ 34 % de la plus-value réalisée. Le chef d’entreprise pourra, alternativement et sous conditions, bénéficier d’une imposition au barème progressif avec application des abattements pour durée de détention. Dans ce scénario, le dirigeant pourra mettre en place des opérations préalables à la cession, telles que l’apport-cession, qui permet de reporter l’imposition à un événement ultérieur en remployant 60 % du produit de cession dans des investissements éligibles. Cette opération plaît beaucoup à nos clients. Au-delà de l’intérêt fiscal, cela leur permet de poursuivre une activité d’investisseur et de faire bénéficier à de jeunes dirigeants de leur expérience.
 
Propos recueillis par Marine Fleury

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