L’OMS est aujourd’hui la première organisation de santé au niveau mondial. En pleine pandémie du Covid-19, elle est pointée du doigt pour son manque de réactivité. Décryptage de son financement et des principaux contributeurs.

"Promouvoir et veiller à la santé publique dans le monde" en établissant des règles sanitaires, voilà le leitmotiv de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Créée en 1948, l’institution, basée à Genève, est aujourd’hui présente dans plus de 194 pays. En pleine crise sanitaire liée au Covid-19, l’agence de santé est au cœur de l’actualité et montrée du doigt notamment par les États-Unis qui lui reprochent son manque de réactivité et sa connivence avec Pékin. Après avoir décidé dans un premier temps, de fermer le robinet en annonçant, lors d'une allocution du 15 avril 2020, une suspension temporaire de sa contribution à l’OMS, les Etats-Unis ont assené le 7 juillet 2020 le coup de grâce. Le pays de Donald Trump lance, et c’est officiel, une procédure de retrait de l’OMS. Une notification confirmée et reçue par le Congrès et les Nations-Unis, dont l'effet prendra naissance dans un an précisément. Un acte fort de conséquence pour l’organisation mais qui marque la fin d’une relation tumultueuse et qui fait couler beaucoup d’encre.

Une décision, non sans conséquences, qui place l’organisation sous le feu des projecteurs mondiaux. Mais, au-delà de cette annonce médiatique, se pose la question de son mode de financement et de la composition comme de la répartition de son budget.

Répartition du budget 2020/2021

La 72e assemblée mondiale de la santé de l’OMS actait en mai 2019 le budget 2020/2021. Une enveloppe de 5,840 milliards de dollars est ainsi déployée pour couvrir l’intégralité des programmes de santé. Un budget qui, d’après Anne Sénéquier, médecin, chercheuse et codirectrice de l’Observatoire de la santé mondiale de l'IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), apparaît bien dérisoire, rappelant que le budget de l’OMS est loin d’être suffisant pour enrailler une pandémie.

Une enveloppe de 5,840 milliards de dollars est ainsi déployée pour couvrir l’intégralité des programmes de santé

Le procès-verbal de l’assemblée y retrace les principales priorités de l’organisation. Le premier poste de dépenses est associé au programme de couverture sanitaire universelle pour un montant de 1,35 milliard de dollars. Vient ensuite le programme intitulé "Une OMS plus efficace et efficiente apportant un meilleur soutien aux pays". Lequel se voit attribuer une enveloppe significative de 1,09 milliard de dollars. Par ailleurs, 888,8 millions de dollars sont également alloués pour faire face aux urgences sanitaires. Le bien-être et la préservation d’un meilleur état de santé sont également à l’honneur puisque l’organisation y consacre 431,1 millions de dollars. Dans les autres secteurs mentionnés, l’OMS reste très engagée dans la lutte pour l’éradication de la poliomyélite avec un budget de 863 millions de dollars. Elle accorde également 208,7 millions de dollars pour le financement de ses programmes spéciaux. Pour finir, l’organisation prévoit 1 milliard de dollars pour "les opérations d’urgence et appels", qui peuvent, pour reprendre les termes de la décision d’attribution,  "être revues à la hausse, si nécessaire."

Toujours dans sa stratégie d’accompagnement dans la lutte des crises sanitaires, l’OMS, avec l’Unicef, annonçait, le 3 avril 2020, un nouveau programme nommé "Fonds de solidarité Covid-19", créé avec l’intervention commune de la Fondation des Nations unies et de la Fondation suisse de philanthropie. En seulement trois semaines, le plan récoltait plus de 127 millions de dollars. Un financement obtenu grâce à 219 000 contributeurs privés et 90 entreprises et organisations mondiales d’après le communiqué publié sur le site de l’Unicef.

Des contributions fixes à hauteur de 20 % et pour 80 %, de contributions volontaires

Un montant qui peut être amené à évoluer en fonction des diverses urgences sanitaires dans le monde comme cela fut le cas avec la lutte contre le virus Ebola. Mais comment se répartit concrètement le financement de ce budget ? Deux grandes sources d’apport sont à considérer. Le site Internet de l’organisation révèle qu’il se compose de contributions qualifiées de "fixes" et évaluées "en fonction de la fortune et de la population du pays". Un versement auquel les 194 pays membres sont redevables dès le 1er janvier de l’année en cours. Ces subventions représentent un peu moins de 20 % du budget global de l’OMS, soit 956,9 millions de dollars. Le reste, soit 80 % du budget, est constitué par des contributions dites "volontaires". Soit l’ensemble des sommes versées librement par un certain nombre d’entités à l’image des États membres, des acteurs publics mais également privés ou encore par des organisations gouvernementales ou non. Ces dernières années, l’organisation enregistre une explosion du nombre de financements de ces acteurs privés. Une évolution qu’il convient d’encourager d’après Anne Sénéquier, qui rappelle l’impérieuse "nécessité d’un financement plus diversifié et moins ciblé pour une plus grande flexibilité budgétaire".

La liste des bienfaiteurs de l’organisation dépendante de l’ONU pour l’année 2018 est longue. Et pour n’en citer que quelques-uns, retenons la fondation Bill & Melinda Gates, la Gavi Alliance, Baxter international Inc., la Commission européenne, le Rotary International ou encore l’Unicef. 

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Les États-Unis, premier contributeur

C’est peu de dire que la remise en question par les États-Unis de sa participation au financement de l’OMS a créé la controverse parmi tous les acteurs mondiaux en pleine crise sanitaire mondiale. Son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors de la décision de suspension temporaire de la contribution du 15 avril 2020, déclarait déjà  "regretter" cette décision, et se disait prêt à étudier les éventuels impacts tout en recherchant des solutions alternatives afin de contrebalancer cette perte temporaire. Les États-Unis, rappelons-le, participent à hauteur de plus de 400 millions de dollars depuis plusieurs années. Ce qui les inscrit à ce titre comme le plus grand contributeur volontaire, d’après les derniers chiffres disponibles de 2018, avec un don de plus de 281 millions de dollars. Une somme à mettre en relief avec la seconde plus grosse participation volontaire privée, celle de la fondation Bill & Melinda Gates, de 229 millions d’euros, pourtant moins généreuse cette année-là puisque, en 2017, elle avait contribué à hauteur de 324 millions de dollars. Le Royaume-Uni ferme ce trio de tête avec un financement de l’ordre de 205,2 millions de dollars.

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Les États-Unis ne sont, par ailleurs, pas en reste car ils sont également redevables de la contribution fixe la plus élevée, établie compte tenu de sa population et en rapport avec un PIB, d’après le FMI en 2019, de 14 217 milliards. Ainsi, le géant américain doit débourser plus de 115,8 millions de dollars par an pour son "membership" à l’OMS. La Chine, qu’il stigmatise en lui réclamant de rendre des comptes, arrive au deuxième rang, bien loin derrière, avec une contribution fixe de 57,4 millions de dollars pour l’année 2020. La France, quant à elle, se classe sixième avec 21,2 millions de dollars de contributions pour l’année en cours.

Si l’annonce officielle du lancement de la procédure de retrait du géant américain fait légitimement trembler l’OMS et fait réagir tout l’écosystème, ce conflit souligne la nécessité d’approfondir une réflexion sur ses sources de financement privé et donc sur son indépendance vis-à-vis des États, rendue plus que jamais nécessaire pour gérer les grands défis auxquels l’humanité est confrontée.

Alexandre Lauret

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