Chaque secteur d’activité connaît ses propres évolutions, ses propres mouvements de structuration (concentration, fusion, scission, etc.) et se trouve régulièrement impacté par des réglementations tantôt facilitatrices, tantôt contraignantes. Le secteur de la santé ne fait pas exception. Sans revenir sur les causes et les effets qui secouent la profession, il est indispensable d’identifier les éléments structurants qui conditionnent la réussite des entreprises et des projets des opérateurs sanitaires. Dès lors, en vue de son efficience, quels indicateurs primordiaux faut-il retenir et quels facteurs de vigilance mettre en exergue dans le pilotage de l’activité ou des projets d’un opérateur ?

Le secteur de la santé vit aujourd’hui sous le coup de nombreuses réformes attendues ou annoncées (par exemple celles des autorisations de soins et d’activités), ou bien encore craintes (modifications des nomenclatures et cotations des actes), et s’inscrit dans les mouvances de gestion publique en vogue : contractualisation, territorialisation, certification et in fine pilotage de l’activité et des opérateurs par les autorités publiques nationales comme régionales, professionnelles comme sectorielles.

Les opérateurs de ce secteur sont très divers et relèvent pour partie d’une histoire, fruit de la solidarité nationale et des politiques sanitaires qui se sont succédées depuis 1946 : établissements de santé, publics, privés, à but lucratif ou d’intérêt collectif, associations, congrégations, cabinets médicaux et paramédicaux libéraux, en exercice en commun ou en société d’exercice, maisons et centres de santé, communautés professionnelles de territoire (CPTS) etc. Autant d’acteurs, dépendant à la fois de règles spécifiques encadrées par exemple par le code de la santé publique ou le code de la sécurité sociale, ou des réglementations spécifiques comme les sociétés d’exercice libéral, et par des règles communes liées à leur forme ou objet juridiques (code de commerce, code civil notamment) qui se trouvent tantôt en concurrence les uns des autres, tantôt en coopération, voulue ou incitée par les autorités de tutelle.

Objectifs de l’opérateur et enjeux

Ces opérateurs poursuivent des objectifs et des buts économiques emprunts à la fois de leurs projets paramédicaux et /ou médicaux et de leur modèle économique : gains d’efficacité, rentabilité, circuits patients et filières de soins, positionnement territorial, etc. Ces objectifs, multiples, conduisent ’opérateur à envisager son pilotage et ses projets sous l’angle d’une efficience à établir, consolider ou provoquer. D’autant qu’il n’opère pas seul, et qu’il est soumis aujourd’hui à des enjeux spécifiques : recrutement, ressources humaines, investissements, regroupement, et bien sûr la financiarisation.

Critères et points de vigilance internes

Les premiers critères de succès sont d’ordre interne. Ils reposent en premier lieu sur la structuration de l’opérateur : sa forme juridique (civile ou commerciale), sa gouvernance (centralisée ou collégiale), le niveau de participation de ses membres à la vie de la structure, et leur capacité à partager un intuitu personae et des visions communes de leur exercice ou missions. En second lieu, les condit ions de réussite dépendent des ressources internes, directes ou indirectes (partagées avec d’autres ou mises en commun). Il s’agit non seulement des personnels médicaux ou paramédicaux, mais aussi des fonctions supports ou logistiques, des capacités techniques, de la qualité des investissements notamment. Il faut y ajouter les autorisations administratives dont il est titré (activités, soins, équipements) et les normes professionnelles auxquelles il doit se soumettre (ASN, certification, labélisation, cahiers des charges dédiés, etc.). Les SII et supports techniques aux dossiers patients et données seront également des axes et atouts majeurs.

"L’opérateur envisage son pilotage et ses projets sous l’angle d’une efficience à établir, consolider ou provoquer"

La mobilisation des ressources et des moyens

Sa capacité à mobiliser ces ressources et ces moyens conditionne également son positionnement parmi les autres opérateurs ; elle obérera ou renforcera son attractivité, sa capacité à fonctionner et surtout à s’adapter au contexte sanitaire, local comme national, au caractère de plus en plus mouvant et imprévisible (on l’a vu avec la Covid-19). Son aptitude à coopérer avec d’autres opérateurs de même rang ou non, à innover dans l’organisation de ses activités comme des filières, et bien souvent à dépasser les clivages traditionnels tels que public/privé, hospitaliers/libéraux, traduiront son adaptabilité aux évolutions extérieures. Inventer son projet de demain doit rester à la discrétion de l’opérateur, que celui-ci passe ou non par des adossements à d’autres types d’opérateurs.

L’opérateur : un opportuniste ?

L’opérateur doit également se saisir des opportunités pour conforter son positionnement et s’affirmer dans la planification sanitaire : conseils de l’Ordre, instances professionnelles, syndicats, et bien sûr être promoteur de l’offre de soins auprès des ARS (Agences régionales de santé), avec une attention particulière aux projets et schémas régionaux de santé, à leur établissement comme leur révision.

Adaptabilité et réversibilité ?

Son adaptabilité sera aussi un atout. Mais attention : toutes les opérations ne sont pas réversibles à périmètre identique. Par exemple, une fois cédées, les autorisations ne sont pas ré-internalisables sans négociation et sans titrage nouveau. De même, en cas de cession, adossement ou fusion entre opérateurs, il n’est pas aisé de mettre un terme au projet commun ou à l’opération réalisée, sans coûts financiers. De plus, les aléas de la négociation peuvent fragiliser l’opérateur concerné, dégradant d’autant son efficience. D’ailleurs, celle-ci sera conditionnée par le réseau ou le groupe rejoint ; l’opérateur n’en sera pas le seul arbitre ni le seul modérateur. Il court alors le risque d’être dilué ou parasité par des éléments exogènes qui impacteront négativement son efficience, rendant vulnérable l’opérateur ou ralentissant son développement.

La mesure de l’efficience ne peut donc pas se limiter à une simple lecture économique des critères et des modalités d’organisation de l’opérateur ; elle doit être appréciée au regard des missions et des objectifs, et bien souvent sur un terme différent de celui annoncé pour un rendement économique attendu. Il revient à chaque opérateur de connaître ses points forts et ses points faibles et de déterminer son projet. Cela contribuera à calibrer son efficience.

SUR L’AUTEUR

Me Alix Domas-Descos intervient principalement en droit de la santé et droit des sociétés. Elle assiste les opérateurs (médecins, établissements, maisons de santé, groupements de moyens, d’exercice ou d’exploitation, CPTS, etc.) dans leurs projets médicaux et socio-économiques, comme dans leur fonctionnement structurel quotidien. L’équipe d’A2D avocats les accompagne dans leurs orientations, mises en oeuvre et organisations juridiques.

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