Michel Rességuier est à la tête de Prospheres, qu’il a fondé il y plus de vingt ans. Une période pendant laquelle il a accompagné plus de 200 entreprises dont Agatha et Thomas Cook. Il revient sur l’importance du profil du CRO et la palette de qualités nécessaires à ce métier.

Décideurs. Parmi toutes les entreprises auprès desquelles vous êtes intervenu, laquelle vous a le plus marqué ?

Michel Rességuier. Toutes les entreprises m’ont marqué. C’est toujours un petit deuil de les quitter. Pour en choisir une, je pourrais citer les bijoux Agatha: la dynamique des équipes était particulièrement forte, elles étaient très engagées dans la transformation de l’entreprise et nous avons opéré avec les salariés un repositionnement de la marque. La cliente d’Agatha avait changé ; il fallait cibler une autre femme, ni du même âge, ni de la même catégorie socioprofessionnelle. Ce travail stratégique de fond, associé à la dynamique des salariés, m’a enthousiasmé. Mais chacune des 200 entreprises que nous avons accompagnées en vingt ans est spécifi que. Ce que nous leur apportons, ce sont avant tout des outils et de l’expérience pour permettre à une collectivité de revisiter son utilité sociétale et de se repositionner sur ses marchés.

"Il y a un côté Jeanne d'Arc dans le métier de CRO"

Pour vous qu’est-ce qu’un bon CRO ?

Il me semble qu’il faut aimer servir, aimer aider, et disposer d’une bonne capacité à entendre le besoin des autres. Il y a un côté Jeanne d'Arc dans le métier de CRO, le besoin de contribuer à la pérennisation des activités de l’entreprise. L’écoute doit s’accompagner d’une aptitude à remettre tout en cause et à ne pas tenir pour acquis les croyances de l’entreprise, même si après étude, nombre d’entre elles se révèlent finalement toujours valides. Il faut aussi être doté d’une certaine humilité, lorsque vous arrivez dans une nouvelle société, tout est à réapprendre aux côtés des salariés : ils connaissent leur métier et pas nous.

Comment arriver dans un moment de crise pour l’entreprise ?

Heureusement, nous n’arrivons pas toujours dans un moment de crise. De nombreuses entreprises nous sollicitent en amont. Mais quelle que soit la situation, nous sommes généralement bien accueillis : les salariés apprécient notre apport pour revisiter leur fonctionnement et leur modèle économique. Il faut aussi être courageux, car nous ne sommes pas toujours le "good guy", il ne faut pas avoir peur d’endosser la responsabilité de choix engageants pour l’entreprise. Ces choix sont toujours dic- tés par le souci de pérenniser au mieux les activités et les emplois, c’est notre boussole. Nous devons aussi être capables de passer dans la même journée de l’analyse stratégique à l’action opérationnelle, de la revue du modèle économique à la révision d’un délai de livraison dans l’entrepôt avec les équipes. CRO est un métier de service, nous re- crutons des dirigeants que nous formons à le devenir dans n’importe quelle entreprise et quel que soit le contexte. Ensuite, lorsque nous ne sommes plus vraiment nécessaires, il faut savoir partir ou nous restreindre à jouer un rôle plus modeste de chairman ou d’administrateur : un peu comme un médecin dont le patient est guéri. Un CRO est un dirigeant qui cherche à se rendre inutile, car cela veut dire que sa mission est réussie.

À quelles évolutions notables de votre métier vous attendez-vous dans les prochaines années ?

Nous faisons aussi un métier dangereux. La société se judiciarise, infl uencée par le droit anglo-saxon. Les CRO doivent être de plus en plus rigoureux face à l’augmentation du risque. En raison de l’infl uence croissante du droit anglo-saxon sur le modèle du droit napoléonien français, le pouvoir d’apprécia- tion des juges grandit, inspiré du contrôle a posteriori. Or nous intervenons dans des si- tuations complexes et nous avons besoin de connaître les règles a priori.

Parcours 

  • 1986 : diplômé de l’Essec.
  • 1987-1991 : intègre Arthur Andersen dans les équipes "missions spéciales".
  • 1993 : arrive dans le groupe La Poste où il crée le département M&A du groupe.
  • 1996-2001 : prend la direction de Docapost.
  • 2001 : création de Prospheres.
  • 2001 – 2023 : prend en charge la restructuration d’une vingtaine de sociétés dont Agatha, Tati, CMG Sports Club, Thomas Cook...

Propos recueillis par Céline Toni 

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