Après plusieurs semaines de report, le tribunal de commerce de Grenoble vient de placer en redressement judiciaire le groupe Go Sport. La branche française, à l’inverse, n’est pas encore en cessation des paiements, mais les difficultés du vendeur d'équipements sportifs font courir un risque aux 2000 salariés de Go Sport France. Un redressement qui s'annonce complexe, le parquet a fait savoir qu'une enquête préliminaire pour "abus de bien social" était ouverte en parallèle.

"Par un jugement solidement motivé, le tribunal de commerce a constaté l’état de cessation des paiements de la société Groupe Go Sport et a ouvert une procédure en redressement judiciaire" a annoncé dans un communiqué, le procureur de la République adjoint de Grenoble. A la suite de cette décision, "deux administrateurs et deux mandataires judiciaires ont été désignés pour une première période d’observation de six mois, afin de gérer l’entreprise dans le meilleur intérêt des salariés et des créanciers, sous le contrôle des juges et du parquet", a ajouté le parquet, avant de préciser que "la société Go Sport France n’est pas déclarée en cessation des paiements, mais sa situation sera impactée par celle de sa société mère"

Alors que Go Sport France disposerait d’un excédent d’actif disponible de près d’1,5 million d’euros, le tribunal a annoncé que le groupe Go Sport accusait un déficit de 3,8 millions d’euros malgré un report de dette fournisseur - notamment auprès d’Adidas - et un apport de 4 millions d’euros de sa société mère HPB. Une situation de cessation des paiements confirmée par un rapport de Eight Advisory, cité par le tribunal de commerce de Grenoble. 

"La chaîne d’équipements sportifs avait bénéficié de PGE pour un montant de 55 millions d’euros pour survivre à la crise sanitaire, mais les difficultés ont perduré"

Des difficultés qui ne datent pas d’hier  

Go Sport, fondé près de Grenoble en 1976, est déficitaire depuis plusieurs années. En 2021, le groupe avait été racheté pour un euro symbolique par Hermione people and brands (HPB), la branche dédiée au commerce de détail de la Financière immobilière bordelaise (FIB), appartenant à Michel Ohayon, qui possédait Camaïeu jusqu’à sa récente liquidation. La chaîne d’équipements sportifs avait bénéficié de PGE pour un montant de 55 millions d’euros pour survivre à la crise sanitaire, mais les difficultés ont perduré et le chiffre d’affaires s’est dégradé d’après KPMG et EY, les commissaires aux comptes du groupe.

"KPMG et EY ont signalé au parquet des mouvements de trésorerie suspects qui pèseraient sur la comptabilité du groupe"

La justice pénale se penche sur le dossier 

En début de semaine, d’après Libération, les cabinets KPMG et EY ont signalé au parquet des mouvements de trésorerie qui pèseraient sur la comptabilité du groupe. En 2021, les comptes de Go Sport auraient servi à financer les déficits de Camaïeu. L’enseigne de prêt-à-porter, appartenant au groupe de Michel Ohayon, a été placée depuis en liquidation judiciaire, entraînant un PSE pour les 2100 salariés concernés par un licenciement économique. Autre mouvement suspect pour la justice : l’intégration de 21 magasins Gap au groupe Go Sport en 2022. Une acquisition financée à hauteur de 36 millions d’euros par le vendeur d’équipements sportifs alors que Gap, toujours en difficulté, avait été racheté pour un euro par HPB en 2021. Le parquet de Grenoble a ouvert une enquête préliminaire pour "abus de bien social". 

Coup dur pour le retail 

Après Camaïeu il y a quelques mois et Place du Marché en ce début d’année 2023, la mise en redressement judiciaire du groupe Go Sport confirme que le BtC est en première ligne sur le front des entreprises en difficulté. Le commerce de détail est particulièrement touché par la hausse des défaillances, avec une augmentation de + 85% en 2022 dans le secteur, alors que la moyenne est de +49,9 % d’après le dernier bilan Altares D&B. A l’origine de cette tendance ? "Les difficultés d’approvisionnement, l’explosion des coûts des matériaux et les problèmes de recrutementainsi que des tensions sur le marché du financement. " Les contraintes financières (remboursement des dettes Covid et notamment PGE; inflation; hausse des taux; facture énergétique, etc.) sont malheureusement vouées à peser toujours plus lourd", explique Thierry Million, directeur des études d’Altares. Conscients des difficultés dans leur secteur et des troubles autour de Go Sport, les salariés du groupe sont inquiets. Jean-Henri Miszel, membre du CSE central, craint que "le redressement judiciaire de Groupe Go Sport n'entraîne [celui] de Go Sport France". Les mois à venir vont être cruciaux pour leur avenir.

Céline Toni

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