La femme la plus riche d’Allemagne descend d’une lignée d’industriels. Mais elle ne se contente pas de jouir de sa fortune. Elle sait aussi agir pour faire fructifier son empire. Dernière décision en date, orienter BMW vers l’électrique.

La saga de la famille Quandt débute à la fin du XIXe siècle, période durant laquelle le patriarche, Emil, construit une importante firme textile. Son fils Gunther reprend le flambeau et transforme le groupe en véritable conglomérat, notamment grâce à l’acquisition de parts dans BMW. Chez les Quandt, deux règles sont de mise : l’affaire familiale doit grandir et les descendants doivent en garder le contrôle. Le fils de Gunther, Herbert, retient ces préceptes et transfère un groupe en bonne santé à sa femme Johanna qui, à sa mort en 2015, laisse le contrôle à ses deux enfants : Stefan et Susanne. Cette dernière possède notamment 19,2% de BMW mais aussi des parts dans SGL Carbon. De quoi lui donner une fortune estimée à près de 17 milliards d’euros en 2018.

Personnalité publique malgré elle

Une telle somme ne lui fait pourtant pas perdre la tête et basculer dans les rangs des « fils de » jetsetteurs. Chez les Quandt l’éducation met l’accent sur la sobriété et la volonté de ne pas faire parler de soi. Pourtant, malgré elle, Susanne, devenue Klatten après son mariage, devient un personnage médiatique. En 1978, alors qu’elle n’a que 16 ans, la police déjoue une tentative d’enlèvement. En 2010, la milliardaire fait la Une des journaux en attaquant publiquement Helg Sgarbi, son amant. Ce gigolo suisse a tenté de lui extorquer des millions d’euros en menaçant, notamment de publier des vidéos compromettantes. Elle obtient gain de cause et le maître chanteur termine sa carrière derrière les barreaux.

Lumière sur le passé

Mais Susanne Klatten n’est pas qu’une personnalité connue dans les rubriques « faits divers ». Loin de se contenter du rôle d’héritière, elle a décidé de faire la lumière sur le passé sombre du groupe durant le troisième Reich. Elle et son frère ont commandé à des historiens un documentaire sans concession sur le rôle de la famille Quandt pendant la seconde guerre mondiale. Ce qui donne naissance en 2007 au documentaire « Le silence des Quandt ». Celui-ci est accablant : exploitation de prisonniers de camps de concentration, participation active à « l’aryanisation de l’économie » et soutien actif au régime nazi. Magda Goebbels, épouse du ministre de la Propagande, fut également la première femme de Gunther Quandt. L’héritière assume et n’élude plus le rôle de sa famille, pendant longtemps resté tabou. Une tâche difficile qui lui doit plus de respect que d’opprobre de la part de ses concitoyens. L’initiative a également poussé plusieurs entreprises allemandes, notamment Hugo Boss, à rendre public leur sombre passé.

Femme d’action

Loin de se consacrer uniquement au travail de mémoire, Susanne Klatten est avant tout une femme d’affaires avisée. En 2010, elle étend l’empire familial en prenant le contrôle de la société de chimie Altana. Elle suit également de très près la situation de BMW. Son père a redressé le constructeur, sa mission est pour elle sacrée : ne pas laisser la firme de Munich dépérir. C’est ainsi qu’à l’été 2019 elle frappe du poing sur la table et se sépare d’Harald Kruger qui, depuis 2015, était à la tête du groupe. Celui-ci, désormais remplacé par Oliver Zipse, a décidé de diminuer les investissements dans les véhicules hybrides et électriques. Une faute impardonnable à l’heure des nouvelles réglementations et de la prise de conscience écologique. La stratégie aurait pu mettre en péril l’avenir du groupe sur le moyen terme, d’autant plus que de nombreux spécialistes de l’électrique sont partis chez les concurrents, notamment Mercedes et Volkswagen. Inacceptable pour cette mère de famille qui souhaite transmettre à ses trois enfants un empire industriel plus performant que lors de son arrivée.

Lucas Jakubowicz

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