Jeanne Sivieude, responsable données personnelles et conformité chez Samsung Electronics France depuis quatre ans, présente les avancées en matière de gestion des données personnelles, notamment sous le prisme du Web3 et ses métavers.

Décideurs. Qu’est-ce qui a le plus changé en matière de gestion de la collecte des données personnelles ?

Jeanne Sivieude. L’une des évolutions majeures pour les éditeurs de sites est la collecte de données via les cookies. Il y a quelques années, un simple balayage du curseur sur une page suffisait à valider l’usage de cookies et la collecte de données personnelles. Depuis 2021, ce n’est plus suffisant et avec les fameux bandeaux, les utilisateurs doivent cliquer pour accepter ou non les cookies avant d’accéder au site. Dorénavant, les utilisateurs peuvent naviguer sur un site sans que celui-ci utilise leurs données à des fins commerciales.

Plus globalement, le contexte juridique évolue énormément et les textes qui sont susceptibles d’influer sur la gestion des données ou la transparence de l’information sont nombreux : DMA, le DSA, le Data Act, l’IA Act... Ils visent à harmoniser les règles d’utilisation des données des Européens, à garantir aux utilisateurs plus de transparence et de contrôle. Ils créent le socle commun d’une économie qui avance avec les utilisateurs, et non pas à leur détriment.

"L’engouement pour le Web3 repose sur le fait qu'aucune entité ne détiendrait les données d’un nombre disproportionné d’utilisateurs"

Si la Cnil oeuvre depuis des décennies à cette transparence autour de l’utilisation de données personnelles, de plus en plus d’utilisateurs l’appellent de leurs voeux. Selon moi, acteurs et utilisateurs convergent vers une gestion des données davantage en faveur de l’utilisateur. D’où l’engouement pour le Web3, la version décentralisée du Web2, dans lequel aucune entité ne détiendrait les données d’un nombre disproportionné d’utilisateurs.

Comment la gestion de données personnelles sera-t-elle adaptée au format immersif des métavers ?

Toutes les entreprises ayant une présence numérique s’intéressent au Web3, qui viendra compléter, voire remplacer le Web2 qu’on appelle aussi « Web participatif » qui avait permis l’avènement des plateformes et réseaux sociaux. La décentralisation, une des valeurs phares des cryptomonnaies, de la blockchain et du Web3, va aussi avoir une incidence sur la gestion des données des utilisateurs. Dans les métavers, celle-ci va dépendre d’un outil incontournable pour les utilisateurs des cryptoactifs : le wallet. En plus de sa capacité de stockage de cryptos et NFTs, ce portefeuille virtuel contiendra les données de l’utilisateur qui pourra décider des données qu’il autorise ou non de partager. Chacun pourra choisir quelles données il accepte de divulguer, avec un choix différent possible par plateforme. Il aura ainsi le contrôle sur son identité numérique.

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Le passage de la réalité aux métavers entraîne la génération d’une nouvelle catégorie de données : les données physiologiques des utilisateurs virtuels. Quelles sont les pistes pour y accéder ?

Dans les métavers, la collecte des données inclura les mouvements corporels les plus infimes. Les clignements des yeux ou un changement dans le rythme cardiaque d’un utilisateur permettraient d’estimer un degré d’intérêt afin de cibler les contenus ou publicités présentés. Ces signaux physiologiques sont émis par les individus en permanence. Déjà, des sociétés ont commencé à affiner leurs modèles d’intelligence d’artificielle pour mieux décrypter ces signaux.

Dès maintenant, il est essentiel d’identifier les données qui sont collectées et pour quelles finalités mais aussi les acteurs qui les collectent et ceux qui doivent informer les utilisateurs, comme les plateformes, créateurs d’univers, fabricants de dispositifs tels que des casques VR [réalité virtuelle, ndlr]. Les réglementations comme celles de la Cnil sur les cookies seront-elles suffisantes ? Pour ma part, je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter de l’expansion du Web3. Des outils juridiques existent pour protéger les utilisateurs, les entreprises et les institutions. La priorité est d’adapter le cadre existant à ces nouvelles technologies. Les réponses suivront.

Propos recueillis par Alexandra Bui

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