Dans le rapport sur la mise en œuvre par la France des mesures qu’elle lui avait recommandé de prendre en 2019, le Greco pointe l’absence de changement dans la composition de la Cour de Justice de la République et fustige le procédé des remontées d’informations vers l’exécutif.

En décembre 2019, le Greco avait soufflé à la France de modifier la composition de la Cour de Justice de la République. Entre autres recommandations adressées à l’Hexagone pour la “prévention de la corruption et promotion de l’intégrité au sein des gouvernements centraux (hautes fonctions de l’exécutif) et des services répressifs” dans un rapport dit d’Évaluation du Cinquième Cycle. Le bilan publié le 10 avril 2024 est nuancé. Sur dix-huit recommandations, seules deux ont été mises en œuvre de façon satisfaisante. Dix l’ont été partiellement. Et parmi les six qui n’ont pas du tout été mises en œuvre, l’épineuse question de la Cour de Justice de la République figure en bonne place, aux côtés de la remontée des informations du parquet national financier (PNF) vers l’exécutif ou encore du dispositif du lanceur d’alerte.

Doutes sur l’impartialité de la CJR

À l’époque, le Greco avait recommandé que “pour des faits de corruption ayant trait à l’exercice de leurs fonctions, les membres du gouvernement soient soumis à une juridiction garantissant une totale indépendance et impartialité non seulement réelle, mais aussi perçue comme telle”. Il faut voir ici une référence aux critères d’indépendance objective et subjective chers à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne en matière d’impartialité du juge. Ce n’est pas la première fois que l’organe du Conseil de l'Europe rappelle à l’ordre la France en la matière. La remarque avait déjà été consignée dans un précédent rapport. En ce printemps 2024, le Greco le répète, la composition de la Cour (douze parlementaires et trois magistrats du siège à la Cour de cassation) est de “nature à jeter un doute sur l’indépendance et l’impartialité de cette juridiction, puisque des politiques sont, au moins partiellement, jugées par leurs pairs”.

Une clémence qui dérange

Pour redorer l’image de la Cour de justice de la République, les autorités françaises rappellent la condamnation à un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende qu’elle a prononcée en 2022 contre l’ancien ministre Kader Arif. Et le renvoi par sa commission d’instruction d’Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice en exercice, pour prise illégale d'intérêts. L’issue du procès, en novembre 2023, devait le déclarer non coupable des faits, faute d’élément intentionnel.

L’argument ne prend pas pour l’entité anticorruption européenne. Elle constate que la France n’a rien changé à la CJR. Elle pointe aussi du doigt de récentes affaires – celle de Dupond-Moretti – qui ont relancé le débat quant à l’indépendance et l’impartialité de la juridiction d’exception. Avec à l’appui les plaidoyers de Transparency International et une analyse du journal Le Monde titré Pourquoi il faut supprimer la Cour de Justice de la République, institution qui souffre depuis sa création en 1993 de “difficultés congénitales et de conflits d’intérêts rédhibitoires”. Les juges parlementaires font craindre une atteinte à une stricte séparation des pouvoirs. Et ne renvoient pas ce sentiment d’une “justice bien rendue”, comme le voudrait la théorie des apparences et de l’impartialité subjective. Par ailleurs, d’aucuns ont fait remarquer que dans l’affaire Éric Dupond-Moretti, les magistrats occupaient tous les rôles : victimes, plaignants, témoins. On s’indigne encore de la clémence de la CJR. Sur les douze membres du gouvernement jugés depuis trente ans, dans quatorze affaires, les prévenus ont été relaxés dans sept affaires, dispensés de peine dans deux autres, condamnés à des peines avec sursis dans les cinq dernières.

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Remontées d’information problématiques

Autre point d’attention du Greco, le PNF : si ses préconisations sur le renforcement des effectifs ont été suivies, la remontée d’informations du PNF vers l’exécutif sur les procédures en cours concernant des personnes exerçant de hautes fonctions de l’exécutif reste problématique. Les Français les justifient par un “unique objectif de permettre au ministère de définir une politique pénale la plus adaptée à chaque contentieux”. Ces remontées n’auraient rien de systématique et seraient réservées aux affaires au retentissement médiatique ou aux enjeux diplomatiques. Peu importe, la France peut mieux faire selon le Greco. En matière de lanceur d’alerte, les efforts paient. La France reçoit une relative bonne note pour son dispositif, qu’elle a renforcé ces dernières années avec la loi Waserman du 21 mars 2022. Un bilan du Défenseur des droits sur l’efficacité réelle du dispositif est attendu pour 2024.

Anne-Laure Blouin

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