Alors que l’absence de grands dirigeants de la finance mondiale sème un vent d’inquiétude parmi les acteurs de la COP 27, l’année 2022 a été particulièrement mouvementée pour les supports de placement responsable. Pourtant, la promesse de la finance verte reste attrayante, mais surtout pertinente à l’heure où la prise de conscience environnementale semble résonner auprès d’une population de plus en plus large.

Son principe est assez simple à comprendre. Dans la chaîne de valeurs de l’épargne et l’investissement, on distingue l’épargnant – qui souhaite faire fructifier son épargne ; la société de gestion – dont le mandat consiste à placer le pécule de l’épargnant ; et enfin, les entreprises – à la recherche de sources de financement. Si pour l’investissement traditionnel, les critères de sélection pour investir dans des entreprises repose essentiellement sur des critères financiers ou économiques, la grande innovation de l’investissement responsable consiste à y ajouter de nouveaux critères non financiers. Ceux-ci s’appuient le plus souvent sur les trois fameux piliers ESG, un acronyme désignant des critères environnementaux, sociaux ou de bonne gouvernance visant à évaluer la qualité extra-financière d’une entreprise. Par exemple, parmi les indicateurs pouvant être utilisés pour apprécier le pilier environnemental, on trouve les émissions de dioxyde de carbone, de consommation en énergie, de gestion de l’eau ou des déchets. Et parmi les indicateurs sociaux, il pourra s’agir de la qualité du dialogue social, de la politique menée en matière de prévention des accidents ou encore de la formation du personnel.

Seulement voilà. Derrière l’idée d’une finance, et donc d’un capitalisme responsable, se cachent en réalité des appréciations souvent différentes sur le diagnostic extra-financier des entreprises et sur les moyens à mettre en œuvre pour converger vers un monde plus "vertueux". Tout cela est parfaitement logique. Investir avec une vision responsable suppose de défendre certaines valeurs et induit une part de subjectivité, pour ne pas dire une dimension politique. Par exemple, que penser de l’investissement dans une entreprise pétrolière ? Certains fonds de placement s’y opposeront pour des raisons évidentes alors que d’autres la verront au contraire plutôt d’un bon œil si elle est en mesure de justifier qu’elle s’inscrit bien dans une dynamique de transition et qu’elle opère effectivement un virage de son modèle économique vers les énergies renouvelables.

Il serait ainsi illusoire de penser qu’il n’existe qu’une seule finance responsable

Évidemment, on ne peut que se réjouir de l’engouement que suscite ce phénomène. En 2020, on estimait à environ 35 000 milliards de dollars d’encours gérés avec une politique d’investissement responsable, soit environ 36% des encours mondiaux. Mais l’un des risques avec une finance responsable à géométrie variable, c’est de formuler une promesse en décalage avec la perception de l’épargnant.

En réalité, il existe cinq failles qui caractérisent et menacent la finance responsable. La première concerne la cacophonie et la complexité qu’il peut y avoir à distinguer les différentes approches visant à la définir, rendant les discours autour de la finance verte parfois inaudibles. La deuxième faille touche l’épargnant et son comportement souvent irrationnel en matière de placements. La troisième implique les sociétés de gestion qui jouent les équilibristes pour allier recherche de rendement et quête de sens. La quatrième concerne les entreprises encouragées à endosser une responsabilité sociale toujours plus forte conduisant certaines d’entre elles à une forme de surenchère, le greenwashing. Enfin, la cinquième faille aborde un sujet trop peu souvent débattu, celui de la souveraineté de la donnée extra-financière et ce que cette dernière implique pour la défense de notre tissu commercial et industriel.

Il serait ainsi illusoire de penser qu’il n’existe qu’une seule finance responsable. C’est pour cela qu’il est primordial de bien saisir les subtilités de chacune des cinq failles. Finalement, selon le niveau d’exigence attendu par un épargnant en matière environnementale ou sociale, il ne suffirait que d’un pas pour basculer d’une finance responsable vers une finance irresponsable…

Mickaël Berrebi est un spécialiste de l'investissement et conseille les grandes entreprises et investisseurs institutionnels. Diplômé de l'Essec et membre certifié de l'Institut des actuaires, il est également coauteur de plusieurs ouvrages d'économie. Dernièrement : Investir pour nos valeurs ? Les cinq failles de la finance responsable : entre promesse et réalité. Éditions Eyrolles, 2022. 

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