L’une des grandes anxiétés liées à la transition écologique consiste en la remise en cause du système capitalistique et des emplois qui l’alimentent. En effet, si d’aventure l’opportunité de sauver la planète nous traversait l’esprit, certains métiers s’en retrouveraient affectés.

Si en 2020 Emmanuel Macron avait défendu la 5G et ironisé sur le modèle Amish, la perspective d’un hiver 2023 contrarié par des coupures d’électricité devrait le réconcilier avec cette communauté et nous familiariser avec le concept de décroissance et le changement de paradigme qu’il imposerait. Une manière de se mouiller la nuque avant le grand plongeon ?

À jamais les derniers

Délocalisation, déclin industriel, concurrence déloyale, inégalités… La mondialisation décomplexée n’a pas créé que des gagnants de même que les salariés n’ont pas attendu le dérèglement climatique pour se faire licencier. Que des individus perdent leur emploi, le capitalisme nous y a habitué, que des entreprises perdent leurs parts de marché, c’est déjà plus ennuyeux dans l’horlogerie mondiale, que les mastodontes industriels modernes se retrouvent sans activité, c’est impensable. Alors que la problématique environnementale se fait de plus en plus pressante, s’en désolidariser complètement, outre l’aspect contre-intuitif de la démarche, peut s’apparenter à de la folie. Mais la tirelire n’est pas complètement pleine. Si l’on rappelle, à l’envi, la faible part de la France dans l’empreinte carbone mondiale c’est parce qu’à l’ère du capitalisme, il y a un risque à donner l’exemple, un désavantage concurrentiel à initier cette bascule salutaire. Mais il existe également un danger à ne pas l’amorcer. Le caractère précurseur d’une telle démarche pourrait conduire à réorienter l’apprentissage comme l’industrie et l’économie mondiale n’est pas complètement insensible à la jugeotte.


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Destruction créatrice

Selon la vision de Joseph Schumpeter, le capitalisme est exalté par l’innovation qui constitue la vigueur de la croissance économique. Un phénomène qui acte la disparition d’activités obsolètes au profit d’activités nouvelles, innovantes et qu’il qualifie de "destruction créatrice". Une véritable prise de conscience écologique, ou une crise environnementale selon le calendrier décisionnel, et Dieu sait qu’il y a des choses plus urgentes à traiter que le réchauffement climatique, pourrait conduire à la destruction de certaines activités, du fait de leur obsolescence, et à la création d’autres compte tenu de leur caractère inventif. En corollaire, la fabrication de biens novateurs, l’émergence de méthodes de production différentes, le déploiement de débouchés audacieux, l’utilisation de nouvelles matières premières ainsi qu’une organisation du travail réinventée. Parallèlement, certains métiers risquent de disparaître mais d’autres n’existent pas encore. Quand il n’y aura plus de pétrole, les pompistes se retrouveront figurants au Puy-du-Fou dans un spectacle sur la révolution industrielle. Du reste, la sauvegarde de la planète constitue un meilleur motif de licenciement que la mise au point d’une intelligence artificielle. 

Certains métiers risquent de disparaître mais d’autres n’existent pas encore

Le déclic n’a pas encore eu lieu. Les entreprises réputées engagées cherchent juste à faire mieux, ce qui ne revient pas à faire bien. La transition attendra que les derniers centimes du capitalisme aient été recueillis. Et si la planète est de moins en moins patiente - les catastrophes naturelles, épisodes climatiques, épidémies, manifestent un certain agacement - peut-être lui restera-t-il un peu d’indulgence pour recoller les morceaux. Reste à savoir qui du réchauffement climatique, de l’appareil législatif ou de l’entreprenariat, déclenchera cette indispensable révolution. Le nouveau modèle qui en découlera pourra conserver le nom de "capitalisme", si tant est qu’il ne ressemble en rien à ce que l’on nomme aujourd’hui le "capitalisme responsable".

Alban Castres

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