Un Esprit de Famille œuvre pour donner davantage de visibilité à la philanthropie familiale et faciliter les échanges entre les gestionnaires de fondations. Bénédicte Gueugnier, vice-présidente de l'association et fondatrice de la fondation Alter & Care, revient sur ce travail collectif.

Décideurs.. Pourquoi l’association Un Esprit de Famille, qui regroupe des fondations familiales, a-t-elle été créée ?

Bénédicte Gueugnier. Deux constats ont présidé à sa création. Sur le plan global, la philanthropie familiale souffre d’un vrai manque de visibilité. Elle n’a pas de statut juridique et elle est de nature discrète : "Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien". D’où l’idée pour les fondateurs d’Un Esprit de famille de la rendre visible. Sur le plan individuel, la philanthropie familiale répond à la solitude de nos membres en matière de gestion. Le plus souvent, leurs budgets sont compris entre 100 000 et 1 million d’euros. Ils gèrent à 50 % seuls leur fondation et de manière bénévole (20 % des membres ont une personne en dehors de la famille). Ils sont très demandeurs d’échanges sur les bonnes pratiques et les retours d’expériences.

Quelles sont les particularités de la philanthropie familiale ?

Il s’agit d’une philanthropie qui a ses spécificités par rapport aux fondations d’entreprises. Elle n’attend pas de contreparties. C’est aussi une philanthropie de proximité. Les fondateurs sont proches des associations et interviennent souvent au-delà du soutien financier, comme sur les sujets de structuration ou de gouvernance. Ils les accompagnent aussi sur un temps long et savent prendre des risques en aidant les associations en phase de création ou d’amorçage. Ils soutiennent également des causes peu glamour et rarement retenues par les entreprises comme les sortants de prison ou la fin de vie. Enfin, cette philanthropie est flexible, ce qui a permis dans une période comme celle du Covid de répondre rapidement aux demandes urgentes des associations.

"Il n’y a pas que des gens très riches qui agissent"

Comment aidez-vous vos membres ?

Nous disposons de plusieurs moyens. Nous organisons régulièrement des petits-déjeuners et des visioconférences. Au-delà de ces échanges, nous œuvrons à travers des cercles de travail sur différentes thématiques. Le cercle Weber pour l’éducation compte douze membres. Il a notamment permis de financer des associations entre 200 000 et 300 000 euros. Des sommes auxquelles elles n’auraient pu prétendre si elles n’avaient eu qu’un seul interlocuteur. Nous essayons également d’accompagner les jeunes et les moins jeunes dans la mise en place de leur fondation.

Et sur le versant public ?

Nous militons pour la préservation de la loi Aillagon qui a mis en place un régime incitatif pour le développement du mécénat et qui est régulièrement remise en cause. Nous poussons aussi à la simplification des statuts des fondations. Il y a également un travail de pédagogie à fournir car la philanthropie peut être perçue de manière clivante. Les personnes fortunées n’ont pas toujours bonne presse en France. Or, il n’y a pas que des gens très riches qui agissent et il convient de diffuser la culture du don.

Quels sont les freins au développement de la philanthropie familiale ? 

Le premier est culturel. Nous sommes dans un pays où l’impôt est très élevé. Certains estiment payer suffisamment d’impôts destinés à l’intérêt général pour ne pas devoir en rajouter. Le deuxième frein tient aux gestionnaires de patrimoine même si je ne les mets pas tous dans le même sac. Certains notaires, experts-comptables, avocats ou family offices n’ont pas suffisamment intégré la philanthropie dans la constitution ou de transmission de patrimoines. L’ignorance y est pour beaucoup. Or, créer une fondation est assez simple et la fiscalité de la philanthropie plutôt très avantageuse.

Propos recueillis par Olivia Vignaud