Après la grande démission, le “quiet quitting” ou “démission silencieuse” est devenu la formule fétiche des médias de management. Ce phénomène traduit un manque de motivation des équipes qui les amène à se cantonner à leur stricte fiche de poste.

Ne pas compter ses heures, travailler plus pour gagner plus, ne pas répondre aux sollicitations en dehors de son activité professionnelle... Ces principes semblent aujourd’hui bien loin des préoccupations d’un certain nombre de collaborateurs en réponse aux bouleversements engendrés par la crise sanitaire et pourrait faire du quiet quitting l’un des sujets d’angoisse des managers et des ressources humaines.

La flemme pour un travail sans flamme

Cet engouement tire en partie ses racines de TikTok. Des jeunes issus de la génération Z expliquaient leur intention de ne plus faire que ce pour quoi ils avaient été embauchés. Ni plus, ni moins. Il ne s’agit pas de démissionner mais plutôt de lever le pied. Les quiet quitters font leur travail, pour le même salaire, la même reconnaissance, mais sans le stress qui l’accompagne.

Cause ou effet, la crise sanitaire est incontestablement le point de bascule. Cette nouvelle philosophie du travail n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis et concernerait 37% des Français selon un sondage réalisé par l’Ifop pour le site Les Markers. Soucieux de leur bien-être et d’équilibrer vie professionnelle et vie personnelle, 45% des salariés inscrivent dorénavant l’épanouissement au premier plan aux côtés de la rémunération selon un sondage réalisé par la fondation Jean-Jaurès. Et seuls 46% considèrent le travail comme une source d’épanouissement. Plus de la moitié (54%) le perçoit même comme une contrainte.

Dans un article de 20 minutes daté du 19 septembre 2022, Adrien Scemama, responsable de Talent.com, expliquait déjà que le changement de perception n’est plus à prouver. Beaucoup se disent délaissés voire totalement ignorés : “Les adeptes du quiet quitting sont des salariés qui refusent que leur boulot soit au centre de leurs préoccupations. Ils décident alors de ne pas démissionner, mais de ralentir la cadence pour préserver leur santé mentale.” Plus inquiétant, 94% admettent même être ne pas dévoués à leur travail et 25% se disent totalement désengagés selon une étude du cabinet Gallup. Pour Christophe Nguyen, psychologue du travail et président du cabinet Empreinte humaine, le quiet quitting est synonyme d’une baisse de motivation. Il est nécessaire de "pousser un vrai coup de gueule" et de rappeler aux dirigeants combien "la prévention des risques psycho-sociaux constitue un sujet de fond" qui nécessite de mettre en place des programmes de formation à destination de l'ensemble des collaborateurs puisque "la santé mentale ne doit pas être considérée comme un mal nécessaire". Elle doit "faire partie de l’équation au même titre que la santé économique ou la sécurité sanitaire".

“Les adeptes du quiet quitting sont des salariés qui refusent que leur boulot soit au centre de leurs préoccupations. Ils décident alors de ne pas démissionner, mais de ralentir la cadence pour préserver leur santé mentale.”

Agir sur les leviers de motivation

Si les collaborateurs se désengagent, c’est avant tout pour préserver leur santé mentale. Près d’un salarié sur deux se dit “plutôt perdant” au regard de son investissement au travail selon l’enquête d’Ifop. Le constat est clair : les collaborateurs manquent de reconnaissance. Selon une étude menée en septembre 2022 par Lefevre Dalloz Formation sur la formation comme clé de réengagement des talents, repenser le monde du travail est inévitable. Et la conclusion de cette étude est sans appel : replacer l’humain au centre des priorités est essentiel et passe avant tout par l’écoute des collaborateurs et la compréhension de leurs besoins. Mais tendre l’oreille ne suffit pas, il faut prouver aux collaborateurs qu’ils ont été entendus.

Toujours selon l’organisme, renouer le dialogue, rétablir la confiance perdue et agir sur les engagements au travail est essentiel pour fidéliser ses talents. Face à des salariés en quête de sens au travail, se concentrer sur les leviers de motivation les plus importants que sont la rémunération, l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle et le développement des compétences est la solution pour Lefevre Dalloz Formation. Sur ce dernier levier, l’étude menée par Altays et OpinionWay en octobre 2022 sur la montée en compétences démontre qu’une lueur d’espoir réside dans la formation professionnelle pour aider les collaborateurs à retrouver leur motivation. Et pour cause : les résultats de cette étude montrent que plus de la moitié (55%) des collaborateurs interrogés affirment que leurs compétences ne sont pas évaluées à leur juste valeur. 73% seraient prêts à démissionner si leurs demandes en matière de formation n’étaient pas satisfaites. 19% croient en la possibilité de monter en compétences via des formations. Des chiffres à ne pas prendre à la légère.

Il n’y a pas de recette miracle pour réengager les salariés. L’entreprise doit pour autant prendre au sérieux ce phénomène et s’ajuster à cette nouvelle vision où l’individu ne se définit plus par son travail et qui recherche avant tout un équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle.

Alexis Ellin