Depuis sa création en 1934, le groupe familial s’est transformé. Des premiers buffets qu’il proposait à ses débuts, il est passé aux cuisines avant de s’étendre aux dressings et autres salles de bains. Son actuelle dirigeante, Anne Leitzgen, s’inscrit dans cette adaptation permanente au monde de demain.

S'il y a de grandes chances que vous connaissiez les cuisines Schmidt ou Cuisinella, c’est parce que Schmidt Groupe en monte plus de 132 000 par an en France et à travers l’Europe. Mais c’est surtout parce que cette entreprise familiale a su évoluer pour rester dans l’ère du temps. Dans les années 1930, Hubert Schmidt lance une entreprise de maçonnerie dans la Sarre. C’est en 1948 qu’il décide de passer de la maison individuelle à la création de ses premiers buffets de cuisine afin de répondre à la demande. Dans les années 1950, la Sarre est rattachée à l’Allemagne et les Cuisines Schmidt s’installent dans le village alsacien de Lièpvre. Un nouveau tournant a lieu à sa succession. Plutôt que d’acter lequel de ses trois enfants reprendra le flambeau, il scinde son entreprise en trois branches.

Trois branches, une réussite

Seule une sera au centre d’un fabuleux destin (les deux autres ont déposé le bilan dont la maison mère d’origine qui a été rachetée par Schmidt Groupe pour devenir son point d’ancrage en Allemagne). Sous l’impulsion de Karl Leitzgen et de sa femme l’héritière Schmidt, Antonia, l’entreprise connaît un nouvel essor. "Mes parents se sont demandé quels étaient les besoins des clients. Nous sommes passés d’un produit vendu en grande distribution à un produit vendu avec une marque dans des réseaux spécialisés: la cuisine aménagée", raconte leur fille, Anne Leitzgen. Son père inculque aussi des valeurs fortes à ses deux filles. "Respecte les personnes avec qui tu bosses car c’est grâce à elles que tu manges tous les jours", leur martelait-il. D’où une proximité importante avec les collaborateurs, les fournisseurs et les clients.

Succession réfléchie

Karl Leitzgen décède brutalement en 1995. Sa femme reprend l’affaire. À 70 ans se pose la question de sa succession. La mère et ses deux filles réfléchissent pendant un an aux meilleures solutions, se font conseiller et coacher. En 2006, Anne Leitzgen – qui avait travaillé chez Kenya et Publicis avant de rejoindre le groupe pour y faire du marketing, du développement réseaux puis des RH – en prend la tête. Sa sœur, restée un temps dans l’entreprise, l’a depuis quittée pour se lancer dans d’autres aventures.

Avec en tête l’adage Take the best. Leave the rest, Anne Leitzgen pense l’entreprise de demain

Lors de la reprise, le groupe est en bonne santé, affichant 5 % à 10 % de croissance chaque année. Mais Anne Leitzgen sait que les entreprises familiales pérennes ont en commun d’avoir su interroger régulièrement leur modèle. Avec en tête l’adage Take the best. Leave the rest, elle pense l’entreprise de demain. "Ce n’est pas simple de convaincre qu’il faut effectuer des changements quand tout va bien et qu’on n’a que 30 ans", se souvient-elle.

ADN non négociable

Avec l’aide de l’équipe existante, elle décide de faire des valeurs du groupe un socle non négociable. Elle travaille aussi à créer un management plus horizontal, s’aventure dans l’internationalisation et le digital en proposant des parcours omncanaux et étoffe la gamme de produits : salle de bains, meubles TV, dressing. L’an dernier le groupe a également lancé une offre destinée aux professionnels.

Anne Leitzgen, qui reconnaît avoir un "un prisme un peu militant" sur les questions de RSE, a pris plusieurs décisions dans ce sens dont l’arrêt du PVC il y a vingt ans, et la limite à environ 5 % des achats de matières premières hors Europe utilisées dans la fabrication des produits. Ces engagements font partie des critères ayant permis l'obtention de la certification B Corp en 2023. "L’entreprise de demain sera RSE et durable ou elle ne sera pas", insiste la dirigeante.

Sa mère, un temps présidente du conseil de surveillance, n’a jamais formulé de doute sur sa stratégie. Quant à la génération suivante : "Elle doit savoir que posséder une entreprise est une chance mais aussi une vraie responsabilité." Avis aux successeurs.

Olivia Vignaud