Fleuron français des services digitaux, Atos connaît depuis plus de deux ans une descente aux enfers qui n’en finit plus. Entre résultats en berne, plan de relance qui patine, ingérence politique et potentielle reprise par de nouveaux investisseurs, retour sur 24 mois qui ont chamboulé l’entreprise cotée.

Septembre 2021. Atos sort du CAC 40. Après avoir perdu 40% de sa valorisation depuis janvier 2021, le groupe est relégué dans le Next 20, antichambre d’Euronext au profit d’Eurofins Scientific. De mauvais choix stratégiques et le rachat avorté du concurrent américain DXC Technology sont en cause. Le début d’une interminable dégringolade.

Janvier 2022. Résultats toujours en berne. Après une année déjà difficile, Atos annonce des résultats en deçà de ceux déjà révisés en juillet 2021. Les revenus du groupe sont en baisse de 2,4% à taux de change constant. Le chiffre d’affaires se situe à 10,8 milliards d’euros, soit un milliard de moins qu’en 2020. Le taux de marge opérationnelle atteint 4%, loin des 6% espérés et la trésorerie affiche une perte de 420 millions d’euros sur l’année. L’horizon s’assombrit. 

Juin 2022. Nouveau plan stratégique et décrochage en Bourse. Pour se relancer, Bertrand Meunier, alors président du conseil d’administration, annonce un projet de scission du groupe en deux entités. D'un côté, Eviden qui concentre les activités porteuses d’Atos comme la cybersécurité, les supercalculateurs et le big data. De l’autre, Tech Foundations qui regroupe ses activités historiques d’infogérance. Le groupe perd alors, 23% de sa valeur en Bourse. Les marchés n’achètent pas ce plan qui apparaît comme une augmentation de capital dissimulée derrière une restructuration. Le jour même, son CEO Rodolph Belmer jette l’éponge et démissionne, seulement six mois après son arrivée. Piètre symbole pour ce qui devait amorcer une nouvelle ère.

Février 2023. Airbus entre dans la course. Après avoir perdu 76% de sa valorisation boursière en un an, le groupe Atos confirme avoir reçu une offre indicative d’Airbus pour entrer au capital de son entité Eviden à hauteur de 29,9%. Alors que la structure spécialisée dans les services informatiques est en manque de cash, cette opération priverait Atos du contrôle total d’un de ses derniers poumons en croissance mais lui permet de grapiller 8% en Bourse.

Mars 2023. Faute d’accord avec ses investisseurs, Airbus se retire. Après des désaccords internes entre Guillaume Faury, CEO d’Airbus, et l’un de ses principaux actionnaires, le fonds TCI, sur le prix de rachat, l’opération capote. Le financier ne voyait dans Atos qu’une coquille vide en perdition et une intervention politique de plus pour sauver un acteur tricolore au détriment de l’intérêt d’acteurs privés. Le groupe plonge de 17% à Euronext.

Août 2023. Daniel Kretinsky entre dans la danse. L’homme d’affaires tchèque ouvre des négociations exclusives avec le groupe Atos afin d’acquérir pour une somme symbolique ses activités historiques d’infogérance à horizon 2024. En parallèle, Kretinsky prévoit d’augmenter le capital d’Eviden, la poule aux œufs d’or du groupe, en acquérant 7,5% de son capital.

Octobre 2023. Les sirènes de la nationalisation font plonger Atos. Le groupe informatique s’enfonce et perd 13% en Bourse quand des groupes parlementaires de droite comme de gauche proposent de nationaliser la structure. La raison ? Protéger de la proposition de rachat de Daniel Kretinsky les activités sensibles du groupe, indispensables à l’armée française. Ces propositions ne seront jamais débattues au Parlement, le gouvernement ayant déclenché pour la 13e fois l’article 49.3 pour promulguer la loi de Finances 2024. Mais l’image du groupe est définitivement écornée.

Janvier 2024. Les négociations s’enlisent, toujours pas de rachat en perspective par Kretinsky. Dans un communiqué, Atos annonce que les négociations avec le milliardaire tchèque se poursuivent mais sans garantie de parvenir à un accord. Prix à payer, structure de l’opération, transferts des actifs, le flou est total et les points de blocage nombreux. Le communiqué de l’ex-fleuron de la tech révèle aussi le retour d’Airbus dans la course pour le rachat de son département cybersécurité, une de ses dernières pépites. Bouée de sauvetage ?

Février 2024. Atos demande la désignation d’un mandataire ad hoc pour restructurer sa dette, et voit son cours de Bourse s’écrouler. Le groupe informatique se résout à nommer un mandataire judiciaire pour négocier avec ses 22 créanciers qui détiennent la moitié des 4,8 milliards de dette de l’entreprise. La réaction des marchés ne se fait pas attendre, le cours plonge de 30%. En 5 ans, il a perdu 95% de sa valeur. De Charybde en Scylla ?

Tom Laufenburger