Les déserts se succèdent - étendues duveteuses, dunes sensuelles, roches noires - comme si un architecte indécis mais talentueux se dissimulait derrière cette fresque grandiose. Alors que la Mauritanie conserve la réputation d’un pays à risque, elle a su affronter la menace terroriste dans un Sahel dévoré par des ramifications d’Al-Qaïda ou de l'État islamique.

Si l’immensité désertique mauritanienne est zébrée de quelques routes, symboles de la présence humaine, celles-ci sont, à plusieurs endroits, recouvertes de sable, comme si le désert se plaisait à rappeler à la modernité qu’il aurait toujours le dernier mot. Il y a la majesté des déserts mais aussi les dynamiques économique, sociale et sécuritaire du pays, qui méritent d’être mises en exergue dans un espace sahélien très précaire.

État d’esprit 

Colonisé par la France, le pays a recouvré son indépendance en 1960. Si certaines ex-colonies conservent, voire entretiennent un ressentiment vis-à-vis de leur colonisateur, le plus souvent à des fins de cohésion nationale, la Mauritanie semble s’en être affranchie. Un maillot du Paris Saint-Germain, floqué au nom de Nicolas Anelka, a même réussi à se frayer un chemin jusqu’à Chinguetti, capitale culturelle de la Mauritanie, septième ville sainte de l’Islam et porte du désert. Les présidents qui se sont succédé ces quinze dernières années ont prôné une politique de bon sens qui défendait les intérêts du pays. À titre d’exemple, le fer est exporté plus cher que sa valeur nationale. Tout n’est pas parfait, parfois à dessein, le gouvernement comme sa population souhaitant se préserver d’un tourisme trop envahissant. Les Mauritaniens sont cependant accueillants, amicaux, les dialogues sont faits d’un accent doux et de mots qui se chevauchent sans s’annuler. Au-delà de la dimension touristique, plutôt découragée par les politiques nationales, ou en tout cas peu favorisée, la Mauritanie s’est développée à la faveur d’une croissance soutenue et d’une lutte contre le terrorisme efficace. La capitale Nouakchott loge un million d’habitants sur les six que recense le pays pour une superficie d’environ deux fois la France. La vision européenne de ce que doit être une métropole se retrouve confrontée à l’horizontalité d’une ville qui se cherche encore, se trouve parfois, se développe et s’urbanise, gagne en sécurité lorsque les statistiques sécuritaires des métropoles européennes semblent au contraire s’affaisser.

Tout n’est pas parfait, parfois à dessein, le gouvernement comme sa population souhaitant se préserver d’un tourisme trop envahissant

Esprit d’État

Si le succès de la lutte contre le terrorisme n’est pas vraiment quantifiable, c’est la stabilité sécuritaire du pays qui interpelle dans une région sahélienne qui s’embrase. S’appuyant sur un peuple farouchement hostile au wahhabisme et à toute forme d’exploitation idéologique de l’Islam, le président a beaucoup œuvré en matière de protection sociale pour que ses populations restent sourdes aux sirènes du djihadisme. Il est également à l’origine du regain d’attractivité de l’armée qu’il a rééquipée et renforcée. Les services de renseignement se révèlent, en outre, assez remarquables, sans usage de technologies excessives ni recours à l’intelligence artificielle. Bergers et nomades sont en mesure de contacter gendarmerie et armée à la moindre alerte. L’État a, en outre, engagé un véritable effort auprès des jeunes avec la création de Radio Coran qui rappelle les fondamentaux de l’Islam et dénonce ses interprétations fallacieuses. Les prédicateurs qui s’en prévalaient ont d’ailleurs été renvoyés et les prêches sont désormais surveillés. Des contrôles des forces de l’ordre rythment la sortie de Nouakchott et les entrées de villes, de sorte  qu’un retard entre deux checkpoints puisse être noté, qu’une disparition puisse sonner le signal d’alarme. Une mesure qui a fait suite à l’enlèvement d’un groupe d’Espagnols en 2009, dont les ravisseurs avaient pu traverser le pays du nord au sud pour rejoindre le Mali. La dernière action terroriste a eu lieu il y a onze ans et a fait un mort : le terroriste.

Si le succès de la lutte contre le terrorisme n’est pas vraiment quantifiable, c’est la stabilité sécuritaire du pays qui interpelle dans une région sahélienne qui s’embrase 

Que ce soit pour l’or ou le fer, le gaz ou le pétrole, l’État veille à ses ressources et à ce que leur exploitation soit réservée à la main-d’œuvre nationale. Des richesses abondantes, des avancées importantes et une marge de manœuvre conséquente : le pays occupe la 137e place du classement de la corruption… sur 180.

Alban Castres